Patrice Melennec (tout à gauche), Louis de Funès et Maurice Risch (de dos)

 

Patrice MELENNEC

 

agaaa Tous les amateurs d’arithmétique apprécieront : selon l’un des ouvriers du riche patron Guillaume Daubray-Lacaze, le résultat de l’équation suivante est évident : 7 et 7 font 15. A défaut de montrer l’exemple, cet employé du nom de Patrice Melennec aura néanmoins eu le privilège de faire rire plusieurs générations !

agaaa A l’époque du film « La Zizanie » ce jeune acteur est relativement novice pour le grand écran (moins de dix films) mais possède une solide référence théâtrale puisqu’il vient de triompher durant quatre ans dans la pièce « Viens chez moi, j’habite chez une copine » sur Paris puis en province. Physique trapu, Patrice  Melennec pourrait être rapidement catalogué dans des rôles de voyous et d’hommes sanguins. Pourtant, sa nature comique est bien présente et plusieurs réalisateurs l’ont mis en exergue. Citons notamment « L’Animal » de Claude Zidi, « La Carapate » de Gérard Oury, « Les Compères » de Francis Veber ou encore « Promotion Canapé » de Didier Kaminka. Notons aussi quelques belles compositions dans des rôles plus graves : « L’été meurtrier », « Les Misérables », « Haine » ou « Uranus »… On retiendra enfin sa présentation dans la série « Un gars, une fille » où il interprétait le rôle du père de Jean Dujardin. Mais Patrice Melennec c’est aussi une voix. Sans le savoir, nombre de jeunes l’ont écouté dans leurs jeux vidéo puisqu’à ce jour il apparait au crédit de près de 40 jaquettes de jeux. 

agaaa En une heure de discussion, il fut difficile de relater l’ensemble de sa carrière. Notre entretien a majoritairement porté sur ses souvenirs de tournage avec Louis de Funès et nous remercions très sincèrement cet homme charmant pour sa disponibilité, son humour et son accueil. 

 

Interview de M. Patrice MELENNEC du 26 octobre 2016 par Franck et Jérôme

 

- M. Melennec comment avez-vous été engagé sur le film de Claude Zidi « La Zizanie » ?

- Cela s’est passé très simplement. Je venais de tourner « L’Animal » avec Jean Paul Belmondo et Raquel Welch et réalisé par Zidi. J’avais deux petites scènes assez amusantes où j’interprétais un flic. Peu après, Claude Zidi a enchaîné avec la préparation de son nouveau film et cherchait plusieurs acteurs pour interpréter des ouvriers avec des rôles d’inégales importances. J’ai eu la chance de décrocher l’un des rôles pour des scènes parlantes. Malgré un statut presque de figurant, j’étais très heureux de pouvoir intégrer cette production.

 

- Comment se déroule votre première rencontre avec Louis de Funès ?

- Etonnamment, je m’attendais à voir un homme similaire à celui que l’on pouvait voir sur le grand écran, très nerveux et vif et j’ai été étonné de découvrir un personnage discret, parlant avec une voix douce et de manière très gentille. Je dois dire qu’il a été adorable avec moi durant ce tournage.

 

Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’idée de tourner à ses côtés ?

- Ce n’était pas du tout impressionnant, au contraire je trouvais ce challenge très excitant et j’étais ravi de pouvoir lui donner la réplique. Là encore je me souviens de Louis juste avant la prise, il parlait calmement avec Claude et, au moment de tourner, il se transformait en une véritable pile électrique.

 

Le cinéma de Louis de Funès vous séduisait ?

- Oh oui absolument j’étais un inconditionnel de ces films, je les avais tous vus !

 

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Premier extrait avec Louis de Funès et Patrice Melennec (l'employé cadre)

 

- Durant le tournage, quelle relation entretenez-vous avec Louis de Funès  ?

- J’ai eu la chance de pouvoir discuter avec lui de sujets très divers, c’était un homme accessible et aimable. Il n’était pas du genre à rester dans son coin, en tout cas pas sur ce film. Il me tutoya dès le premier jour et assez rapidement il me dit « Tu peux m’appeler Louis il n’y a pas de problème. » J’étais très touché de cette attention mais je ne me serais jamais permis de le tutoyer, non pas à cause de son statut de star mais par respect pour l’acteur et l’homme qu’il était. J’ai aussi connu cette situation avec Lino Ventura sur le tournage des « Misérables ». Je travaillais avec la troupe des cascadeurs de Claude Carliez et sur le plateau Lino venait très fréquemment discuter avec moi. Je n’ai jamais réussi à le tutoyer lui non plus.

 

- Le plan de travail est en grande partie aménagé pour lui ?

- Absolument et le producteur Christian Fechner veillait à tel point à sa santé qu’une unité médicale était présente à proximité prête à intervenir car il y avait beaucoup d’incertitude sur son état de santé. Si mes souvenirs sont bons, nous débutions les prises en début d’après-midi après que Louis se soit reposé.

 

- Ce film était une grosse production, n'est ce pas ?

- Oui le tournage était très confortable, même pour des acteurs avec des rôles secondaires comme moi. Nous devions être constamment présents sur le plateau et nous étions quoiqu’il arrive payés que l’on tourne ou non ce qui était tout à fait exceptionnel. Mon contrat prévoyait quatre semaines de tournage et j’en ai fait une de plus. Non pas qu’il y ait eu du retard mais Claude ou Louis ont dû rajouter plusieurs choses. Pour anecdote, nous tournions aux studios du Point de Jour qui n’existent plus aujourd’hui.

 

- Le plan de travail a-t-il été respecté ?

- Il me semble que oui, je n’ai pas le souvenir de dépassements liés à des problèmes techniques ou logistiques. Si tel avait été le cas je me doute que Christian Fechner serait venu mais je ne l’ai vu qu’une seule fois présent sur le plateau.

