Dominique Zardi

Boxe Office !

 

AAAAA Si Dominique Zardi nous a toujours encouragés à poursuivre et développer notre passion concernant Louis de Funès, il nous a aussi longuement parlé de la sienne. Une activité sportive qu'il chérissait tout autant que le cinéma et pour laquelle il s'est pleinement investi durant de nombreuses années : la boxe. Nous tenions à adresser à ses admirateurs et proches un petit billet résumant sa passion afin de lui rendre hommage.

AAAAA Habitué des salles de boxe où il pratiquait le "noble art", Dominique Zardi fût une figure bien connue du milieu. Le Central Sporting Club, la Salle Wagram ou Palais des Sports de Paris étaient en effet des lieux qu'il fréquenta de manière aussi assidue que les studios de Boulogne Billancourt. Au Palais des Sports, les plus spectaculaires matchs de boxe tinrent en haleine les 5 000 spectateurs présents à l'époque - un record - jusqu'à faire de ce lieu le pôle mondial des combats toute catégorie entre 1960 et 2005.

 

Match de boxe au Central Sporting Club (www.robert-doisneau.com)

 

AAAAA A la fois pratiquant, organisateur de matchs et parfois même entraineur et conseiller pour de jeunes poulains à qui il apportait sa science, puis enfin journaliste et chroniqueur Zardi est un homme qui parlait de ce sport avec une passion aussi communicative que Claude Nougaro dans sa fameuse chanson "Quatre boules de cuir". Nos discussions étaient toujours ponctuées d'anecdotes le concernant, notamment ses entraînements avec Jean Paul Belmondo. C'est lui qui lui fit découvrir la boxe et ces rudiments. Pour le cinéma du reste, il tournera certaines séquences dans des salles , notamment pour Jacqueline Audry dans "Les petits matins", où il est un spectateur à un combat, ou un speaker donnant de la voix dans "L'ainé des Ferchaux" de Melville.

AAAAA En parcourant certains témoignages de personnalités sur Internet, on peut facilement se rendre compte de la personnalité de cet homme et ainsi comprendre son attrait pour la boxe. Zardi aimait se définir comme un "voyou sans vice", petit gars de la rue, sec mais physique, souple et réactif. Certains de ses amis, dont Paul Gibersztajn, disaient d'ailleurs avec fantaisie : "Selon Audiard, quand des hommes de 120 kilos disent certaines choses, les hommes de 60 kilos les écoutent. Il aurait pu ajouter que certains hommes de 60 kilos peuvent aussi en imposer et avoir des choses à dire. Inutile de dire que Dominique Zardi était de ceux-là". Même Louis de Funès, à qui il racontait une mésaventure arrivée sur un plateau alors qu'il n'était encore que simple figurant lui glissera "Toi tu les aurais tués pour ce qu'ils m'ont fait !".

AAAAA Aucune peur face à quiconque donc. Il ne se démontera d'ailleurs aucunement lors de sa première avec Monsieur Gabin, qui lui tourna le dos : "Vous, vous avez de petits bras, vous chaussez du 36 et vous ne me faîtes pas peur". Gabin, un peu surpris ne put répondre qu'un faible mais légèrement craintif : "Voilà qui est entendu". Quelque temps, après il tournait à ses côtés dans "Deux hommes dans la ville". La glace était brisée.

 

Zardi avec Bernard Blier et Percival Russel dans le film de Michel Audiard
"Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages"

 

AAAAA Zardi c'est un vrai physique de boxeur : une gueule tout en froideur apparente, remplie de nervosité…personnage toujours prêt à en découdre, poings fermés et bouche crispée. Un véritable acteur physique, parfois à la limite de l'inquiétant dirent de lui certains journalistes. Les grands scénaristes et réalisateurs cernent vite sa personnalité et l'apport de celle-ci dans un film et emploient sans hésitation ce "court sur pattes" qui tournera dans plus de cinq cent films, faisant dire à Chabrol qu'il est le comédien fétiche du cinéma. Dans leurs Fragments d'un dictionnaire amoureux, Hervé Le Roux et Alain Philippon disaient de lui : "Au pays du cinéma, il possède la double nationalité. Tantôt chabrolien, tantôt mockyste. Il incarne dans les deux troupes la francité dans toute son horreur. Son crâne rasé et son allure de catcheur le renforce dans le rôle du méchant d'opérette. Inutile de préciser que les deux grands cinéastes de l'anti France ne résistent au plaisir de changer son personnage au maximum".

