Christian MARIN

 

 

Interviews : 1ère partie

 

AZERTYDLe visage de Christian Marin est connu de tous les cinéphiles, tant il inspire la gentillesse, la gaïeté et l'amabilité. Cet homme très charmant a travaillé à de nombreuses reprises avec Louis de Funès. Ils tournèrent ensemble "Les Tortillards" (1960), "La Belle Américaine" (1961), "Pouic, Pouic" (1963), "Le Gendarme de Saint-Tropez", (1964), "Le Gendarme à New York" (1965), "Le Gendarme se Marie" (1968) et "Le Gendarme en Balade" (1970). Autant dire que - en l'espace d'une décénie - Christian Marin a très bien connu ce grand comédien.

AZERTYDIl a su jouer tous les répertoires, du marchand de glace mélancolique et amoureux au valet nonchalant et blasé, sans oublier bien entendu le sympatique gendarme Merlot. Rappelons aussi qu'il fut longtemps Laverdure à la télévision dans les "Chevaliers du Ciel" (1967-1970). Un grand merci à celui qui avait accepté avec enthousiasme de devenir le parrain de ce site et qui temps qu'il a pris à répondre à nos multiples questions...

 

 

Première interview de Christian Marin
réalisée le 19 janvier 2007 par Franck et Jérôme

 

- M. Marin, vous avez débuté en 1959 dans "La marquise d'ô" de Claude Barma, comment en êtes vous venu au cinéma ?

- Petit à petit par le réseau du théâtre. A ce moment on cueillait les jeunes acteurs au théâtre, on nous repérait. J'ai été engagé dans les années 60 !

 

- Robert Dhéry, Colette Brosset, Louis de Funès, Jean Richard: quels souvenirs ?

- On avait une très bonne équipe. A cette époque Dhéry revenait d'Amérique, où il avait un gros succès, je crois que c'était avec la pièce "Les Plumes de Ma Tante". Il a par la suite décidé de faire un film et il cherchait quelqu'un pour jouer le rôle d'un amoureux...ce film était "La belle Américaine". J'ai eu beaucoup de chance car j'ai côtoyé tous les acteurs comiques tels que Jacques Legras, Alfred Adam...

 

- Il y avait aussi Robert Rollis...

- Ah oui Robert Rollis ! Il y avait aussi Bernard Lavalette, Pierre Dac, Grosso et Modo... Ce sont tous des gens merveilleux. Vous savez, à cette époque nous étions surtout de grands enfants ! Il y avait une distribution fantastique...mais nous étions tous assez modestes pour ne pas dire qu'elle était exceptionnelle (rires) !

 

Un casting de rêve dans un film que les admirateurs du cinéma d'autrefois adore ! Outre Louis de Funès, Jean Richard, Roger Pierre et Jean Marc Thibault, Michel Serrault, Jean Carmet etc... les excellents Robert Rollis, Robert Dhéry, Jacques Legras, Alfred Adam, Colette Brosset, Christian Marin et Jacques Fabbri jouaient dans "La Belle Américaine" de Robert Dhéry et Pierre Tchernia (1961)

 

- Vous avez beaucoup tourné avec la troupe des Branquignols mais, à la base, en faisiez vous partie ?

- Je n'en ai jamais fait partie ! Je n'ai joué avec eux qu'au cinéma, pas au théâtre ! J'ai notamment eu un rôle dans "Allez France", avec de très bons comédiens !

 

- Avez vous côtoyé des gens tels que Roger Caccia ?

- Oui bien sûr, il y avait aussi Henri Génès, ils étaient tout une troupe, c'était très bon enfant !

 

- Pouvez vous nous décrire votre relation avec Louis de Funès ?

- Elle était excellente mais surtout très courtoise ! On se vouvoyait, il m'appelait "Marin". J'avais une grande admiration pour lui, il était authentique, sincère. Après "La Belle Américaine", j'ai eu la chance de jouer "Pouic-Pouic". C'était donc la troisième fois que je le retrouvais puisqu'on avait auparavant joué ensemble dans "Les Tortillards". "Pouic Pouic" a eu beaucoup de succès, cela m'a permi d'avancer un peu ! Ensuite, en essayant de vous replacer tout cela par ordre chronologique, il a joué dans "La Grosse Valse", qui a connu aussi un gros succès. Ensuite, ce fût "Oscar" qui l'a lancé dans la sphère du Show-Biz ! Il y a eu aussi "Le Gendarme de Saint Tropez". De Funès a très bien joué ce rôle aux côtés de Michel Galabru ! Il leur fallait des sous-fifres, il y a eu Lefebvre et moi, sans oublier Grosso et Modo !

 

- Etait-ce Louis qui vous imposait sur les films ?

