Carlo NELL

 

AAAAA Avec à son actif près de quatre-vingts films, des années de cabaret, de nombreuses émissions de télévision et plusieurs disques, Carlo Nell est un artiste complet, qui tourne encore pour le cinéma. Il est aussi - et surtout - un homme enjoué et profondément attachant. Nous l'avions contacté en 2007 pour discuter longuement de Louis de Funès, avec qui il a tourné à plusieurs reprises (la série du "Gendarme", "Les Grandes vacances", "Hibernatus", "Jo"…).

AAAAA En 2012, sa silhouette familière nous était apparue à plusieurs reprises, sur le petit écran, dans des films policiers rediffusés. Sa présence régulière dans les films de Sautet, Audiard, Enrico, Delannoy, de La Patellière, Girault ou encore Chabrol rappelle qu'il demeure l'un des seconds rôles les plus actifs du cinéma français. Aussi avions-nous envie de prendre de ses nouvelles et d'en savoir un peu plus sur sa carrière.

AAAAA C'est dans un café près de chez lui qu'il nous avait donné rendez-vous et que nous avions pu évoquer ses bons souvenirs et "les copains", comme il aimait à dire. Voici donc le témoignage d'un homme charmant avec lequel nous avions passé un après-midi à parler cinéma, théâtre, littérature, sport etc. Carlo Nell nous a quittés en février 2016 dans sa quatre-vingt-dixième année, retrouvons sa carrière dans cet entretien...

 

 

Claude Gensac, Carlo Nell, Bernard Blier, Jacques Marin et Louis de Funès dans "Jo" (1971)

 

 

Interview de M. Carlo NELL du 14 février 2012 par Franck et Jérôme

 

- Monsieur, Nell, vous êtes d'origine italienne. Quand êtes vous arrivé à Paris et comment êtes vous arrivé dans le cinéma ?

- Effectivement, je suis d'origine italienne, mon véritable nom est Bartolotta. Et je suis né en Suisse, par conséquent je suis franco-italo-suisse. Toute ma famille habitait en France, je m'y suis installé aussi. Puis le chansonnier Jean Rigaux m'a emmené sur Paris où j'ai tourné "Les Démons de Minuit" d'Yves Allégret. Le journaliste François Chalais m'a vu dans ce film et m'a engagé pour le téléfilm "L'Eté en Hiver" qu'il a réalisé. La distribution comptait Mireille Darc qui débutait et Michel Piccoli.

 

- C'est à cette époque que vous avez fait la connaissance de Gabin ?

- Oui. Un soir, dans un cabaret où je me produisais, se trouvaient Gabin et le metteur en scène Gilles Grangier. Comme j'étais d'origine italienne, ils m'ont donné un rôle sur leur film policier "Maigret voit rouge". Gabin était un très bon type, formidable, qui faisait tourner sans arrêt tous ses copains. J'ai retravaillé avec lui sur "Du Rififi à Paname" de Denys de La Patellière - lui aussi est un chic type ! - ainsi que "Le Chat" de Pierre Granier-Deferre avec Simone Signoret. Enfin, j'ai fait son dernier film, réalisé par Jean Girault, qui s'appelait "L'Année Sainte".

 

- Il y avait aussi "Le Soleil des voyous" de Delannoy…

- C'est exact, il m'a appelé pour "Le Soleil des voyous". Au téléphone, il m'a dit tout simplement "tu viens tourner demain" ! Quant à Jean Delannoy, c'était le Bon Dieu, un Saint ! Il ne faisait absolument aucune différence entre le plus petit figurant et la vedette de son film. Jamais énervé, ni fâché. Si les esprits s'emballaient, il intervenait posément avec un "calmez-vous". Quand il a appris que je faisais du cabaret, il m'a dit qu'il viendrait me voir, et il a tenu parole. Delannoy est probablement l'homme le plus extraordinaire que j'ai rencontré dans ma carrière.

 

- Gabin faisait régulièrement appel à vous lorsqu'un rôle vous convenait. C'était aussi la même chose avec Louis de Funès, non ?

