Christian MARIN

 

 

Deuxième interview de M. Christian Marin
réalisée le 10 juin 2008 par Franck et Jérôme

 

- Nous avons eu la chance de vous rencontrer à Paris, au Grand Rex, le 27 avril, pour la journée hommage consacrée à Louis de Funès, quel souvenir en gardez-vous ?

- J'en garde de très bons souvenirs puisque j'ai retrouvé de rares camarades que j'apprécie tels que Popeck et Henri Guybet, qui ont eux aussi tourné avec Louis de Funès, et bien sûr j'ai apprécié de retrouver Madame de Funès ainsi que ses deux fils. Il y avait longtemps que je ne les avais pas rencontré. De plus, je n'avais encore jamais eu la chance de voir "Les Aventures de Rabbi Jacob" que j'ai trouvé excellent, tant au niveau de l'interprétation que du scénario.

 

- Il est certainement très émouvant de voir une foule acclamant votre nom lorsque vous montez sur scène ?

- Bien sûr, il y a beaucoup d'émotion et cette émotion est liée à la personne que l'on honore. Cela m'a rappelé de très bons souvenirs, c'est un moment qu'il est donc toujours agréable de vivre. Je suis toujours très touché de l'accueil que me réserve le public, il y a une véritable chaleur de sa part. Je constate que les gens restent fidèles à l'image que je leur ai donnée. C'est très touchant de sentir que l'on est toujours populaire dans le coeur du public.

 

Christian Marin et Henri Guybet à la fin de la journée consacrée à Louis de Funès au Grand Rex (cliché F&J)

 

- Dans notre précédente interview, nous avions essentiellement parlé de vos souvenirs concernant Louis de Funès, à ce sujet, nous aimerions vous poser quelques questions que nous avions omises auparavant. Tout d'abord, comment définissez-vous l'apport de Louis de Funès dans ses différents films ?

- Louis de Funès est une grande personnalité. Dès qu'il est à l'écran on ne s'intéresse qu'à lui et quand il n'est pas là, c'est lui que l'on attend. Il joue avec une immense sincérité et suscite toujours le rire. Il parvient à remplir l'écran et la salle de sa personnalité. Je le compare à un personnage de bandes dessinées en ce sens qu'il a les mêmes expressions, avec un texte rapidement débité et qui est constamment soumis à des situations drôles. Il était vraiment un très grand acteur.

 

- Son implication dans le scénario des "Gendarmes" s'est faîte crescendo, au fur et à mesure des films ?

- Oui tout à fait, son autorité s'est faîte comme cela. Il y avait une grande fermeté qui émanait de Louis, il réclamait ce dont il avait besoin. Même à l'époque où il n'était pas connu, il avait déjà cette autorité. Il ne se laissait pas faire, il était consciencieux et exigeant et le résultat est ma foi concluant.

 

- Nous avions précédemment parlé de vos débuts dans la Marquise d'ô en 1959.

- C'était un petit film, pour la télévision, qui était tiré d'une nouvelle. Il y avait Françoise Christophe, André Luguet et Gaby Morlay qui sont des acteurs d'une autre génération que la mienne mais avec qui j'ai eu grand plaisir à tourner.

 

Christian Marin dans le sketch "Souper aux chandelles", diffusé en mars 1964 (vidéo INA)

 

- Nous vous connaissons au travers de rôles comiques, auriez-vous aimé endosser des rôles beaucoup plus graves et tragiques ?

- Oui j'aurais beaucoup aimé changer mais on ne m'a jamais proposé de rôles dramatiques. J'avais l'image d'un naïf au comique tendre. Je dois dire que c'est une chose que je regrette un peu car j'ai de suite été catalogué avec cette étiquette.

 

- Justement, n'est-il pas frustrant ou gênant d'être catalogué en Merlot ou en Laverdure ?

- Il est vrai que ces rôles m'ont très vite étiqueté et catalogué mais pour répondre plus précisément à votre question je dois dire qu'à l'époque de la série des "Chevaliers du ciel", il a pu parfois être un peu pénible de toujours être identifié à un personnage unique mais le temps passant, et avec l'âge, il est très réconfortant de croiser des gens dans la rue qui me disent qu'ils m'apprécient, cela ravive d'anciens souvenirs et j'en parle dès lors avec plaisir.

