Christian MARIN

 

 

AAAII Une fois encore Christian Marin n'aura pas failli à sa réputation d'acteur généreux et disponible auprès de son public. Présent en Haute Savoie pour deux représentations exclusives du "Gang des Seniors" joué au théâtre Antoine Riboud d'Evian Les Bains, le comédien nous a donné rendez-vous à son hôtel pour une interview consacrée à ses souvenirs de théâtre. C'est avec plaisir et attention qu'il s'est prêté au jeu des confidences retranscrites ici en intégralité.

AAAII A notre arrivée, nous rencontrons de manière totalement impromptue Perrette Souplex, l'une des protagonistes de la pièce, et actrice aux côtés de Louis de Funès dans "La Soupe aux choux" qui prend très gentiment le temps d'échanger quelques mots avec nous, de dédicacer quelques objets et de poser pour le site.

AAAII Visiblement heureuse du succès de la pièce, l'actrice nous confie "Nous jouons à guichets fermés durant les deux soirs et malgré une coupure d'un mois, les automatismes reviennent vite entre nous. Tout se passe merveilleusement bien, nous avons joué la pièce en Suisse, en Belgique et au Luxembourg. Nous sommes un peu fatigués par les trajets mais sur scène, face au public, nous retrouvons une totale énergie. C'est un réel plaisir d'interpréter ce rôle et d'être si bien entourée". Puis ravie lorsque nous lui demandons d'en parler, elle se souvient de ses prises de vues avec Louis. "Je l'ai connu bien avant le tournage de "La Soupe aux Choux", à ses débuts lorsqu'il était simple pianiste de bar et que j'allais le voir jouer. Il était génial et l'ambiance sur le plateau est un superbe souvenir pour moi. Nous rigolions beaucoup avec Jean Carmet et mes scènes aux côtés de Louis se sont parfaitement bien déroulées."

 

AI

Jérôme en compagnie de Perrette Soupleix, qui a dédicacé avec plaisir un 45T de "La Soupe aux choux"

 

 

Troisième interview de M Christian Marin
réalisée le 27 août 2011 par Franck et Jérôme

Merci à Philippe pour les photos au cours de l'interview

 

- M. Marin, comment s'est déroulée la première représentation au théâtre d'Evian les Bains hier soir ?

- Vraiment très bien, j'ai la chance de jouer sur scène avec mon amie Perrette Souplex et nous avons eu un public très chaleureux. Nous étions de plus dans une forme éblouissante ce qui a rendu l'ensemble très plaisant.

 

- Vous reprenez le rôle de Pierre Maguelon, décédé peu de temps avant le début de la tournée, est-ce compliqué d'arriver au sein d'une troupe qui dispose déjà d'une certaine complicité ?

- Non cela n'a pas été problématique puisque la troupe en était encore au début des répétitions donc je n'ai pas eu l'impression de prendre le train en marche.

 

- Y a-t-il eu des modifications dans le personnage de Victor afin de l'adapter à votre style de jeu ?

- Non, même si on sent que le personnage était écrit pour un méridional puisque Victor est un homme de la marine, de la mer et Maguelon avait cet accent très prononcé et pittoresque. Mais immédiatement après le décès de Pierre, mon ami Bruno Druart (l'auteur) m'a appelé pour me demander de reprendre le rôle. Il m'a envoyé le texte que j'ai lu et que j'ai trouvé très drôle. Et j'apprécie surtout la qualité des comédiens qui m'entoure avec Yolande (Folliot) et Perette. J'ai déjà fait des pièces où la distribution était assez irrégulière mais là c'est vraiment impeccable, tout le monde est bien à sa place et joue sa partition avec perfection.

 

- Au fur et à mesure des représentations, ajoutez-vous des répliques ou corrigez vous la pièce ?

- Cela nous est arrivé peu après le début des représentations lorsque nous commencions à être entraînés par le rythme de la pièce et que nous possédions déjà une certaine sécurité des textes mais nous ne sommes pas des rajouteurs (rires).

 

- Le rythme de vie du théâtre, notamment les déplacements de villes en villes avec la troupe est-il plus exigeant que le cinéma ?