AAAAA Car il ne faut pas oublier que c'est la boxe qui amena Zardi au cinéma. Grâce à son caractère et à sa pugnacité pour rentrer dans le milieu, il fut d'entrée cataloguer comme acteur-cascadeur et remplit à de nombreuses reprises des rôles de malfrats sauvages et violents. Hunebelle l'emploiera dans la trilogie des Fantômas comme l'un des fidèles dévoués du bandit masqué. Avec Attal, son fidèle compagnon de plateaux, ils eurent d'ailleurs plusieurs fois maille à partie avec les cours de justice et les parloirs de prisons. Souvent condamnés pour des gestes exécutés à l'emporte pièce, dans un moment de colère, Zardi frappe fort, mais plus de manière sanguine que pour faire véritablement mal. Il usa aussi parfois de ruse. Ainsi, évitant de cogner sur le réalisateur de "Saint-Tropez Blues" trop frileux a l'idée de l'engager, il se vengea sur une caméra qui finit sa chute dans le port…Ambiance…Au final ils paraitront dans le films dans le rôle de…marins bagarreurs !

AAAAA Claude Chabrol se remémorait : "Ils cassaient la gueule à tous ceux qui ne voulaient pas les engager. Je les avais prévenus dès le départ. Je voilais bien les engager et le fait que leurs deux noms commençaient par A et Z m'amusait. Mais je leur avais dit : Il ne faut pas me menacer parce que le jour où vous me faîtes chier je vous envoie foutre. Si vous voulez qu'on se bagarre on le fera mais je ne suis pas du tout sûr que vous allez y gagner parce que je suis vicieux comme le diable, vous aussi, et ca risque de mal se terminer. Avec moi ils ont toujours été très convenables, je les aime bien." (François Guérif - Conversations avec Chabrol, Editions Denoël - 1999).

 

Avec son complice Henri Attal dans "Les Biches" de Claude Chabrol

 

AAAAA Bertrand Régis Louvet quant à lui se remémore avec tendresse ses bons moments passés à ses côtés dans l'un de ses billets-blog : "Dominique m'avait appris beaucoup sur la boxe et les hommes. Je le revois gesticulant sur la banquette arrière de ma voiture, mimant Marcel Cerdan ou qui sais-je encore, avec cette petite voix sèche et nasillarde et son inimitable accent de Belleville dont il savait jouer pour amuser la galerie.

AAAAA Partager une soirée de boxe avec Dominique permettait d'entrer dans un autre monde, celui d'une douce folie, de belles anecdotes déclamées avec conviction. Que de souvenirs, de fous rires et ... de bagarres évitées. Car lorsque "Domino", son surnom, enrageait, il commençait toujours par ajuster les branches de ses lunettes avant de prendre un voisin à parti, de le regarder menaçant droit dans les yeux. Il en faisait des tonnes. Et là, le dérapage ne s'avérait pas toujours aisé à contrôler.

AAAAA Les confrères les plus âgés évoqueront sûrement des conférences de presse durant lesquelles il assurait le spectacle. Là, Dominique se dressait comme un I, levait la main tel un élève bien élevé, avant d'entrer dans un monologue souvent achevé par une question vacharde mais juste. "On ne me la fait pas" répétait-il souvent. Dans la vie et dans les salles, Dominique cultivait le politiquement incorrect. Cela lui valait un vrai respect."

 

AAAAA Respect pour l'homme mais aussi respect réciproque de l'homme pour ce sport auquel il voue tant de passion et de connaissances qu'il sera très vite surnommé, dans ce milieu fermé, "la mémoire de la boxe". Conjuguée à sa passion de l'écriture, "le noble art" sera immortalisé sous sa plume à travers d'excellents billets et ouvrages tels Les Immortels de la boxe, paru en 2003 aux Editions Dualpha et préfacé par Jean-Claude Bouttier. Sa fréquentation quasi quotidienne des salles lui aura permis de rencontrer les plus grands champions et d'accumuler nombre d'anecdotes qu'il s'empressera de faire partager au grand public. Il eut la chance de vivre les plus grands combats, les K.O de légende, les victoires acquises à la rage du poing et les défaites dans la douleur et les bleus. Ses gueules cassées il les connait comme sa poche : aucune catégorie ne lui est inconnue et il côtoie aussi bien Marcel Cerdan que l'argentin Pascual Ferez ou Joe Louis. Mais plus qu'un simple abécédaire des sportifs, Dominique se penche sur tout l'univers du sport et de ses acteurs. Ainsi il prend autant de plaisir à évoquer les speakers de légende que les organisateurs célèbres sans oublier les femmes, part importante de l'histoire de la boxe.