 

- Pouvez-vous nous parler de vos souvenirs concernant la troupe des Branquignols de Robert Dhéry et Colette Brosset ?

- Ils sont bien évidemment excellents. Dhéry était toujours très enthousiaste et avec Colette, dont je salue le grand talent, ils sont parvenus à dénicher de grands comiques tels De Funès ou Carmet, qui sont des acteurs d'exception qui ont éclaté grâce à eux. Sur le tournage de "La Belle Américaine", tout s'est bien passé. A la base, je ne devais pas jouer ce rôle mais la personne initialement prévue n'ayant pu être présente, ils ont cherché un remplaçant et mon nom a été évoqué. C'est comme cela que je me suis retrouvé à interpréter ce rôle d'un gentil et tendre vendeur de glaces (rires) !

 

- Vous avez eu la chance de tourner avec de très grands noms du cinéma, pouvez vous par exemple nous parler de vos souvenirs concernant Joffé ?

- Je me souviens d'une personne très gentille et aussi très volubile. Ce sont des souvenirs qui sont toutefois lointains et il est assez difficile pour moi de pouvoir m'en souvenir avec précision.

 

- Et concernant Claude Autant-Lara ?

- Je me suis très bien entendu avec lui. Il était pétillant et mettait une véritable ambiance électrique sur le plateau. Il avait cette habitude de prendre des prises rapides qui nous entraînaient dans sa folie ! Il avait la réputation d'être dur avec les acteurs mais tout c'est toujours très bien passé en ce qui me concerne.

 

- Vous avez beaucoup tourné avec Jean Girault, notamment dans "Pouic-Pouic", la série des "Gendarmes" mais aussi "Monsieur le Président directeur général", il avait une grande confiance en vous ?

- Oui et je l'en remercie d'ailleurs car il a fait appel à moi à plusieurs reprises. J'avais aussi le soutien de Louis de Funès, que ce soit dans les "Gendarmes" ou "Pouic-Pouic". Je suis très heureux que ses films aient si bien fonctionné. Ils sont passés à la postérité et ont été brillamment acclamés par le public alors que la critique était souvent loin d'être tendre. A ce jour encore lorsque des rediffusions sont programmées, je peux parfois lire "Les franchouillards sont de retour". Mais Girault a été récompensé par la fidélité du public, et c'est cela le plus important.

 

Le gendarme Merlot avec trois de ses collègues... une activité débordante ! Les téléspectateurs répondent présents à chaque rediffusion.

 

- Abordons maintenant la partie "télévision" : Vous avez beaucoup travaillé avec Michel Boisrond, là encore on découvre une grande fidélité avec un réalisateur.

- Oui il m'appelait très souvent (NDR : On retrouve Christian Marin notamment dans "Histoires contemporaines", "Les folies Offenbach", ou encore "Toutes griffes dehors") et je me rappelle d'ailleurs d'une fois où il m'avait contacté pour faire un film inspiré d'Aymé. J'étais bien évidemment ravi puisque le film s'est fait mais je n'ai finalement pas décroché le rôle puisque c'est Alain Delon qui l'a interprété à ma place ce qui n'est pas du tout pareil (rires) !

 

- Abordez-vous un rôle à la télévision de la même façon qu'un rôle au cinéma où cela est-il complètement différent ?

- Dans quel état d'esprit vous placez vous ? C'est une approche qui est relativement similaire puisque d'une part je suis soumis au scénario. Il y a de plus une situation dans laquelle je plonge mon personnage, j'essaye d'être sincère et de l'approfondir.

 

- Pouvez-vous nous parler de vos souvenirs concernant votre rôle de Laverdure dans "Les chevaliers du ciel" ?

- Nous avons tourné pendant trois mois à Dijon, puis nous nous sommes déplacés sur des bases aéronautiques au Pérou, à Haïti et aux Iles Canaries. L'ambiance était formidable. Nous étions vêtus la plupart du temps de nos combinaisons de vol. Nous avons donc vécus entre ciel et terre pendant cette période (rires) ! Cela me touche de voir que la série est toujours aussi populaire. Je rencontre d'ailleurs des membres de l'Armée de l'Air qui au moment de la série devaient avoir huit ou dix ans et qui aujourd'hui sont généraux ou commandants et qui me disent "C'est grâce à vous que j'ai découvert ce métier et que ma passion a grandi". J'étais dans leurs esprits comme un Père noël en Mach 3 (rires) ! Je suis parfois invité dans des bases et je partage un peu de temps avec eux. A chaque fois, l'accueil est extrêmement chaleureux, avec beaucoup de respect et de sympathie. Il y a une grande gentillesse de leur part !