- Je ne sais pas si c'est lui qui m'imposait sur ses films, je n'assistais pas à la préparation ! Mais j'ai su par la "bande" qu'il était très favorable à ce que je faisais ! Louis de Funès m'appréciait, ce que je ne savais pas, mais cela fût très encourageant pour moi. La dernière fois que je l'ai vu, c'était au théâtre, je jouais une pièce d'Anouilh et Louis est venu me voir dans ma loge après la représentation. Il a été très gentil, courtois et il m'a beaucoup fait rire en m'imitant les acteurs qui dormaient sur scène ! C'était vraiment très drôle ! Il m'a aussi félicité pour ma prestation en me disant que c'était magnifique de donner autant de rythme à une pièce, surtout un dimanche de représentation, et de là sont parties les mimes sur les acteurs qui dorment !

 

- Et sur le plateau comment cela se passait-il ?

- Cela se passait très bien mais bien sûr Louis avait ses humeurs, il n'était pas toujours "au soleil fixe", parfois il était nerveux. Il avait une attitude très fermée quand il était en colère, un peu comme un torrero espagnol ! C'est l'image que je garde de lui à propos de ses colères, il les manifestait par des petites phrases sèches ! On était un peu à ses ordres, il ne fallait pas le décevoir ou le contrarier !

 

- Pouvez vous nous parler de Louis et de l'improvisation ?

- Louis improvisait beaucoup mais pas à tous les coups. Il improvisait dans sa tête mais ne créait pas toujours de surprises. Il s'essayait de nombreuses fois pendant les prises mais ça ne se développait pas à chaque fois ! C'était un homme très perfectionniste. Je n'ai donc pas le souvenir d'un improvisateur constant ! Par exemple, dans "Pouic-Pouic", j'avais une scène avec lui où il sortait de la salle de bains : on l'a faite une fois, deux fois, il restait dans la salle de bains, puis, peut-être au bout de la sixième ou septième prise, il s'est décidé à sortir en criant "Charles !". Il était très exigeant !

 

Louis de Funès, Christian Marin et Jacqueline Maillan dans "Pouic-Pouic" de Jean Girault (1963)

 

- Est ce que cette improvisation vous dérangeait ou arriviez-vous à suivre facilement ?

- J'étais perdu, cela me génait beaucoup, vous savez j'étais jeune, j'avais le trac ! J'étais très inquiet quand je débutais un plan et lorsque cela était terminé, je lui demandais "Y'a t-il quelque chose qui ne vas pas ? C'était bien ?" Mais Louis n'engageait pas la conversation jusqu'au jour où il a dit au réalisateur "Coupe ! Il me fait rire !" J'étais soulagé, c'est un très bon souvenir.

 

- On évoque souvent le fait que Louis devenait vraiment bon après plusieurs prises alors que d'autres perdraient leur fraîcheur, comment cela se passait avec vous ?

- C'est très intéressant ce que vous me dites car j'étais dans cet état là, il me désarçonnait un peu ! Je ne savais plus comment faire parfois, j'étais en permanence "entre deux scènes". Dès qu'il me donnait la réplique, j'étais un peu désarçonné comme je vous dis. Il était perfectionniste, parfois on arrivait à sept ou douze prises. C'était tout le contraire de Michel Simon qui, lui, ne voulait tourner qu'une seule fois, c'était deux natures très opposées !

 

- Vous avez eu la chance de le connaître à tous les stades de sa carrière. De "excellent débutant" à "star numéro 1". Avait-il changé ?

- Je ne l'ai pas trouvé changé. Vous savez, il avait son caractère, certains ne l'aimaient pas. Moi j'ai toujours eu de bons rapports avec lui car il n'y avait pas de rivalités entre nous. Il m'aimait bien, je me souviens que lorsque nous tournions dans "Les Tortillards" il me disait "Ecoutez, je passe vous prendre chez vous demain matin". C'était très gentil de sa part et il m'a pris deux ou trois fois comme ça. On parlait, il me racontait sa vie.

 

Christian Marin au début des années 1960 ("La Belle américaine", "Pouic Pouic", "Les Copains")

 

- Lors du "Gendarme en balade" il y a eu des grèves. Pouvez vous nous en dire plus ?

- Oui il y a eu des grèves mais je crois que c'était sur le "Gendarme se Marie" non ? en 1968 ?

 

- Oui pardon, lors du "Gendarme se Marie" excusez nous !

- Voila c'est ça. Les grèves ont été suscitées par Mai 68. il y avait chaque jour des groupes en grève : un jour les accessoiristes, un autre les techniciens du son...C'était le chaos, il y avait des réunions syndicales, c'était très révolutionnaire. Je me souviens que De Funès était très embêté, nous on n'avait pas beaucoup de pouvoir. Mais oui, il y a eu des grèves et des blocages. Cela a duré une dizaine de jours.

 

- Comme vous l'avez évoqué précedemment, vous étiez les sous-fifres, et lorsque Louis vous frappait de rage, quelle impression ?

