Jean-Paul SCHWARTZ

 

première interview (2007) - deuxième interview (2012) - troisième interview (2013)

 

aaaaaaaaaJean-Paul Schwartz a été second assistant opérateur sur "La Traversée de Paris" (1956), puis caméraman sur "Le Gendarme à New-York" (1965), "Les Grandes Vacances" (1967), "Le Tatoué" (1968), "Hibernatus" (1969), "Le Gendarme en Balade" (1970) et "L'Aile ou la Cuisse" (1976). C'est dire s'il a eu au cours de sa carrière l'occasion de cotôyer notre idole. Mais cet homme très charmant a aussi énormément travaillé avec Jean-Paul Belmondo et Jean Gabin. Il fut enfin et surtout le caméraman - puis le Directeur de la photographie - attitré de Philippe De Broca, avec qui il tourna pas moins de 11 films ("L'Homme De Rio", "Le Magnifique", "Tendre Poulet"...) ! Nous remercions fort chaleureusement cette personne très sympathique avec qui nous avions passé un excellent moment lors d'une rencontre à Paris en octobre 2006. Une seconde interview fut réalisée en février 2012.

 

Jean Girault, Louis de Funès et sa doublure Georges Fabre, Jean-Paul Schwartz et Jean Lefebvre
au cours du tournage du "Gendarme en Balade", en 1970.

 

Interview de M. Jean-Paul Schwartz du 20 juin 2007

 

- M. Schwartz, vous avez été second assistant opérateur en 1956 sur "La Traversée de Paris" de Claude Autant-Lara. Vous souvenez-vous de Louis De Funès lors de ce tournage ? Ce fut l'occasion de votre première rencontre ?

- Ce n'est pas faute d'avoir cherché mais je n'ai que de vagues souvenirs de lui à cette occasion. D'une part, il se trouvait aux côtés de Bourvil et de Jean Gabin qui - contrairement à lui - étaient de très grandes vedettes alors. D'autre part, j'étais second assistant opérateur sur ce film et par conséquent, mon travail sur les lieux de tournage s'avérait cours et limité. Enfin, il faut reconnaître que beaucoup de temps a passé depuis. Il y a 50 ans de cela maintenant. J'avais peut-être déja aperçu Louis de Funès à d'autres occasions mais je ne m'en rappelle pas. Il est sûr que je n'ai pas discuté avec lui lors du tournage de "La Traversée de Paris".

 

- Vous avez plus de souvenirs concernant "Le Gendarme à New York", près de 10 ans plus tard, alors que le succès était enfin au rendez-vous pour lui ?

- Effectivement, je l'ai vraiment rencontré au cours de ce tournage. Louis de Funès avait déja beaucoup travaillé avec Jean Girault à cette époque. Pour les premières et dernières scènes du film qui se déroulent à saint-Tropez, ce n'est pas moi qui suis derrière la caméra. Mon travail a commencé au Havre, où nous avons embarqué pour le paquebot France, et bien évidemment à New York... Ce tournage reste un très bon souvenir.

 

- Par la suite, vous l'avez filmé sur "Le Gendarme Se Marie" en 1968 et "Le Gendarme en balade" en 1970... Quels souvenirs avez-vous de Louis de Funès au cours de ces tournages ?

- Mes rapports avec Louis de Funès ont toujours été très bons. Il fut vraiment charmant avec moi, mais ce n'était pas une amitié pour autant. C'est à dire que nous ne dînions pas ensemble le soir et ne discutions pas beaucoup. Il était plutôt dans son monde à lui. Son humeur changeait selon les jours, nous pouvions le voir arriver tout gai avec le sourire. Parfois, il était plus renfermé. Mais ces attitudes sont un peu le propre des grands acteurs...

 

- Pouvez-vous nous évoquer un peu le contexte concernant la grève sur le tournage du "Gendarme Se Marie" ?

- C'est bel et bien Louis de Funès qui voulait arrêter au début. Par la suite, il voulut reprendre. Mais à ce moment-là, il y avait deux clans : ceux qui étaient contre la grève et ceux qui étaient pour. Ces derniers étaient les plus nombreux. C'était un moment particulier car nous venions sur le lieu de tournage mais nous ne travaillions pas ! Lorsque le tournage reprit, le climat était un peu tendu par moment, mais tout s'est bien passé dans l'ensemble...

 

- En 1965, André Hunebelle tourne "Fantômas se déchaîne", second volet de la trilogie. Vous avez participé à ce film, car les requins que l'ont aperçoit dans le repère du criminel ont été filmés par vous, c'est cela ?

- Oui, nous avions filmé en transparence des requins. Dans le film, ils apparaissent au devant d'une cité détruite dans le fond de la Mer. L'opérateur Guy Delatre et moi avions filmé ces petits requins dans un grand aquarium en Bretagne. Mais, pour cette séquence, je ne me suis occupé que des plures, c'est à dire ce que l'on voit devant la caméra.

 

- En 1969 est réalisé "Hibernatus" par Edouard Molinaro. On a souvent dit que Louis De Funès ne se trouvait pas à l'aise à l'occasion de ce tournage. Avait-il changé ?

- Comme je vous l'ai précédemment dit, je n'ai jamais eu aucun problème avec Louis de Funès. Mais il est vrai que des tensions pouvaient naître parfois entre lui et Edouard Molinaro, conséquences de points de vue différents sur le scénario ou sur une scène... A ce moment-là, il suffisait juste de s'éclipser et ne pas s'en mêler.

