Jean-Paul SCHWARTZ
première interview (2007) - deuxième interview (2012) - troisième interview (2013)
AeAAAA Dans le cadre d'une mise à jour consacrée au film "Hibernatus" (juillet 2013), nous avons à nouveau contacté Jean-Paul Schwartz qui était opérateur sur le film d'Edouard Molinaro (1969). Comme à son habitude, cet homme charmant a aimablement répondu à nos questions. Ancien technicien de cinéma aujourd'hui retiré des plateaux, il a derrière lui plus de trente ans de carrière avec la particularité de n'avoir jamais connu de temps mort. Alternant entre cinéma, télévision mais aussi publicité, il trouva dans chaque thématique de son métier des satisfactions diverses alliées au goût du travail bien fait. Outre plusieurs films avec Louis de Funès, de "La Traversée de Paris" à "L'Aile ou la cuisse", il participe à de nombreux films réalisés - entre autres - par Philippe de Broca, Claude Zidi, José Giovanni, Jean-Pierre Melville, Jean Girault et Claude Chabrol. Une personne modeste et attachante à qui nous adressons une fois encore tous nos remerciements et notre amitié.
Interview M. Jean Paul Schwartz du 11 février 2013 par Franck et Jérôme
- M. Schwartz, comment êtes-vous engagé dans l'équipe technique d' "Hibernatus" ? - A cette époque je travaillais beaucoup avec Marcel Grignon et comme il fut enrôlé comme chef opérateur de la première équipe, je fus opérateur à ses côtés. Edouard Molinaro était assisté de Philippe Monnier à la réalisation et la seconde équipe était dirigée par Pierre Cosson. Le chef opérateur de cette seconde équipe était Raymond Lemoigne. Nous nous connaissions tous très bien car en réalité, à cette époque, la famille des techniciens du cinéma était petite. Nous nous retrouvions donc très régulièrement.
- Les costumes et les décors d'époque ont-ils eu une influence sur la technique ? - Non, je ne me souviens pas qu'elle ait différé d'un film classique. Le traitement de la lumière ou le réglage des plans restaient très classiques, sur la même base que toutes les comédies de cette époque. En revanche je me rappelle de problème de réécriture du scénario et donc de modifications constantes durant tout le tournage.
- Ces réécritures ont-elles affecté vos préparations de plans ? - Non il n'y avait aucune influence sur notre travail final. De plus, Molinaro est un excellent technicien qui connaît son métier sur le bout des doigts. Je l'avais déjà connu auparavant puisque j'avais travaillé sur son film "Un Témoin dans la ville". Par la suite j'ai dû encore tourner deux ou trois films à ses côtés mais je l'ai surtout côtoyé lorsqu'il réalisait des pubs, domaine dans lequel j'ai moi-même beaucoup travaillé.
- Comment Molinaro dirigeait-il ses comédiens sur le plateau ? - De manière assez ferme car il est un professionnel exigeant qui sait exactement ce qu'il veut. Je me rappelle qu'il était relativement tranchant dans ses jugements. Il est assez introverti sur un plateau, il ne rit pas à gorge déployée. Pour l'avoir connu hors plateau, il est en revanche un homme très agréable et charmant.
- De là sont venues les difficultés avec De Funès ? - Je n'ai pas le souvenir de difficultés particulières entre Edouard Molinaro et Louis de Funès. Ils étaient avant tout de grands professionnels donc le travail se faisait de manière cordiale. Si certains heurts ont pu éclater, cela a certainement dû se passer en coulisses ou dans les bureaux. En tant qu'opérateur, je me suis toujours gardé d'intervenir lorsque des conflits apparaissaient sur des plateaux car ce n'était pas de mon ressort de les régler ou d'y prendre part.
Le réalisateur
Edouard Molinaro derrière une caméra.
- Il y eut en revanche beaucoup de retard dans le plan de travail ? - C'est exact, je me rappelle que le tournage a duré plus longtemps que prévu mais je ne saurais vous dire combien de temps exactement. En revanche, la seconde équipe a été beaucoup plus sollicitée que prévu. De mémoire, sur la fin du tournage, sa charge de travail a augmenté mais je n'ai pas travaillé avec eux car j'étais constamment avec Marcel Grignon pour les plans concernant de Funès (ndlr : Edouard Molinaro a quitté le tournage une fois les plans de Louis de Funès réalisés, la seconde équipe termina alors tous les plans restants, notamment ceux de l'expédition polaire).
- Il s'agissait d'un film à gros budget, vous deviez disposer d'une technique confortable ? - Le film était produit par la Gaumont, il s'agissait en effet d'une grosse production. Je ne me souviens pas de restrictions particulières lors du tournage. Les films avec Louis de Funès étaient assez confortables c'est vrai.
- Vous retrouvez Louis de Funès avec qui vous aviez déjà travaillé... - Oui j'avais déjà participé à plusieurs films : "Le Gendarme à New York", "Le Gendarme se Marie ", "Les Grandes Vacances", "Le Tatoué" donc je connaissais relativement bien le jeu de Louis. Je n'ai donc pas eu de difficultés particulières pour le filmer durant ce tournage. Il est vrai par contre qu'il sortait d'un tournage compliqué avec Gabin qui fut assez difficile, notamment parce que la réécriture du scénario fut constante. La mouture finale était très volumineuse. Et les relations entre Gabin et de Funès ne furent pas idéales. Je me rappelle de Jean toujours présent sur le plateau, assis dans un coin, il surveillait tout ce qui se passait. A 17h30, il quittait le studio, il ne dépassait pas les horaires de travail. Louis en revanche a parfois débordé tardivement pour terminer un plan. J'ai quand même pu souvent noter sa grande fidélité envers beaucoup d'acteurs et de techniciens qu'il fit régulièrement travailler. Sur les "Gendarmes" notamment il a renvoyé l'ascenseur à beaucoup de techniciens qui l'avaient aidé dans sa jeunesse.
- Le cinéma de Girault devait beaucoup différer de celui de Molinaro ? - Oui ils n'avaient pas la même approche du travail. C'est assez difficile de trouver les mots exacts pour vous expliquer la différence entre ces deux styles. Girault faisait des films plus familiaux et accessibles tandis que Molinaro avait une approche sans doute un peu plus intellectuelle. Je pense aussi que ce dernier avait une plus grande connaissance de la technique.
- Au cours du tournage, Louis de Funès intervenait-il dans la technique ? - Je n'ai pas le souvenir que Louis m'ait demandé quoi que ce soit durant le tournage. Comme tout acteur il connaissait relativement bien la technique mais pas au point d'un Gabin à qui vous ne pouviez rien cacher tant il était connaisseur, et amateur, de notre travail. Louis proposait toujours plus de comique et contrairement à Girault, Molinaro était peut-être un peu plus méfiant, il ne concevait pas tout ce qu'il proposait.
- Aujourd'hui quel regard portez-vous sur ce film ? - Je trouve très honnêtement qu'il a vieilli ce qui est logique dans la mesure où il correspond au cinéma d'une certaine époque. En revanche, certains films tournés à cette époque n'ont pas pris une ride. C'est le cas des "Tribulations d'un Chinois en Chine" que j'ai revu dernièrement. Un vrai film d'aventures un peu comme Tintin et Milou. J'avais pris beaucoup de plaisir à le tourner. Je me rappelle avoir terminé des plans à Chamonix avant d'embarquer de justesse sur le paquebot France pour le tournage du "Gendarme à New York".
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