"Vache de Mouche"

Revue jouée au cabaret Potofou (1951)
ou un premier pas vers une collaboration fructueuse avec les Branquignols

 

AAAA Ouvert en 1949, ce cabaret "rive gauche" était situé dans le Quartier latin, au 20 de la Rue Cujas. Outre le cabaret, le lieu accueillait aussi des représentations théâtrales. Le lieu devient rapidement célèbre dans la capitale grâce aux prestations scéniques régulières de Pierre Dac et Francis Blanche.

AAAA Un autre artiste est un habitué du lieu, il s'agit de Christian Duvaleix. Ce comédien malicieux et plein de fantaisie, est à l'affiche d'une nouvelle revue proposée en 1951 : "Vache de mouche". Sur scène, il se retrouve avec Jean Carmet, Jacques Ary, Anne Rey, Micheline Dax, Jacques Emmanuel et... Louis de Funès. A cette époque, de Funès multiplie les petits rôles au cinéma, jusqu'à plus de dix films tournés par an, sans compter ses multiples interventions dans différents cabarets de la capitale. Depuis deux ans, il a abandonné les tabourets de piano sur lesquels il jouait du jazz jusqu'à 5h du matin pour les clients de boîtes à la mode. Il se consacre alors pleinement à sa carrière, qui peine à décoller.

AAAA Micheline Dax gardait un vague souvenir de cette époque : "En 1951, Louis de Funès, Jean Carmet, Christian Duvaleix et moi-même avons monté, tous ensemble, une revue : "Vache de Mouche". C'était bien avant "Les Belles Bacchantes", Louis était un inconnu. Quant à moi, je venais juste de quitter les Branquignols, dont de Funès ne faisait pas encore partie. Nous avons joué "Vache de Mouche quelques mois au Potofou, un cabaret de la rive gauche. C'était, bien avant la lettre, du café-théâtre, et ça marchait très bien. À l'époque, de Funès jouait encore du piano dans des bars [sic]. Aussi, nous avons décidé d'utiliser son talent et nous avons mis en scène une parodie d'un duo de Ella Fitzgerald et Max Ophuls. Louis jouait du piano et chantait avec moi. Les autres numéros étaient des sketches..." (entretien avec Paroles d'Actu, 6 mars 2013).

AAAA L'ancienne épouse de Jacques Ary nous confiait ses souvenirs en 2011 : "De Funès, je l’ai connu au music-hall, dans une revue de sketches que nous jouions au cabaret Potofou avec Micheline Dax et Jean Carmet. C’est là qu’il a commencé à se faire remarquer, même s’il était déjà « connu du métier ». De Funès était très drôle et, lorsqu’il le voulait, il nous faisait plaisir en jouant du piano, car il avait été pianiste de bar. Mais ce n’est pas lui qui jouait la musique lorsque les artistes étaient en scène. Pour les sketches, Michel Emer, qui avait également mis en scène la revue, dirigeait un petit orchestre. Louis de Funès avait exercé plusieurs métiers auparavant, notamment chez un fourreur. Je me souviens qu’il m’avait dit à ce sujet : « c’était un travail tellement difficile qu’aujourd’hui je ne voudrais pas offrir un manteau en fourrure à ma femme ». Je n’ai jamais revu de Funès qui a privilégié sa carrière au cinéma. J’entendais dire qu’il était devenu très angoissé, redoutait que ses films ne marchent pas etc… Mais lorsque je l’ai connu, il était très bien, très drôle." (témoignage inédit pour Autour de Louis de Funès).

AAAA Duvaleix est seul en scène dans un sketch qui se nomme "La Démonstration de billard", avant qu'il ne présente une version corrigée de "La Mort de Socrate" avec Hubert Deschamps. Tandis que Carmet revisite à sa façon "La Voix Humaine" de Cocteau, Louis de Funès s'essaie à un "Numéro de l'homme obus".

 

Sur la photo, une parodie d'un ballet célèbre de Katherine Dunham. Les "danseurs" sont Louis de Funès, Christian Duvaleix, Jacques Ary, et Jacques Emmanuel au bout de la corde (cliché collection personnelle de Micheline Dax, publié dans son livre de souvenirs).

 

AAAA Avec le recul, comment considérer cette revue dans la carrière de Louis de Funès ? Elle n'a vraisemblablement été jouée que trois mois et ne représente, a priori, qu'une ligne supplémentaire dans la longue liste des spectacles qu'il a joués au début des années 1950 (en duo avec Jean Carmet, Marcel Pérès etc...) pour gagner sa vie. Toutefois, la présence de Carmet, Duvaleix et même Micheline Dax revêt une importance car, à cette occasion, Louis de Funès collabore avec des proches de Robert Dhéry. Conscient du talent des Branquignols qui connaissent un grand succès parisien depuis 1948, Louis de Funès fréquente - de loin - la troupe burlesque, dont il se sent pourtant assez proche. Dhéry et lui ont le même sens comique baroque, loufoque, très visuel, inspiré des burlesques américains. D'après Colette Brosset, de Funès confiait déjà à Robert Dhéry qu'il souhaitait intégrer la troupe alors qu'il était encore pianiste de par (profession qu'il occupa jusqu'en 1949).

AAAA Voeu exaucé... Au début de l'année 1952, de Funès joue enfin avec Robert Dhéry et Colette Brosset, dans "Bouboutte et sélection" au cabaret du Vernet où, chaque soir, le public est hilare lorsqu'il entre en scène et présente son costard sur lequel a été renversé du café liégeois. L'étroitesse de la salle rend parfois difficile les représentations mais la proximité des spectateurs confèrent une ambiance plus chaleureuse et les comédiens déploient toute leur énergie pour les contenter. Toutefois, un problème se pose : une petite salle ne permet qu'un nombre réduits de spectateurs et les recettes, comme les redistributions aux comédiens, sont faibles. Tellement faibles qu'au bout d'une trentaine de représentations (le chiffre exact n'est pas connu) la belle aventure prend fin et chacun repart de son côté. Mais en juin 1952, moins d'un an après "Vache de mouche", le théâtre Daunou accueille les Branquignols pour leur nouveau spectacle - Ah les Belles bacchantes !" avec deux artistes prometteurs : Jacqueline Maillan et Louis de Funès. Un triomphe ! C'est le premier succès théâtral de Louis de Funès qui monte sur scène à 883 reprises en compagnie des Branquignols et des Bluebell Girls. Une adaptation cinématographique de la revue fut tournée sous la direction de Jean Loubignac en 1954.

 

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