- Ah oui, Louis était mon grand copain. Lui aussi m'a fait tourner dans plusieurs films de Girault, dont "Les Grandes vacances" et surtout "Jo". Girault me connaissait déjà, il m'avait appelé pour jouer dans "Les Gorilles". Dans ces films, on retrouvait souvent la même équipe avec Grosso, Jean Droze, Max Montavon, Hubert Deschamps etc… Louis et Jean Gabin étaient vraiment bien, jamais prétentieux ni ridicules, mais très coopératifs. Pour tout vous dire, je n'ai jamais rencontré des connards dans le milieu. Bien sûr on pouvait en trouver quelques uns qui jouaient les caïds mais ils étaient insignifiants. Tous les grands acteurs dont nous parlons étaient des chics types. Pour tout vous dire, j'ai tellement entendu de ragots sur de Funès. Mais comment pouvait-on raconté autant de conneries sur Louis ? Lui qui a fait tourner ses amis toute sa vie ! On prétendait qu'il était radin, c'était faux. Et il l'expliquait : "je ne peux pas me mettre au bord de la route et distribuer des billets de 500 francs, ce n'est pas ça la générosité !"

 

- Et pour Fernandel ?

- Pareil, même chose ! Il existe un proverbe qui dit "si tu donnes un poisson à un homme, il mange un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie". Et bien Fernandel c'était ça, car il a fait tourner une multitude de comédiens qui sont devenus des vedettes.

 

- Comment le décririez-vous ?

- C'était un grand nerveux, un comédien merveilleux et un homme d'affaire phénoménal.

 


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- Le début de votre carrière est surtout affilié à la Nouvelle Vague…

- Oui, mon tout premier film était assez proche du ton de la Nouvelle Vague, il s'agissait de "Lola" de Jaques Demy, que nous avons tourné à Nantes et dont la vedette était Anouk Aimée. Le film a bien marché, il a été projeté aux Etats-Unis. J'ai bien connu Demy que j'ai retrouvé pour "Trois places pour le 26" et pour "L'Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune". J'ai sympathisé avec quelques metteurs en scène sympas de la Nouvelle Vague. Par exemple, j'ai fait deux films avec Claude Chabrol qui s'intitulent "Le Tigre aime la chair fraîche" et "Le Docteur Popaul". Chabrol était vraiment un grand metteur en scène mais il n'a peut-être pas eu les films qu'il fallait pour lui. C'est lui qui a fait tourner des acteurs comme son pote Jean-Claude Brialy ou Jacques Charrier. Il a aussi beaucoup fait travailler un comédien qu'il adorait. Il s'appelait Mario David, un homme très sympa, d'une grande gentillesse, qui était malheureusement ultra soucieux de tout, même des plus petits détails, et qui est parti trop tôt. Belmondo, Delon, Jean-Louis Trintignant… tous ces hommes étaient vraiment bien, altruistes comme rarement je l'ai vu.

 

- Dans quels cabarets avez-vous joué ?

- Au début, je me produisais chez Jean Rigaux, au cabaret d'Auteuil, puis au Drap d'Or, rue Bassano, près des Champs-Elysées. Je me souviens aussi d'un pianiste qui débutait, il s'appelait Gilbert Bécaud, un homme formidable, qui fumait déjà quatre paquets de cigarettes par jour ! Je suis aussi passé à La Belle Epoque, puis deux ans à L'Amiral, puis quinze ans au cabaret Chez Ma Cousine à Montmartre.

 

- Avez-vous connu Trenet ?

- C'était un très grand artiste, un génie tant pour les paroles que pour la musique. Certaines de ses chansons ont fait le tour du monde ! Il avait parfois la dent dure. Pour preuve, une anecdote qui est amusante. Un soir, François Hardy se produisait sur scène et chantait "La Mer" en présence de Charles Trenet, assis au deuxième rang. En écoutant sa chanson, Trenet s'est retourné et a déclaré : "ce n'est plus la mer, c'est le lac d'Enghien !"

 

- Quels autres films ont marqué votre carrière ?