 

AA

Jacques Santi et Christian Marin en Tanguy et Laverdure, extrait d'un épisode avec Pascale Roberts (Les Chevaliers du ciel, François Villiers, 1967)

 

- Passons au volet "théâtre" : Louis de Funès disait que le théâtre était la véritable école et que c'est ici que les comédiens pouvaient se former, vous partagez cet avis ?

- Oui bien sûr, c'est en quelque sorte la salle d'entraînement puisqu'au théâtre c'est vous qui devez faire vos gros plans, définir votre jeu, contrôler vos émotions de manière instantanée alors qu'au cinéma le réalisateur peut corriger une erreur, supprimer une réplique s'il ne la juge pas satisfaisante. Au théâtre ce n'est pas le cas, on ne peut pas moduler les expressions.

 

- Lors de notre entrevue au Grand Rex, nous avions parlé d'une pièce que vous avez joué il y a peu de temps et qui s'appelle "Un amour de vache", où une vraie vache intervient sur scène, ce qui est assez original non ?

- C'était une longue tournée avec, en effet, une gentille vache normande qui causait des scènes cocasses dans les loges et sur scène ! Elle coule actuellement des jours heureux près de Vichy car nous avons réussi, mes camarades et moi, à lui éviter l'abattoir ! Elle était très appréciée et déclenchait de véritables ovations lorsqu'elle entrait en scène, c'était au final elle la véritable star (rires) !

 

- Vous n'avez jamais joué au théâtre avec Louis de Funès, mais l'avez vous vu dans certaines pièces ?

- Je suis allé le voir lorsqu'il jouait dans "La Grosse Valse", qui était une excellente comédie où l'on rigolait beaucoup.

 

Louis de Funès, Robert Dhéry, Colette Brosset et Gérard Calvi lors de "La Grosse valse"

 

- Vous nous confiez précédemment que le théâtre était votre "réacteur" et que vous preniez toujours autant plaisir à monter sur scène, est-ce à dire que vous préférez le théâtre au cinéma ?

- Je préfère bien évidemment le travail, dans le sens du développement et de l'approfondissement d'un rôle, au théâtre. C'est beaucoup plus passionnant de pouvoir le peaufiner dans cette optique là. Sur scène on peut constamment le faire évoluer. Au théâtre, on rentre dans son rôle, il faut apprendre le texte, la mise en scène et discuter avec le metteur en scène. Il y a des bons et des mauvais moments, parfois on peut avoir l'impression de ne pas s'en sortir.

 

- Vous est-il personnellement arrivé de douter ?

- Oui bien sûr, au cinéma j'ai parfois eu l'impression d'être seul, sans réplique ni public. Les acteurs ont quelquefois l'impression de ne pas être observés. C'était exactement le cas pour Louis de Funès, il voulait du contact. Grâce à cela il savait immédiatement ce qui était bon ou non et il pouvait par conséquent être amené à faire un grand nombre de prises. En tant qu'acteur, le contact est important, il est toujours bon d'avoir quelqu'un près de vous, qui peut vous rassurer par un clin d'oeil par exemple.

 

- Quand avez vous pris conscience de vos capacités comiques ?

- Au tout début, lorsque je faisais des auditions. Lorsque je me présentais devant l'auditoire, les membres de celui-ci rigolaient beaucoup. J'étais à l'époque très timide, je n'aurai jamais osé me lancer dans des improvisations. Mais j'ai senti un impact, une présence. Mon caractère à l'écran, grand, tendre et doux, est très intéressant car il permet des contrastes frappants avec des acteurs petits et excités comme De Funès. C'est d'ailleurs pour cela que Louis me souhaitait dans ses films, il trouvait très intéressante cette opposition. Louis était, dans son personnage, méchant et lâche avec ses sous officiers, mais rampant et mielleux devant Galabru.