 

Avec Louis de Funès et Henri Attal dans "Jo" de Jean Girault (1971)

 

AAAAA Il fut aussi un chroniqueur régulier au cours des dernières années de sa vie (2002-2009) du site www.netboxe.com - où il publia plusieurs billets d'humeur - ainsi que consultant radio pour RMC aux côtés de Vincent Moscato et Pierre Dorian. Passion logique de l'écriture lorsqu'il nous explique "J'ai toujours écrit, même lorsque j'étais tout gamin, j'écrivais déjà des fables et des chansons mais j'étais trop timide par la suite pour dire qu'elles étaient de ma composition".

AAAAA N'oublions pas non plus qu'il dirigea de manière totalement passionnée et dévouée la revue EuroBoxe Show dans laquelle il mélangeait de manière particulièrement savoureuse le sport et le cinéma, la boxe avec les acteurs, la sueur avec le people ! Dans une interviewx qu'il nous avait accordée il en parlait brièvement : "Ce magazine a duré pendant plus de trente ans. Ce qui est paradoxal est qu'aujourd'hui la boxe, qui est un sport où les Français se sont toujours illustrés de tout temps, est le seul sport qui ne dispose pas de sa propre revue. Mon journal a très bien marché pendant plusieurs années puis il y a eu des difficultés avec une dame qui souhaitait apporter des modifications telles que changement de formules, mouvement de capital... et qui, contre mon refus, a tout fait pour bloquer son développement. Au final, quand on vous annonce que votre journal ne vend plus même un exemplaire, vous comprenez vite le message et tout s'est arrêté."

 

AAAAA Alors que retenir de cet homme si singulier ? Pour l'avoir rencontrés à plusieurs reprises, sans aucun doute que son apparente dureté cachait avant tout un homme d'une grande sensibilité, pudique et particulièrement lucide sur sa vie, sa carrière et sur le monde en général. La boxe lui aura certainement servi d'exutoire aux frustrations et méchancetés du milieu. Il fût toujours disponible, particulièrement professionnel et bienveillant à notre égard.

AAAAA Citons aussi brièvement Olivier, pour le blog MCT productions qui disait de lui : "Je viens de l'apprendre. Je suis vraiment effondré, je ne vous le cache pas car mon ami Dominique Zardi est décédé. Il ne m'avait pas semblé malade pourtant la dernière fois que je lui ai parlé, il ne m'en a rien dit. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, mais c'est non seulement moi qui perds un ami vraiment sincère mais aussi tout le cinéma de ces soixante dernières années qui est orphelin. […] Non content de jouer dans plus de 500 films, il a même composé la musique de certains d'entre eux (18 pour être précis). Enfin dernier de ses talents artistiques, et non des moindres, il était comédien de théâtre. Avec à son actif treize pièces, il reste une valeur sure de la comédie. Il était donc naturel que d'acteur il passât au rôle d'auteur en écrivant et mettant en scène deux œuvres : Le Siphon et son One Man Show. Dominique Zardi vous le comprenez à présent est un artiste complet et talentueux dans tout ce qu'il entreprend. Vous connaissiez mieux à présent ce personnage singulier de la vie intellectuelle française, figure incontournable du cinéma français, homme attachant tout en simplicité et qui pourtant fréquente le gratin du monde du cinéma, bref un homme qui n'a pas oublié d'où il vient ".

AAAAA Enfin, l'une des plus belles phrases hommage envers l'acteur est sans aucun doute celle du journaliste Morlino sur son blog : "Dominique Zardi c'était comme un réverbère des rues de Paname. On ne les regarde plus parce qu'on sait qu'ils sont là. Il suffit qu'on en supprime un pour que cela nous mette dans tous nos états." Dominique Zardi ne monte plus sur un ring mais reste incontestablement le roi du Boxe-Office !

 

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