- Il était d'une grande sincérité ! Quand il était en colère, il l'était vraiment. Je le revois me taper sur l'épaule, du bout de ses doigts. Lefebvre aussi reçevait beaucoup (rires), c'était un gendarme un peu mou, c'était son jeu, et il lui tapait dessus le pauvre ! Moi c'était plus dur, j'étais grand (rires) mais c'est de là que naît le comique ! C'est le petit qui tape sur le grand. Par exemple, devant Galabru, il lui doit le respect, il est très gentil, en tant que supérieur il ne peut rien lui faire car il veut être à sa place et cela se ressentait dans son jeu.

 

Christian Marin dans deux extraits du "Gendarme de marie"
(vidéos Autour de Louis de Funès)

 

- Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous n'avez pas participé aux derniers épisodes des "Gendarmes" ?

- J'ai été engagé au théâtre pour une pièce d'Anouilh. Concernant les "Gendarmes", j'en avais déjà fait quatre, je me disais qu'avec un cinquième ou un sixième, cela tournerait en rond ! J'avais le sentiment d'avoir fait le tour, j'en suis ravi, les gens adorent ça !

 

- Vous n'avez donc jamais été en mauvais termes avec Louis de Funès ?

- Jamais, au contraire ! Même si on ne se fréquentait pas en dehors des plateaux, il y avait un grand respect ! On discutait souvent aux attentes de tournage.

 

- Comment la critique a-t-elle jugée le "Gendarme de Saint-Tropez" lors de sa sortie ?

- On a été très critiqués. Certains ont dit que c'était de la "franchouillardise". Pour moi c'est plaisant et bon enfant, ça amuse petits et grands, c'est divertissant. Mais ça été très critiqué ! Je trouve que la série des "Gendarmes" est bien menée, De Funès est à la perfection. Il n'y a pas longtemps, je suis allé à la gendarmerie de Saint-Tropez : j'ai été assailli par le public notamment par beaucoup d'enfants. Tout le monde me prenait en photo !

 

- C'est touchant, non ?

- Oui bien sûr mais vous savez Louis disait : "pas de vulgarité, pas de grossièreté". Il faut que ça plaise à tous les publics. Ca reste très populaire ! J'ai revu il y a peu de temps "La Belle Américaine" avec mon ami Robert Rollis et il n'y a pas de vulgarité, simplement une histoire de voiture avec des gens autour ! Cela représente bien le cinéma comique des années 60, le cinéma populaire, et ce terme n'est en rien péjoratif ! Une critique a dit à propos du "Gendarme de Saint Tropez" qu'il sera toujours présent dans 50 ans ! Cela représente une véritable époque du cinéma français !

 

- Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

- J'aurais aimé tourner davantage et avoir des rôles plus importants et intéressants. Depuis "Les Chevaliers du Ciel", j'ai très peu tourné. J'ai surtout vécu de théâtre, qui m'a sauvé et me maintient toujours, c'est mon réacteur !

 

- Justement à propos des "Chevaliers du Ciels", j'ai une anecdote : il paraît que vous vous êtes débattu avec un vrai serpent, vos impressions ?

- Oui c'est exact ! C'était un vrai serpent, genre boa et il me tournait autour du ventre et du cou, tout ça sous la pluie, j'avais peur qu'il me serre trop, mais je suis content de l'avoir fait !

 

Avec Louis de Funès et Michel Galabru dans "Le Gendarme à New-York" (Jean Giralut, 1965)

 

- Quel regard portez-vous sur le cinéma actuel ?

- Je vois peu de films ! Mais je sais qu'il y a de très bonnes choses très intéressantes. Je suis nostalgique de l'époque Chaplin, et côté français, j'apprécie beaucoup Prévert et Renoir.

 

- Quelles impressions cela vous fait de voir vos amis tels que Pierre Mondy avoir encore autant de succès ?

- Je suis content pour lui, il a triomphé dans une grande série télé récemment.

 

- Voyez-vous encore beaucoup de vos relations des "Gendarmes" ?

- Je ne vois presque plus Michel Modo mais Michel Galabru je le vois souvent. J'ai joué au théâtre avec lui, il y a quelques années, on a fait une tournée ! Je l'aime beaucoup, il peut dire des choses dures avec bonhommie, c'est tout à fait lui ! Il ne dramatise jamais !

 

- Vous êtes actuellement au théâtre dans la pièce "Un amour de vache" ?

- Et bien dites donc vous êtes bien renseignés (rires), tout se passe bien, c'est une bonne comédie et je suis actuellement en tournée ! J'ai comme partenaire une vraie vache ce qui suscite des problèmes de déplacements, surtout en coulisses (rires) ! C'est une pièce très amusante qui plaît beaucoup au public.

 

Deuxième interview de Christian Marin (juin 2008)

Troisième interview de Christian Marin (août 2011)

Christian Marin invité d'honneur de festivals de BD (Bellegarde et Chambéry)

Des photos et des vidéos de Christian Marin

Le gendarme Merlot a tiré sa révérence (septembre 2012)

 

Page créée le 19 mai 2007, mise à jour le 29 décembre 2007

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