Romuald FIGUIER

 

Pour le grand public, le nom de Romuald Figuier évoque sans aucun doute un chanteur qui a additionné les succès populaires, notamment au concours de l'Eurovision, avec « Où sont-elles passées ? » et « Catherine », des chansons que la France a fredonné en leur temps. Mais Romuald est avant tout un artiste tout-à-tout qui a écrit des chansons, composé des morceaux (y compris pour le cinéma), joué la comédie, dansé et jonglé. Ainsi, à l'instar des gens du cirque – il est le neveu d'Achille Zavatta – Romuald est un artiste complet. Si sa notoriété débute en 1964 avec son premier 45 tours puis sa première participation à l'Eurovision, le début de sa carrière est davantage marqué par le théâtre. En effet, en 1962, il rejoint l'équipe des Branquignols autour de Robert Dhéry et de Louis de Funès pour jouer « La Grosse valse » au théâtre des Variétés, dont il garde un excellent souvenir. Adressons nos remerciements chaleureux à cet homme charmant qui a accepté de revenir sur les débuts de sa carrière.

 

Interview de M. Romuald FIGUIER du 24 février 2016 par Franck et Jérôme

 

- M. Figuier, vos débuts sur scène sont marqués par votre collaboration avec Louis de Funès dans « La Grosse Valse », comment avez-vous été engagée dans cette pièce ?

- Une amie m'a informé que Robert Dhéry montait un spectacle et cherchait des artistes qui savaient faire pas mal de choses. Venant d'une famille de cirque, je savais danser, je connaissais le chant et la musique car j'étais choriste et jouais du saxophone. On m'a dit que mon profil pouvait intéresser Robert Dhéry, à qui je me suis donc présenté. Après avoir appris que j'étais le neveu d'Achille Zavatta, il m'a demandé : « que savez-vous faire ? » Je lui ai carrément répondu « Tout ! » (rires). Dhéry a alors enchaîné : « Bon et bien c'est entendu, je vous engage ». En moins de cinq minutes, je vais de rejoindre la troupe.

 

- A l'instar d'autres comédiens comme Christian Leguillochet, Robert Destain ou encore Michèle Frascoli, vous jouiez probablement plusieurs rôles...

- Oui c'est exact. Au tout début, il a fallu distribuer des rôles car, hormis les personnages principaux, tous les comédiens faisaient plein de petites interventions à chaque scène. De mémoire, je jouais douze ou treize personnages qui essayaient de faire passer la grosse valise à la douane, sur un tapis roulant qui était sur les devants de la scène. Lorsque la valise s'ouvrait, j'interprétais un personnage, tour à tour fakir, photographe puis un homme du monde où j'offrais une cigarette à Louis de Funès. En réalité, c'était de la marijuana et de Funès voyait apparaître des éléphants roses sur lesquels il s'envolait. Dans une autre scène, nous nous trouvions dans une taverne bavaroise où je dansais et jouais du saxophone. C'était une pièce qui demandait beaucoup de travail. Je me rappelle que ma loge était au premier étage et je courrais entre chaque scène pour me changer en un minimum de temps.

 

- L'orchestre de Gérard Calvi jouait tous les soirs ?

- Absolument. Je faisais l'ouverture du spectacle dans la fosse, avec mon saxophone, afin de renforcer l'orchestre qui était composé de huit musiciens environ. Après deux ou trois morceaux, je quitté la fosse pour rejoindre la scène.

 

L'équipe de "La Grosse valse". Romuald Figuier est au rang du sommet (le troisième en partant de la gauche).

 

- Vous avez joué toutes les représentations ?

- Oui, nous avons joué environ un an et demi, de la rentrée 1962 à la toute fin de l'année 1963 [nldr : la dernière a lieu le 9 janvier 1964] avec une pause au mois d'août. C'est à cette époque que j'ai sorti mon premier disque.

 

- Comment était Louis de Funès sur les planches et en dehors de la scène ?

- Je garde un excellent souvenir de Louis de Funès. Il a souvent été dépeint comme un homme pas drôle en dehors du théâtre ou deux plateaux mais, en réalité, il était très drôle ! Quand on était en sa compagnie avant le début de la représentation, il nous racontait toujours de petites histoires d'une façon très amusante, assez proche de celle que nous connaissons au théâtre ou au cinéma. Mais il ne jouait même pas, il était drôle par nature ! En revanche, avant d'entrer en scène, il se montrait très sérieux, extrêmement professionnel et exigeant avec les autres comme avec lui-même. Il n'était pas du genre à arriver en retard au théâtre ! Quand nous avions deux représentations dans la journée, il prenait le temps de faire la sieste entre la matinée et la soirée. Son personnage lui demandait une énergie folle car il dansait, courait, alors qu'il avait déjà cinquante ans !

 

- Vous arrivait-il d'improviser ?