- Deux films avec Yves Montand en particulier. Tout d'abord "César et Rosalie" de Claude Sautet, où j'ai rencontré une femme fabuleuse. Un après-midi, je la regardais, puis elle m'a souri, je la trouvais sympathique comme tout. Le lendemain soir, j'étais attablé au Fouquet's avec mon épouse, et cette femme nous rejoint, accompagnée d'un ami à moi. Elle me demande si je me rappelle avoir tourné avec elle. Cette femme d'une gentillesse incroyable, c'était Romy Schneider. J'aime beaucoup aussi "Trois places pour le 26" de Demy, où je tenais d'ailleurs deux rôles. Mais Montand était un type extraordinaire, avec une carrière étonnante. Un monstre lorsqu'il chantait, seul en scène pendant deux heures, il a rempli l'Olympia neuf soirs de suite, et pareil au théâtre de l'Etoile, ainsi que dans des salles du monde entier, il fallait le faire ! Lorsqu'il a commencé à chanter "Les Feuilles mortes" de Prévert, la chanson n'avait pas un grand succès. Il l'a pourtant gardée et elle a finalement rencontré le succès mondial qu'on connaît. Montand avait eu raison de la chanter ! Et "Les Feuilles mortes" a été reprise par plein d'artistes, dont Barbara Streisand, et Gainsbourg l'a évoqué dans sa "Chanson de Prévert".

 

- Vous connaissiez Serge Gainsbourg ?

- J'ai un peu travaillé avec lui, et ma femme a enregistré certaines de ses chansons. Il était très gentil mais quand il était rond, il était emmerdant. C'était la même chose avec Pierre Brasseur d'ailleurs. Un jour que nous dînions ensemble dans un chalet, Gainsbourg s'est levé et s'est mis à pisser devant tout le monde. Je me souviens qu'il a reçu une paire de gifles de la part du mari de Whitney Houston lorsqu'il lui avait manqué de respect chez Drucker

 

- En 2005, vous tournez dans "Jean-Philippe" de Laurent Tuel avec Fabrice Luchini et Johnny Hallyday…

- Luchini est un grand acteur. Il admire Louis Jouvet, que j'ai connu lorsque je côtoyais son ami Jean Rigaux. Pensez s'il était content que nous évoquions Jouvet ! Et on peut dire ce que l'on veut sur Hallyday, mais je peux vous assurer qu'il est un homme très intelligent, très adroit, et qui n'a pas le bagout. Jamais il n'a embêté quelqu'un sur le plateau, je l'ai même vu encourager les jeunes acteurs. Johnny, je l'avais rencontré des années avant. Ce jour là, j'étais avec Aznavour et nous avons fait une photo tous les trois. Je me rappelle que le cliché a été publié en première page dans L'Aurore. Un jour à Cannes, j'étais seul à la terrasse de la plage, il m'a vu et m'a invité à le rejoindre à sa table. Une autre fois, au Fouquet's où j'étais avec ma femme, Johnny se trouvait à une autre table avec quatre ou cinq amis. Après nous avoir vu, il a dit à ses copains : "vous permettez que j'invite des amis ?". Tout cela pour vous dire que Johnny est un type formidable, généreux.

 

 

Carlo Nell et Fabrice Lucchini dans "Jean-Philippe" de Laurent Tuel (2005)

 

 

- Votre nom reste indissociable à ceux de Delon et Belmondo.

- Oui, j'ai fait cinq films avec Alain et trois avec Jean-Paul. Je joue dans "Un Homme et son chien", le dernier film de Belmondo. Bien avant, nous avions fait ensemble "Ho !", basé sur une histoire authentique, mais le film n'a pas marché. J'espère qu'il va retravailler car cela fait maintenant deux ans qu'il n'a pas tourné, même si on annonce parfois son retour dans le milieu. Quant à Delon, je l'ai rencontré lorsque j'étais avec Jean Rigaux au restaurant "La Cloche d'Or" à Montmartre, où toutes les vedettes du monde entier allaient déjeuner ou dîner. Dans le restaurant, j'ai vu un jeune homme assis dans l'escalier, vêtu d'un jean. Rigaux l'a reconnu et m'a dit : "tu vois ce gars ? Il débute dans le cinéma. Il va devenir la plus grande vedette qui soit." Puis il a ajouté : "Et je connais un autre jeune qui débute lui aussi, il s'appelle Jean-Paul Belmondo. Tu vas voir, ces deux-là vont balayer tout le monde !"