 

- Quels souvenirs gardez-vous de Claude Zidi ?

- Le souvenir d’un homme adorable, tout à fait charmant. C’était un ancien cadreur qui bénéficiait par conséquent d’une technique solide. Ce film était assez rapide à réaliser, nous tournions la plupart du temps à deux caméras avec parfois une caméra épaule.

 

- Et tout ceci dans un cadre et un climat assez particulier puisque le décor est une usine ?

- Ah oui c’était un climat assez étrange c’est vrai, mais nous étions entourés d’acteurs très sympathiques et amusants, je pense à Ibrahim Seck, à Mario David, à Jean-Jacques Moreau ou encore Georges Staquet qui étaient tous des hommes tout à fait charmants. Le décor de la maison était construit sur deux étages ce qui fait que les scènes censées se dérouler au premier étage sont vraiment tournées au premier étage. Il y avait aussi un studio annexe ou certaines scènes ont été tournées, notamment celle de la mare avec les Japonais.

 

- Y a-t-il eu un travail de préparation avec Louis pour les scènes que vous avez en commun ?

- Absolument aucun, mais Louis a été très sympathique en venant discuter avec moi avant chaque prise.

 

- Vous souvenez vous d’improvisations de Louis ?

- Difficile de vous répondre dans la mesure où je ne connaissais pas son texte mais il me semble que Louis pouvait en effet apporter quelques ajouts. Globalement son improvisation venait quand même avant tout de ses gestes et expressions. Je me rappelle par exemple que la scène où j’ouvre la bouteille de champagne avec la clé anglaise a été inventée sur le moment. Claude Zidi a de suite validé cette idée qui était très amusante il est vrai. De mémoire, mais je n’en ai pas la certitude, je crois que la scène où Louis me demande « Combien font 7 et 7 ? » et que je lui réponds « 15 » est le fruit d’une erreur. Je devais logiquement répondre 14 et nous avons improvisé sur cette erreur qui rend la scène vraiment bonne au final. Cela rejoint votre question précédente, tout ceci se passait sans répétitions, les choses se sont faites naturellement.

 

- Claude Zidi exigeait-il beaucoup de prises ?

- Autant que je m'en souvienne, nous n'en faisions pas énormément mais, vous savez, ces scènes étaient courtes et se tournaient très vite. Je dirais peut-être trois, quatre au maximum.

 

 

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Deuxième extrait avec Louis de Funès et Patrice Melennec

 

- Pouvez-vous nous décrire Louis de Funès avant une prise ?

- Je me rappelle d’un homme très concentré. Pour la scène où Louis vient me demander si je sais où est sa femme, nous nous plaçons selon les directives de Zidi. Au moment de tourner, de manière imperceptible Louis change de place et se retrouve face caméra. Claude coupe et lui dit « Louis, je dois voir Patrice car il est le seul à pouvoir vous dire où se trouve votre femme ». Louis très gentiment lui répond « Bien sûr, sans aucun problème ». Nous reprenons, on lance la scène et Louis se replace au même endroit ! Cela n’était absolument pas de la suffisance ou un problème d’égo mais simplement que Louis avait l’habitude d’être dans le plan. Il ne tirait pas du tout la couverture à lui. Il avait mauvaise réputation dans le milieu et même si je ne l’ai pas fréquenté très longtemps, je peux dire qu’il était à mille lieux de ce que pouvaient dire les gens.

 

- Quelles furent les relations entre Louis de Funès et Annie Girardot ?

- Elle a apparemment pris beaucoup de plaisir à tourner avec lui mais je pense qu’elle avait peur d’être un peu en dessous. Cela était du reste parfaitement normal puisque le film était avant tout construit pour Louis.

 

- Le tandem fonctionnait bien dans ce film ?

- Oui c’était un très bon duo. Annie Girardot était une véritable professionnelle, aussi consciencieuse que Louis de Funès. C’était une excellente actrice et avec deux talents de ce poids, le résultat ne peut être que bon.

 

- Vous a-t-on aussi demandé de faire de la figuration pour d’autres scènes de foule, notamment à la mairie ?

- Non et, très étonnamment, les ouvriers et moi ne sommes pas présents dans les scènes de bal ou lors des élections. Cela nous avait d’ailleurs surpris sur le moment.

 

- Nous retrouvons aussi de très bons acteurs tels Julien Guiomar, quels souvenirs gardez-vous de lui ?

- Vous parlez d’un homme pour lequel j’éprouve le plus grand des respects et que je considérais comme mon maître. Peu d’acteurs ont eu son talent, il a fait partie des meilleurs. On peut citer des dizaines de répliques devenues cultes dans sa bouche.

 

- Il est intéressant de constater que le film évoque des sujets aujourd’hui pleinement d’actualité ?

- Absolument je pense notamment à Louis qui, dans le film, évoquait sans cesse le besoin du « plein emploi ». Ce film parle aussi de la condition ouvrière mais surtout d’écologie qui était d’ailleurs un sujet cher à Louis de Funès.

 

- Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce film ?

- A mon sens c’est un film que je qualifierais de moyen dans l’ensemble de la filmographie de Louis. Il y a de très bonnes choses, on rit beaucoup du tandem De Funès – Risch qui était excellent mais il y a aussi des moments plus creux. Il est assez difficile d’en donner une raison… parfois les choses fonctionnent et parfois l’effet n’est pas aussi drôle que ce que l’on avait imaginé.

 

- Quels souvenirs gardez-vous de Louis de Funès ?

- Le souvenir d’un très grand acteur, consciencieux et très professionnel ajouté à un homme de grande classe, gentil, discret et disponible.

 

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