Michel WYN
azerty Si l'on en croit les sources internet, Michel Wyn serait presque exclusivement un homme de télévision. Quand on discute avec l'homme, on comprend rapidement que le raccourci est grand... azerty D'abord diplômé de Sciences Politiques, Michel Wyn apprend le métier à l'IDHEC. Au cours de sa formation naît une amitié avec Cyril Grize, qui devait devenir par la suite le directeur administratif de la PAC (la société de production d'André Hunebelle) et qu'il devait retrouver sur les « OSS 117 » et « Fantomas ». La théorie acquise, Michel Wyn débute sa carrière dans le cinéma et se voit rapidement confier l'opportunité de travailler avec des metteurs en scène de renoms tels que René Clément, Henri Verneuil ou Christian Jacque où il parfait son apprentissage et acquiert une technique solide. Dans les années 60, il devient un habitué des plateaux de films d'André Hunebelle avec lequel il collabore à de nombreuses reprises notamment pour la saga des « OSS 117 » mais aussi de Fantômas puisqu'on le retrouve en tant que réalisateur de la seconde équipe en 1966 pour « Fantomas contre Scotland Yard ». A cette occasion il côtoie Louis de Funès pour la première fois, certes brièvement en raison du fait que De Funès ne tournait qu'avec la première équipe. Par la suite, Michel Wyn collabore tout au long de sa carrière à des fils prestigieux tels que « Le Président » avec Jean Gabin, « Paris brûle t-il » ou encore « La Tulipe noire » avec Alain Delon... azerty Devenu un professionnel hautement réputé, Michel Wyn se tourne alors progressivement vers la réalisation à partir du début des années 70. Il est en outre passionné de télévision et va dédier de longues années au développement de ce format original et novateur. Beaucoup le considèrent d'ailleurs comme le précurseur d'un genre nouveau : les séries télévisuelles. En effet, force est de constater qu'il œuvra majoritairement dans cette voie puisqu'on le retrouve notamment sur des séries devenues cultes telles « La demoiselle d'Avignon », « La cloche Tibétaine » ou encore « L'homme qui revient de loin ». A cela s'ajoute la réalisation de nombreux téléfilms et de deux long métrages : « Les suspects » et « Oublie moi mandoline ». azerty Mais sa carrière passe aussi par l'écriture littéraire. Sous une approche différente de la rédaction de scripts cinématographiques, Michel Wyn laissera libre cours à sa fantaisie et à sa passion pour les pages blanches. Notons notamment "Le Cinéma et ses techniques" de nombreuses fois réédité, « À la santé des frères Lumière, 50 ans d'amour avec les caméras » en 2005, « Mes années Lumière, Nouvelles aventures » en 2007 et récemment les excellentes « Graines de Scénar' » où il se laisse aller à des idées de scénarii pèle-mêles. Depuis quelques années, Michel Wyn consacre aussi beaucoup de temps à sa passion pour la photographie et a eu le privilège de se voir exposer à de nombreuses reprises suite à des expéditions réalisées à travers le globe : Birmanie, Argentine, Yémen, Pérou, Chili, Sibérie, Ethiopie, Jordanie, Mongolie, Syrie, Vietnam... azerty Notons enfin qu'en homme passionné et passionnant, il se tourne aussi vers l'enseignement de sa profession au Conservatoire Libre du Cinéma Français où de jeunes élèves ont le privilège d’être formés par ses soins. Remercions donc comme il se doit ce professionnel pour sa gentillesse et sa disponibilité. Voici ces souvenirs de plateaux livrés en exclusivité.
Interview de M. Michel Wyn du 16 janvier 2016 par Franck et Jérôme
- M. Wyn, comment en êtes vous venu à travailler sur le film « Fantomas contre Scotland Yard » ? Étiez-vous un habitué des films d'Hunebelle ? - Oui j'ai souvent travaillé avec Hunebelle notamment sur la série des « OSS 117 » où je suis allé à Tokyo tourner l'intégralité des plans de la seconde équipe. Concernant « Fantomas », c'est Jacques Besnard qui se chargeait de la seconde équipe sur les deux premiers films. Pour le dernier, il avait dû partir sur un autre projet [ndlr : il montait son film « Le Grand restaurant »]. J'ai donc pris le relais. A la PAC, la société de production d'André Hunebelle, il y avait un homme très important pour moi qui s'appelait Cyril Grize. J'imagine qu'il a dû me proposer.
- Quelles étaient les opinions des films d'Hunebelle à cette époque ? - Il s'agissait de productions sérieuses mais d'un cinéma très populaire. Il n'y avait aucune prétention de laisser une quelconque trace dans les cinémathèques. Hunebelle ne prétendait pas faire autre chose que divertir.
- Était-ce le type de film que vous aimiez faire ? - La question ne se posait pas, très honnêtement. Nous étions intermittents du spectacle et nous prenions le travail qui se présentait à nous. Par la suite, j'ai pu choisir.