 

- Chabrol, Girault, Enrico, Audiard, De La Patellière, Sautet, Melville, Oury… Autant de réalisateurs qui ont fait appel à vous dans des univers très différents. Cela prouve que vous êtes un acteur multi-cartes, non ?

- Oui mais c'est le hasard qui l'a voulu ainsi. Quand j'étais dans le vent, on me proposait un petit truc : "tiens, viens faire huit jours". Il m'est arrivé d'aller me présenter à des réalisateurs, car il fallait parfois démarcher pour vivre, il n'y a pas de mystère là-dessus. Mais la plupart du temps, j'étais appelé par la vedette du film ou le réalisateur pour jouer un rôle. A propos de Melville, les rumeurs racontaient qu'il était méchant mais c'est faux. Il était simplement têtu et ne s'entendait pas très bien avec Ventura. Avec lui, j'ai tourné "Le Samouraï", et c'est au cours de ce tournage que les studios - qui appartenaient à Melville - ont flambé dans un incendie. Vous savez, dans le milieu on a pu raconter des histoires mais souvent elles sont fausses, Melville était gentil, et c'est le même cas de figure pour Delon qui était sympa avec tous les comédiens sur un plateau de tournage. Oury était un réalisateur sympa mais extrêmement soucieux lorsqu'il se trouvait sur le plateau. A l'inverse, lorsqu'il ne tournait pas, il était beaucoup plus détendu, c'était même un rigolo. J'ai travaillé avec lui sur "Fantôme avec chauffeur" et "La soif de l'or".

 

- Vous avez joué dans des registres différents, y compris dans des films de série B comme "Le Facteur de Saint-Tropez". Quels souvenirs avez-vous de ces films signés Balducci ?

- Oui j'ai pas mal travaillé avec Balducci, qui avait plein de talent mais qui n'a pas connu la carrière qu'il aurait probablement méritée. Il était inventif, avait souvent de bonnes idées, rappelez-vous que c'est lui qui a imaginé la saga du "Gendarme de Saint-Tropez". Malheureusement, il était toujours pressé de réaliser ces films et tous ses films ne sont pas exceptionnels. En revanche, j'ai fait avec lui un très bon film qui s'appelle "La Honte de la famille". Je me souviens avoir aussi tourné dans "Ciao, les mecs", avec Sergio Gobbi.

 

- Concernant la télévision, vous étiez aussi un habitué de l'émission "Paris Club"…

- Oui, j'intervenais souvent dans cette émission de Jacques Chabannes, un grand nom de la télévision qui a inventé un genre. Dans le même ton, Philippe Bouvard a pris la suite, puis Jacques Martin.

 

- Est-il exact que vous étiez boxeur, comme Dominique Zardi ?

- J'ai été bercé dans le fief de la boxe. Lorsque Raymond Marcillac a monté son émission "Les Grands moments de la boxe", il a fait appel à moi car je connaissais bien les boxeurs. Je me rappelle avoir invité le champion du monde, Jake La Motta, le rival de Marcel Cerdan. D'ailleurs, il déjeunait tous les jours à l'endroit où nous bavardons aujourd'hui [ndlr : le Café de l'Alma, à Paris]. Il m'avait proposé de devenir le manager du fils de Marcel Cerdan. Il est exact que Zardi état boxeur, il aimait beaucoup ce sport. Il était un charmant garçon, nous nous sommes croisés sur les tournages - ceux de "Jo", "Le Soleil des voyous" et "Le Tigre aime la chair fraîche" - mais je l'ai finalement assez peu connu. Son complice Henri Attal était d'une grande générosité, très serviable. Il partageait tout, même lorsqu'il n'avait pas grand-chose.