- Je dois dire que le plus éprouvant pour moi est que nous ne jouons pas tous les jours. Si on jouait régulièrement, deux ou trois soirs par semaine ce serait parfait. Mais jusqu'à hier soir, nous n'avions pas joué depuis plus de trois semaines. Même si on sait le texte il faut se le remettre en mémoire, qu'on se réentende tous ensemble car il peut toujours y avoir des oublis ou des erreurs, chose qui n'arriverait pas si l'on jouait en continuité.

 

- Avez-vous certaines habitudes ou superstitions avant de monter sur scène ?

- Non les habitudes sont vite effacées par le trac. Comme Perrette, hier soir je me sentais très fatigué avant de jouer. Nous avons tous un amas de peurs et de soucis mais une fois sur scène il faut se battre avec le texte et le public. Mais je reconnais être de plus en plus angoissé avant de monter sur scène.

 

Jérôme interrogeant Christian Marin

 

- Vous avez eu la possibilité de jouer avec l'un de vos modèles, Michel Simon, mais cela ne s'est pas fait, quelle en est la raison ?

- C'est exact, vous avez raison, je crois que c'était dans " Du vent dans les Branches de Sassafras". Il y avait un excellent acteur qui s'est fait renvoyer par le directeur du théâtre. Celui-ci a fait appel à moi pour le remplacer. Je vous avouerai que je n'ai pas accepté car j'estimais que cet acteur était délicieux et très bon sur scène et je ne voulais pas empêcher un homme qui avait du talent. J'ai trouvé très injuste qu'on le renvoie et c'est pour cette raison que je n'ai pas accepté.

 

- Vos débuts sur les planches remonte à 1953 dans "A chacun sa vérité" de Pirandello, interprété à la Comédie de Saint Etienne, quels souvenirs gardez vous de vos débuts ?

- Cela s'est très bien passé. Nous étions une équipe très jeune mais menée par un homme très scrupuleux. C'était un théâtre-école où le matin il fallait se lever, faire de la culture physique, lire son courrier…Ensuite ceux qui jouaient de grands rôles dans la pièce répétaient et les autres faisaient de l'improvisation, des masques neutres, c'était une espèce d'école d'apprentissage. Avec le temps je ne le regrette pas, ce sont de bons souvenirs mais à certains moments cela nous emmerdait quand même un peu… comme beaucoup de jeunes qui vont à l'école ! (rires).

 

- Vous êtes originaire de Lyon, avez-vous débuté par des cabarets dans le Rhône, l'Isère et la Savoie comme certains de vos collègues notamment Clément Michu (de Villeurbanne) ?

- Oui j'ai fait du cabaret notamment au "Cheval d'Or" où j'ai croisé Devos qui lui en partait. Et il y avait aussi Maguelon qui passait sous le nom de "Petit Bobo" qui racontait des histoires de province avec son accent si particulier. C'était un tout petit bouiboui enfumé mais c'était très savoureux. Le cabaret avait pris la place d'une ancienne boucherie chevaline et lorsque j'arrivais avec mon vélo Solex je pouvais voir l'immense cheval en devanture dont la fumée, venant des cigarettes et de l'ambiance l'intérieure, sortait des naseaux. Lorsque le cheval dispersait beaucoup de fumée je savais qu'il y avait du monde et lorsqu'il n'y en avait pas c'est qu'il n'y avait personne alors je prenais mon vélo et je rentrais chez moi (rires).

 

- Vous avez aussi travaillé avec Anouilh, comment s'est déroulée votre collaboration ?

- C'était un homme formidable, un de nos derniers grands auteurs à texte. Je redoutais un peu de le rencontrer car son théâtre de l'Atelier n'était pas très gai et j'étais plutôt un interprète de Marcel Achard dont les rôles me convenaient mieux car ils étaient truffés de poésie, de charme et d'amour, un petit peu rapproché de Marivaux alors qu'Anouilh c'est sec et dur et les personnages ne sont pas très sympathiques. C'était à l'époque où je devais jouer un cinquième Gendarme que je n'ai pas accepté pour jouer cette pièce qui s'appelait "La Culotte". J'avais un très joli rôle face à Jean Pierre Marielle et cela m'a permis de jouer un théâtre classique et de rencontrer Anouilh dont j'ai garde un excellent souvenir et une grande admiration. Par la suite j'ai joué "Le nombril" avec Blier, un comédien plutôt difficile avec qui je me suis finalement bien entendu. Je ne suis pas contrariant ni lâche mais je laissais couler lorsqu'il envoyait des vacheries. Il n'était pas toujours très agréable c'est vrai mais il avait une présence formidable… il n'empêche que parfois il fallait quand même se le faire ! (rires).