 

- Et qu'en était-il pour le tournage du "Tatoué" ? Denys De la Patellière dit que c'était un peu difficile pour De Funès car le staff technique était plutôt une équipe Gabin...

- Effectivement, c'était plutôt une équipe Gabin. J'étais avec Anatole Paris l'un des seuls habitués à tourner avec Louis de Funès. Il n'y avait pas de véritables tensions, mais les relations entre les deux acteurs ne ressemblaient pas à celles que j'ai pu voir entre de Funès et Coluche. Louis de Funès et Jean Gabin, une fois une scène terminée et dans la boite, retournait chacun dans leur caravane.

 

- Etant caméraman sur "Les Grandes Vacances" et sur "Hibernatus", vous avez eu le temps de voir Olivier De Funès s'exercer au métier de comédien. Quelles étaient les relations entre le père et le fils ?

- Très bonnes ! Vous savez, Olivier est vraiment une personne charmante. Mais je ne pense pas qu'il souhaitait réellement devenir comédien. Et il a choisi de devenir pilote de ligne par la suite.

 

- En mars 1975, Louis De Funès est victime d'un malaise cardiaque. Il ne tournera qu'en 1976 sous la direction de Claude Zidi dans "L'Aîle ou la cuisse"...

- "L'Aile ou la Cuisse" est pour moi un excellent souvenir. Claude Renoir était chef opérateur du film. Mais il partit après six semaines de tournage et je l'ai remplacé. Le tournage fut un peu compliqué. Les assurances couvraient le tournage mais nous devions avoir un maximum de séquences avec Louis de Funès dans tous les décors du film [au cas où Louis De Funès ne puisse plus tourner, le film pouvait ainsi être monté]. Ensuite, nous devions tourner à nouveau pour complêter les mêmes séquences dans les mêmes décors. Quand je suis passé chef opérateur sur le film pour remplacer Claude Renoir, Louis de Funès a été formidable avec moi. Il m'a dit un jour qu'il ne viendrait pas aux projections le soir pour ne pas m'embêter, ayant une totale confiance en mon travail. J'ai trouvé cela très gentil de sa part, cela m'a vraiment touché...

 

- Avez vous le souvenir d'une scène qu'il a fallu refaire 10 àu 15 fois pour que Louis De Funès soit au top du top ?

- Je me souviens d'une scène sur un "Gendarme". Le plan était particulièrement difficile à réaliser, et Louis recommençait inlassablement cette scène. 10, 15 peut-être 20 fois ! Mais cela s'est très bien terminé.

 

- Etait-il difficile de filmer Louis De Funès, acteur qui saute, bouge etc... ?

- Ce n'était pas facile car il fallait être vigileant et appliqué, mais c'était enrichissant. Je devais anticiper ses mouvements, ce que j'avais progressivement compris avec l'expérience.

 

- Pouvez-vous à présent nous parler d'autres personnages que vous avez très bien connus. Nous pensons en particulier à Philippe De Broca et à Jean-Paul Belmondo...

- Jean-Paul est un ami, nous nous téléphonons régulièrement. Je l'ai connu sur "A Double Tour" où j'étais premier assistant. Nous avons sympathisé et, par la suite, notre amitié s'est confirmée et consolidée au fil des tournages. J'ai adoré tourner "L'Homme de Rio" avec lui. Il est un homme simple et charmant... Avec Philippe De Broca, j'ai travaillé sur 13 films. Nous avions donc d'excellents rapports.

 

- Outre les longs-métrages, vous avez également réalisé plus de 200 films publicitaires. Nous avons lu que deux de ces spots avaient reçu un Lion d'Argent et un Lion d'Or à Venise. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

- La publicité est différente d'un long-métrage. Au début, il faut reconnaitre que la tâche n'était pas évidente car la publicité était nouvelle à la télévision. Ce travail était plutôt celui des photographes avant. Les techniques - particulièrement l'éclairage - et le matériel sont différents. Le plan final du produit - qu'on appelle le pack shot - était compliqué à réaliser car demandait de minutieuses préparations. Chaque détail compte. L'un doit être bien mis en évidence, un autre caché etc... Aujourd'hui, la technique a connu des évolutions, notamment avec l'apparition de l'image virutelle. A l'époque, cela n'existait pas, ce que nous faisions, c'était sans trucages numériques. Les trucages était obtiques, très longs, compliqué couteu à réaliser.

 

- Quelle est votre actualité ? Vous suivez la carrière de votre fils, c'est cela ?

- L'année dernière, j'ai tourné une partie du film "Equinoxe", se déroulant au moment des grandes marées au Mont-Saint-Michel. Le tournage est étalé sur plusieurs annés, plusieurs caméramen - dont mon fils ainé - ont déja travaillé sur ce film. Aujourd'hui, je suis membre du Comité de Sélection pour les Césars. Je dois voir beaucoup de films chez moi et en salle, et ensuite voter, ce qui n'est pas toujours facile. D'une part, il faut rester objectif, d'autre part, tous les films sont fait avec différents budgets mais avec du coeur.

 

- Quelle vision avez-vous du cinéma français actuel ?

- De très bonnes choses se font encore aujourd'hui, mais je suis nostalgique du cinéma d'autrefois... Je constate en suivant mon fils ainé que rien n'est comme avant à présent. L'ambiance me semblait meilleure à mon époque. Le tournage en studio avait beaucoup de charme.

 

- Encore un grand merci à vous pour avoir prix le temps (assez important) de répondre à nos nombreuses questions. Et félicitations pour votre carrière.

 

Accéder à la seconde interview (février 2012)

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