 

- C'est à "Paris Club" que vous faites la rencontre d'un certain Louis de Funès qui triomphe aux Variétés dans "La Grosse Valse"…

- Non, de Funès je le connaissais déjà à cette époque. Je l'avais rencontré lorsqu'il tournait un film où il pêchait ["Ni Vu, ni connu", d'Yves Robert, 1957]. Nous avons sympathisé dans un bistrot, autour d'un verre, et lorsque j'ai fait "Paris Club", il m'a dit "Vous faites Paris Club, très bien, dîtes à Chabannes que je veux passer dans son émission", avant d'ajouter "Tu permets que je te tutoie ?" Ce qu'il a fait, mais je n'ai jamais pu le tutoyer. Louis était un homme formidable, quel type extraordinaire ! Il fallait voir comme il se donnait à fond lorsqu'il jouait cette pièce incroyable aux Variétés qui s'appelait "La Grosse Valse". J'ai vu des gens près de moi hurler de rire. Les comédiens arrêtaient parfois de jouer tant le public riait ! A quelques sièges de moi se trouvait Fernandel qui a ri pendant tout le spectacle. A la fin de la représentation, les gens lui ont demandé son avis sur la pièce et il a déclaré : "je vais saluer mon ami de Funès, ce qu'il vient de faire, c'est extraordinaire !" De Funès ne regrettait qu'une chose dans la vie, c'est d'avoir fumé deux paquets de cigarettes par jour pendant des années, ça l'a fichu en l'air. Bécaud avait le même souci : lorsqu'il chantait à l'Olympia, il sortait de scène pour fumer entre deux morceaux. Un jour, je me suis retrouvé à côté de Bécaud pour assister à un match de boxe, en une heure et demie il a fumé un paquet.

 

 

AI

Avec Bernard Blier et Jacques Marin dans "Jo" de Jean Girault (1971)

 

 

- Quels souvenirs avez-vous du metteur en scène Jean Girault ?

- Un homme charmant, très calme et très posé. Il jouait un peu au tennis mais n'avait pas de force et mangeait très peu. Un jour, à table, de Funès lui a dit "Tu ne vas pas tenir le coup" et il avait raison. Sous la direction de Girault, j'ai fait plusieurs films avec Louis de Funès, mais aussi "L'Année sainte", le dernier film de Jean Gabin, où j'ai retrouvé mon ami Henri Virlogeux.

 

- En 1970, c'est une nouvelle collaboration avec Louis de Funès et Jean Girault, pour "Le Gendarme en balade"…

- Oui, j'avais un petit rôle ou je conduisais un petit tracteur ! Ce gag était une idée à Louis, il y avait aussi Paul Présboist, qui était un bon faire-valoir pour lui. Et j'ai aussi fait "Le gendarme et les extra-terrestres". C'est Louis qui m'a demandé sur ce film, je vous le dis, c'était un type formidable ! La production se chargeait de mon déplacement en avion à Saint-Tropez, ainsi que de mon hôtel, pour trois jours de tournage payés plus que grassement ! dans un scène où l'on retrouve aussi Maurice Risch. Je ne comprends pas d'ailleurs qu'il n'ait pas plus de succès, car c'est un comédien vraiment extraordinaire.

 

- A quoi ressemblait une journée de tournage ?

- Nous étions convoqués aux studios à 9h mais nous ne tournions qu'à midi. Les matinées étaient surtout consacrées aux préparatifs, avec la doublure lumière de Louis. Nous tournions une scène avant d'aller déjeuner. Puis nous reprenions le travail jusqu'à 18 ou 19h. Mon rôle le plus marquant auprès de Louis de Funès fut celui dans "Jo". L'autre vedette du film était Bernard Blier, avec qui j'ai eu peu de contacts, comme la plupart des personnes sur ce tournage d'ailleurs. C'était très curieux, il restait très seul, même pour déjeuner. Un soir, il m'a proposé de me raccompagner chez moi en voiture, ce que j'ai accepté. Il n'a rien dit de tout le voyage ! Je l'ai remercié et il m'a dit qu'il pouvait encore me déposer si cela m'arrangeait. Voilà le seul contact que j'ai eu avec lui. Il m'a aussi dit un jour qu'il avait très marqué par son rôle auprès de Gabin dans "Les Grandes Familles", un excellent film de Denys de La Patellière. Il pouvait avoir des rôles incroyables, notamment en Italie, comme dans ce bon film intitulé "Homo Eroticus", racontant l'histoire d'un homme qui a trois testicules.

 

- Et "Hibernatus" de Molinaro ?