- Pouvez-vous nous décrire l'ambiance du plateau ? - Je me rappelle d'une ambiance très conviviale. Je n'ai jamais connu de tensions particulières durant des tournages. Nous étions avant tout des copains et il s'agissait de prendre du plaisir. J'ai toujours envisagé mon travail de cette manière ce qui fait que l'état d'esprit a toujours été excellent. Pour les extérieurs en Ecosse, j'avais pris une équipe anglaise que je ne connaissais pas mais qui se révéla être parfaitement compétente, tout comme l'équipe japonaise sur les tournages des « OSS 117 ».
André Hunebelle, Michel Wyn et l'opérateur Bernard Noisette à la caméra - tournage en forêt de Fontainebleau, 1966.
- André Hunebelle vous a laissé une totale liberté pour composer votre équipe ? - Je ne me rappelle pas exactement. En tous les cas cela ne se faisait pas dans la contrainte. J'avais le choix de prendre des personnes que je connaissais, pour le reste on me proposait une équipe. J'avais éventuellement mon mot à dire si je ne désirais pas travailler avec une personne en particulier mais ce ne fut pas le cas pour Fantomas. Je me rappelle de bons copains comme le directeur photo Vladimir Ivanov.
- Quelle fut la durée du plan de travail ? - Difficile à dire, certainement entre huit et dix semaines pour tourner l'intégralité du film ce qui était la moyenne à cette époque. Pour la seconde équipe nous avons du tourner cinq semaines au total mais guère plus. Nous avions une grande liberté dans notre travail du fait que nous ne travaillions pas avec les vedettes, nos journées étaient donc très peu coûteuses.
- Comment s'est déroulé votre travail ? - J'ai commencé par me rendre en Écosse pour les repérages. J'ai noté plusieurs endroits intéressants pour réaliser les plans du générique notamment à Edimbourg où j'ai appris que des musiciens en kilt défilaient à heure fixe. J'ai aussi pris un grand nombre de clichés. Nous nous sommes rendus à Aberdeen, à Inverness, sur les bords du Loch Ness...Le tournage en Écosse à proprement parler a quant à lui duré une semaine. Par la suite je fus affecté au tournage de la séquence de la chasse à courre que j'ai entièrement réalisée à l'exception d'une journée de tournage pour de Funès qui ne souhaitait pas tourner avec la seconde équipe. Il a fait appeler Hunebelle et a réalisé tous ses plans avec lui. J'ai aussi réalisé les séquences de cascades au château de Roquetaillade.
Jean
Marais escaladant une tour du Château de Roquetaillade,
- Vous avez donc beaucoup travaillé avec Claude Carliez ? - Tout à fait, car c'est lui qui réglait les cascades. Nous nous entendions très bien, il avait à sa charge de préparer la cascade et moi de placer ma caméra en fonction de la scène. Parfois il pouvait me suggérer de l’orienter différemment. Nous échangions beaucoup, cela se faisait vraiment dans une très bonne ambiance. Jean Marais souhaitait réaliser toutes les cascades mais il avait déjà plus de 50 ans à cette époque et sa forme physique lui rendait parfois la tâche plus compliquée. Je lui ai plusieurs fois demandé de recommencer une scène. Il s’exécutait mais était parfois en colère contre lui-même de retarder le tournage. Je lui ai même proposé de prendre une doublure pour une scène en particulier mais il a catégoriquement refusé.
- On nous a parlé d'un doublage pour la scène de l'escalade de la tour du château ? - Je ne me rappelle pas qu'il ait été doublé pour ces plans car il ne s'agissait pas d'une cascade très compliquée mais si tel est le cas cela concernait sans doute un plan très bref.
- Ces cascades étaient compliquées à réaliser ? - Non il pouvait les assurer sans problème. Des scènes trop dangereuses auraient de toute façon été interdites par les assurances.
- Quel homme était-il ? - Absolument charmant. Je me rappelle d'un acteur très disponible et surtout profondément gentil. Il y avait en revanche une pointe d’amertume envers son rôle car il était devenu un simple faire valoir de Louis de Funès alors que dans le premier épisode il était bel et bien la star.
André
Hunebelle, Jean Marais et l'opérateur Bernard Noisette portant
une casquette,
- Le budget était conséquent ? - Oui il s'agissait d'un film à gros moyens et nous tournions dans des conditions privilégiées. J'ai d'ailleurs pu à ce titre parcourir toute l’Écosse à bord de la Rolls de Fantomas.
- Comment se déroulait votre collaboration avec Hunebelle ? - Il me laissait entièrement carte blanche. Il ne m'a jamais rien imposé et m'a même laisser parfois de grandes libertés jusque dans l'écriture du scénario. Pour la scène de la chasse à courre, j'ai pu écrire plusieurs passages et proposé des idées personnelles notamment le chien dénommé Artaban qui vient de mon imagination. Hunebelle était un homme adorable mais, à plus de 70 ans, on sentait qu'il s'éloignait parfois de son film, il se détachait peut être par lassitude.
- Hunebelle disposait-il d'une technique solide ? - Honnêtement non, il avait une technique élémentaire mais qui fonctionnait pour ce genre de films. J'ai pu travailler avec de meilleurs techniciens, notamment René Clément qui fût l'un des meilleurs, sans nul doute.