- Louis de Funès a apporté beaucoup de choses aux répétitions. Lorsqu'il avait une trouvaille, il en parlait avec Robert Dhéry. Une fois que tout était au point, on ne touchait plus. A propos d'éventuels ajouts de texte, il pouvait lui arriver de faire plus longs certains soirs que d'autres, selon son état de forme ou l'effet qu'il cherchait à obtenir.

 

- Avez-vous été pris de fous rires ?

- Pas souvent mais c'est arrivé plusieurs fois. J'ai souvenir d'un fou-rire que de Funès a eu, un soir, où nous sommes restés tous les deux plantés sur scène. Je me retenais de rire car, dans sa situation, mon personnage ne pouvait pas se permettre de rire mais de Funès,lui, rirait en face de moi ! Et ce qui était formidable, c'est qu'il était parvenu à faire croire au public que c'était son personnage qui riait et non pas le comédien ! Et en attendant, je ne pouvais plus dire un mot de peur de rire, c'était épouvantable !

 

- Vous a-t-il un jour parler de ses projets théâtraux ou cinématographiques ?

- Non, pas avec moi, mais c'est peut-être arrivé avec des comédiens avec qui il était plus intime. Vous savez, entre lui et moi existait une différence d'âge, j'avais 23 ans et je n'étais pas un de ses amis. Et puis, pour le jeune débutant que j'étais, de Funès était quelqu'un qui impressionnait. Certes il n'était pas encore l'immense vedette qu'on connaît mais i avait déjà beaucoup tourné et obtenu des rôles dans des films qui avaient bien marché, comme « Ni vu, ni connu » où il interprétait un braconnier. Et de Funès était finalement quelqu'un d'assez réservé, un peu introverti qui pouvait se lâcher en nous racontant une histoire qui venait de lui arriver ou qui remontait à l'époque où il était pianiste de bar. De Funès pouvait entretenir des relations amicales avec Dhéry, Grosso et Modo par exemples, mais leurs relations étaient avant tout professionnelles. Dhéry a bien profité de De Funès en ce sens qu'il a construit sa pièce autour de son personnage de douanier. Il s'est énormément appuyé sur lui.

 


Louis de Funès, Colette Brosset et Robert Dhéry (collection F&J)

 

- Quelles furent les réactions de la presse ?

- En général, excellentes. Jean-Jacques Gautier avait fait un très bon papier, ce qui était rare [voir une critique ICI]. Je me rappelle aussi d'un très bon article paru dans France-Soir qui avait été écrit par Robert Chazal.

 

- A t-il été question un jour d'une tournée en province ?

- Non jamais car de Funès n'aurait pas pu. La pièce marchait très bien et lui a permis d'obtenir d'autres rôles au cinéma. Il tournait énormément, jusqu'à deux films en même temps, la journée, avant de venir au théâtre pour jouer « La Grosse valse ».

 

- Louis de Funès aurait arrêté les représentations en raison d'une douleur à un genou, vous en souvenez-vous ?

- Vaguement, car il est exact qu'il avait une scène où il dansait beaucoup, pendant plusieurs minutes. Peut-être une douleur est-elle venue de cette scène exigeante ? Honnêtement, je pense plutôt qu'on a arrêté car on commençait à décliner. Après avoir joué devant une salle pleine tous les soirs, on commençait forcément à jouer devant un peu moins de monde. On s'était installés dans une routine et la pièce avait perdu en folie, en enthousiasme depuis que Robert Dhéry et Colette Brosset étaient partis [ndlr : pour préparer leur film « Allez France ! »]. Le patron, c'était Dhéry et il n'était plus là. Ce perfectionniste tenait sa troupe, qu'il réunissait après la représentation pour faire un état des lieux des choses qui avaient marché et des autres qu'il fallait corriger. Quand il a quitté la troupe, c'était une ambiance différente.

 

- Le personnage de Louis de Funès dans cette pièce annonçait déjà un peu la suite de sa carrière...

- Oui, il jouait un douanier aux ordres de Pierre Tornade, que de Funès appelait « mon bon chef » sur scène. C'était déjà la même disposition et le même rapport de force que dans « Le Gendarme de Saint-Tropez », où Galabru a tenu le rôle que jouait Tornade au théâtre. De Funès était excellent pour jouer ces personnages mielleux, fourbes, lâche d'autant plus que ça le faisait rire d'interpréter ce type de personnages. Dans la troupe, on trouvait tous qu'il avait un talent extraordinaire, avec une présence et un côté percutant ! Le succès qu'il a obtenu par la suite ne m'a pas étonné.

 

- S'agit-il d'un de vos meilleurs souvenirs de carrière ?

- Oui certainement, d'autant plus que c'était la première fois que j'approchais de grands artistes. Lorsque j'ai été engagé, je me produisais au cabaret, chez Patachou, et j'ai alors découvert le monde du théâtre auquel je n'avais jamais accédé. C'était une expérience nouvelle pour moi et je dois dire qu'elle m'a beaucoup plu.

 

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