 

- Conseillez-vous les jeunes acteurs qui jouent à vos côtés ?

- Dans la mesure du possible j'évite. Cela fait vieux comédien, vieux professeur. Je me vois mal dire "Non, de mon temps on ne jouait pas comme ça " ! J'ai une immense admiration pour un acteur qui s'appelle monsieur Fernand Ledoux qui laissait les jeunes aller afin qu'ils puissent s'autocritiquer afin qu'ils découvrent en eux ce qui n'allait pas. Un peu comme si vous mettez un pantalon avec un trou aux fesses, il vaut mieux que vous le remarquiez vous-même plutôt qu'on vous en fasse la remarque (rires).

 

- Lorsque vous êtes confronté à un public qui ne rigole pas facilement, comment l'acteur doit-il se comporter ?

- Quand vous êtes jeunes on se dit toujours "on va les avoir" ce qui est une erreur. Les gens ne sont parfois pas disposés à se marrer. Les acteurs aînés nous disaient de laisser aller, de garder son rythme et de bien se faire comprendre. Et effectivement le public venait petit à petit et applaudissait très fort à la fin. Il ne fallait pas forcer le rire. Comme disait un metteur en scène "Je t'en supplie n'arrache pas le rire comme on arrache une dent !" (Rires)

 

AA

Christian Marin se pliant de bonne grace au jeu des dédicaces

 

- Vous êtes vous déjà interdit de jouer une pièce qui ne correspondait pas à votre style, par exemple parce qu'elle pouvait être trop grossière ?

- J e n'ai jamais été confronté à ce cas d'espèce mais effectivement je n'accepterai pas une pièce vulgaire. Parfois des pièces ne me plaisent pas. Je suis très hésitant à chaque fois puisque vous pouvez aussi très bien passer à côté d'un joli rôle. On ne peut pas connaître d'avance la réponse du public. Evidemment il y a aussi des pièces qui vous emballent et ne marchent pas et il y a aussi les pièces alimentaires. A l'époque j'étais marié, j'avais quatre enfants je ne pouvais pas jouer les seigneurs avec un cigare à la bouche dans une Rolls.

 

- Le théâtre est-il toujours votre premier amour ?

- Tout à fait. D'ailleurs ce sont les acteurs que j'allais admirer au cinéma lorsque j'étais jeune qui m'ont donné envie de jouer au théâtre car ils en étaient eux même issus. Je pense notamment à Jouvet, à Berry ou à Gélin dont les gens ont oublié qu'ils étaient des monstres de théâtre avant d'être acteurs au cinéma. Le cinéma vous multiplie beaucoup plus. Vous jouez devant 200 personnes au théâtre mais des milliers de personnes regardent vos films. Mais je n'abandonne pas le théâtre. C'est un véritable sport, notamment intellectuel puisqu'il faut avoir des trouvailles et de la mémoire. Je viens aussi de tourner un film au Luxembourg avec François Berléand. Ils ont tous été merveilleux avec moi et je n'avais jamais trouvé auparavant ce respect et cette chaleur dans le cinéma français.

 

- Aujourd'hui à 82 ans apprenez-vous toujours votre métier ?

- Toujours, j'essaie et j'espère aller le plus loin possible et puis lorsqu'on est en scène on oublie ses soucis, ses tracas et ses angoisses. C'est un merveilleux métier où l'on distribue de la fiction, du rêve et puis ce fût tout un apprentissage. On en retire une bonne expérience. On apprend à connaître les gens et on devient plus équilibré dans les jugements les concernant. Dans cette troupe il n'y a pas de discordes entre femmes ou d'acteurs un peu cons, il y a une vraie unité sur scène et en coulisses (rires) !

 

Première interview de Christian Marin (février 2007)

Deuxième interview de Christian Marin (juin 2008)

Christian Marin invité d'honneur de festivals de BD (Bellegarde et Chambéry)

L'actualité de Christian Marin

 

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