- Je rentrais d'Amérique avec ma femme et je savais que le film se tournait en extérieurs au Vésinet. Je m'y suis rendu pour saluer Louis de Funès. Il m'a dit "Tiens tu es là ! Ne bouge pas, il y a un petit rôle pour toi". Et c'est ainsi que j'ai joué un journaliste dans "Hibernatus". Les relations de Funès - Molinaro n'étaient pas fameuses. Molinaro n'était pas très adroit avec de Funès, il ne riait pas alors que de Funès était très drôle.

 

- Vous avez aussi fait beaucoup de télévision. Vous participiez notamment au "Palmarès des Chansons " de Guy Lux, et vous participiez aux émissions où étaient invités les yé-yé, Claude François, Johnny Hallyday etc…

- Oui c'est exact, j'ai dû participer à une vingtaine de numéros du "Palmarès". J'interprétais mes chansons avec l'orchestre de Raymond Lefebvre, mais aussi des reprises. Je me souviens de l'interprétation de "Les Plaines du Far-west" et de "Prosper" avec Jacques Gauthier et Jean Valton. Guy Lux était un grand nerveux, qui gueulait beaucoup dans le genre "mais bon sang il n'y a pas assez de lumière ! Et ça, pourquoi ça ne marche pas ?" Mais il était un chic type, sans aucune méchanceté, et il a énormément apporté à la télévision, c'est incontestable.

 

- Quand et comment avez-vous rencontré Michel Audiard ?

- Ah Michel était un bon copain, d'une gentillesse et d'une simplicité qu'on ne peut pas imaginer. Il ne faisait jamais de salades, il était quelqu'un de très bien, ouvert à tout le monde, qui a beaucoup souffert lors de la disparition de son fils. J'ai fait trois films avec lui, "Le Cri du cormoran", "Elle cause plus, elle flingue" et "Comment réussir quand on est con et pleurnichard ?". On ne peut pas dire qu'il avait une grande maîtrise de la mise en scène, il n'était pas technicien. C'est lui qui demandait à son équipe technique "Alors ? Il faut la refaire cette scène, ou on la refait pas ?" (rires). Mais on sentait qu'il faisait ces films pour se faire plaisir. Pour moi, c'était l'occasion de travailler avec Michel Serrault, Dalban et… [il réfléchit un instant]… Zardi ! revoilà Zardi dont nous parlions tout à l'heure ! Et j'allais oublier Maurice Biraud, quel acteur épatant auprès de Gabin dans "Le Cave se rebiffe" et "Mélodie en sous-sol" !

 

- Revenons à présent sur votre carrière de chansonnier. Pouvez-vous nous évoquer ce quatre titres "Moi je fais du foot" qui raconte l'histoire d'un mordu du ballon rond, qui ne pense qu'à shooter, jusqu'à en mettre des coups de pied à sa femme la nuit ?

- Ah oui, j'aime beaucoup le football et je le regarde encore. C'est une passion que j'ai en commun avec l'ami Galabru, avec qui j'ai aussi pas mal travaillé, notamment sur "La Honte de la Famille" ou encore "Jo". C'est une chanson qui a marché, jusqu'à être chantée dans les écoles ! Mon épouse, la cantatrice Franca Duval, était dans la même maison de disque que moi, les disques Laur.

 

 

AAI

Deux 45 tours du chansonnier Carlo Nell (collection privée)

 

 

- Avec cette carrière bien remplie, éprouvez-vous de la satisfaction, une fierté, ou les deux ?

- Je suis satisfait. Je vais vous dire quelque chose : mon verre est petit mais je bois dans mon verre. Le seul regret que j'ai est de n'avoir ni la voix de Maurice Chevalier, ni le talent de Trenet pour écrire des chansons.

 

- Merci à vous d'avoir consacré ce temps à répondre à nos questions.

- Je vous en prie, merci à vous deux.

 

Des vidéos de Carlo Nell

Carlo Nell chante "Les plaines du Far West" au Palmarès des Chansons (juillet 1966) : ICI

Carlo Nell, Jacques Gauthier, Jean Valton chantent "Prosper" en hommage à Maurice Chevalier (octobre 1966) : ICI

Carlo Nell chante "Les Gonzesses (Requiem pour une môme)" : ICI

 

Son premier témoignage en 2007

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