 

- Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles pour être un bon acteur ?

- (Rires) C'est une question difficile ! Je pense qu'il faut avoir beaucoup de présence, c'est la première des choses. Il faut de plus se faire entendre, se faire comprendre. Il faut faire preuve d'imagination afin de donner du relief au personnage. Le travail est lui aussi fondamental mais c'est surtout la présence que je retiendrai comme qualité phare.

 

- Au cours d'une carrière, un acteur rencontre de bonnes mais aussi de mauvaises critiques. Dans cette dernière hypothèse, comment réagissiez vous ?

- Une mauvaise critique est toujours blessante. Cela ne fait jamais du bien car le rôle que l'on interprète est le fruit d'un long travail et l'on est la plupart du temps persuadé d'être bon. Je suis personnellement sensible aux critiques. Je comprends très bien une critique qui peut être négative mais constructive, c'est à dire une critique donnant les raisons de son mécontentement. Je n'aime en revanche pas du tout les critiques qui démolissent sans fondement. Il faut bien évidemment se remettre en question et en tenir compte. Mais la remise en question d'un acteur doit se faire constamment, qu'il y ait une mauvaise critique ou non.

 

- Quel est votre plus grand regret au cinéma ?

- Peut être de n'avoir jamais eu de rôles phares, avec une consistance plus poussée.

 

- Abordons enfin l'aspect musical de votre carrière puisque vous avez chanté et composé de nombreuses chansons. Comment vous êtes, par exemple, venu l'idée d'interpréter une chanson telle que "Zut à mon patron" ?

- Chanter était pour moi une façon de m'exprimer. A cette époque je n'avais pas beaucoup de propositions et je me suis dit que cela pouvait être une bonne occasion à tenter. J'avais toujours eu envie de faire du music-hall.

 

- Toutes ces chansons que vous avez interprétées sont de votre composition ?

- Tout à fait, je composais les textes, en revanche la musique relève essentiellement du talent d'André Pop qui m'a beaucoup aidé.

 

Couverture du 45 tours "Zut à mon patron" écrit et interprété par Christian Marin

 

- Nous avons d'ailleurs regardé récemment une vidéo, extraite du "Lycée Papillon", dans laquelle vous interprétez "Excusez moi Monsieur le Professeur" de Christophe.

- C'était une émission de variétés crée par Ray Ventura. Il me semble que je chantais avec les Compagnons de la chanson. J'avais une fois encore un rôle de cancre qui disait des âneries (rires) !

 

- Comment pouvez-vous définir votre envie de faire rire les gens, c'est un besoin ?

- Oui bien sûr. On ne monte pas sur scène pour rendre triste le public. Certaines pièces peuvent apporter un message philosophique, social mais moi je me contente de faire rire.

 

- En évoquant une fois encore cette période des "Gendarmes", des "Chevaliers du Ciel", y a t-il un peu de nostalgie en vous ?

- Oui un petit peu, vous avez raison. Cela m'évoque une jeunesse, un espoir que l'on avait devant nous. C'était la force de parvenir à faire ce que j'avais décidé.

 

Modeste hommage à Christian Marin à travers quelques photos (vidéo Autour de Louis de Funès)

 

- Pour terminer, quel est votre plus beau souvenir ?

J'en ai beaucoup, il est assez difficile d'en choisir un particulièrement mais je citerai le rôle de greffier que je campais dans une pièce de Marcel Achard, avec notamment Jean Pierre Cassel et Annie Girardot. Lorsque j'ai débité mes répliques, pour la première fois, j'ai entendu les rires du public qui répondaient, c'était fabuleux. Je me souviens de nombreux messages de soutiens et de félicitations dans les loges de la part de Bourvil, de Sophia Loren ou encore de Visconti. Ce n'était pourtant pas un grand rôle mais j'ai quand même réussi à tirer mon épingle du jeu (rires) !

 

AI

 

Première interview de Christian Marin (février 2007) A/A Troisième interview de Christian Marin (août 2011)

Christian Marin invité d'honneur de festivals de BD (Bellegarde et Chambéry)

Des photos et des vidéos de Christian Marin

Le gendarme Merlot a tiré sa révérence (septembre 2012)

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