- Avez-vous le souvenir de difficultés particulières durant ce tournage ? - Non aucune, les films d'Hunebelle étaient bien préparés et il n'y avait donc aucun imprévu. Je me rappelle simplement de difficultés concernant les conditions météorologiques pour la scène de la chasse à courre. Nous avons eu beaucoup de mauvais temps et comme beaucoup de plans se déroulaient en pleine forêt, dans des sous-bois, l'éclairage était très mauvais et nous devions nous adapter.
- Vous réalisez intégralement le générique du film ? Combien de plans avez-vous tourné ? - Il est très dur de répondre à votre question mais je dirai certainement une quinzaine. Le repérage avait été bien fait, la difficulté consistait dans la météo car les images de générique devaient être parfaites. Nous avons aussi tourné tous les fonds de transparence pour les scènes de véhicules.
- Quelles furent les relations entre Hunebelle et de Funès ? - A la fois bonnes et classiques. Hunebelle était l'un de ceux qui l'avait lancé. A l'époque il n'était pas un acteur de premier plan, c'est seulement au début des années 60 qu'il est devenu star. Auparavant il tournait de petites scènes dans de grands films comme « La Traversée de Paris » ou de grandes scènes dans de petits films comme « L'affaire Blaireau ». Il est devenu vedette à 45 ans, ce qui a laissé peut être en lui un peu d’amertume ou d'aigreur. Hunebelle en tous les cas comprenait très bien Louis de Funès et lui laissait une grande liberté. Il connaissait son jeu et savait en tirer le meilleur.
- Vous aviez déjà rencontré De Funès avant ce tournage ? - Jamais personnellement non. Je l'avais vu au théâtre et certainement croisé lors de repas dans des cantines du studio mais je n'avais jamais discuté avec lui. Je le voyais lorsque je me rendais sur le tournage de la première équipe. Je me rappelle d'un homme très fermé, qui ne voulait pas de familiarités. Il avait en tous les cas la réputation d'être un homme assez peu sympathique ou chaleureux. Cela valait pour de nombreux comiques, notamment Jerry Lewis. Peut-être que les personnes ayant eu l’occasion de le fréquenter souvent vous diront le contraire.
Claude
Carliez (à gauche) et Louis de Funès - tournage en forêt
de Fontainebleau (1966)
- Au final, vous avez assez peu côtoyé les acteurs principaux ? - Tout à fait, je les croisais parfois le soir après des prises. Ce fut le cas de Jacques Dynam ou Mylène Demongeot. D'ailleurs je me suis fait la réflexion récemment, je n'ai tourné avec aucun de ces acteurs durant ma carrière mis à part Hubert de Lapparent avec qui j'ai collaboré sur de nombreux films.
- Quelles furent les critiques à la sortie du film? - Je n'en ai aucune idée mais ce n'était de toutes façons pas un film destiné à la critique. J'imagine que comme pour les films de ce type, soit on le démolissait, soit on disait de lui que c'était du bon cinéma populaire.
- Que pensez-vous du film aujourd'hui ? - Je trouve qu'il vieillit plutôt bien. Je l'ai revu hier soir avant notre rendez-vous car je souhaitais me le remémorer et honnêtement, même si on ne le tournerait plus du tout de cette manière aujourd'hui, j'ai néanmoins beaucoup ri. De Funès est d'ailleurs toujours une machine à rire incroyable. Je n'ai hélas pas eu la chance de tourner à nouveau avec lui par la suite. Ce fût notre seule et unique collaboration. Par la suite j'ai beaucoup travaillé pour la télévision et comme de Funès n'en faisait pas, nos chances de se recroiser étaient très minces.
- Quel regard portez-vous sur son jeu d’acteur aujourd’hui ? - Une chose est certaine, il est très intéressant car il s'agit d'un des rares comiques à avoir son propre style. Il n'imite personne mais en revanche de nombreux comédiens ont tenté de l’imiter, je pense notamment à Christian Clavier. Il est unique comme Fernandel. Ce sont les deux comiques de cette époque qui m'ont véritablement marqué.
- Quelle vision portez-vous sur le cinéma actuel ? - Il est différent de celui de notre époque. Les techniques ont beaucoup changé, il y a eu l'intégration du numérique qui a allégé le poids de la lumière et de la caméra, La prise de son a elle aussi beaucoup évolué. Tout est plus facile et si cela comporte de nouveaux avantages, il y a parfois des conséquences qui ne sont pas forcément heureuses.
- De la nostalgie dans ces propos ? - Non pas de nostalgie. J'ose espérer que les techniciens d'aujourd'hui prennent autant de plaisir que nous à notre époque. Le problème actuel, notamment à la télévision, est qu'il s'agit désormais de films de producteurs et non de metteurs en scène. Je me consacre surtout à l'écriture puisque je publie un livre par année. Le dernier s'appelle « Graines de Scénar' », il s'agit d'un recueil d'une quinzaine d'idées de scénarios. Je fais aussi du théâtre et je me passionne pour la photographie, j'ai d'ailleurs signé quelques expositions.
Une
scène tournée par Michel Wyn...
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