Maurice REGAMEY

 

AAAAII Les amateurs du cinéma funésien peuvent remercier le comédien et metteur en scène Maurice Regamey, qui a réalisé des courts-métrages "Le huitième art et la manière" (1952), "Le rire" (1953) - qui a été commercialisé dans le DVD "Louis de Funès inoubliable" - et le long-métrage "Comme un cheveu sur la soupe" (1956). Alors que de Funès courrait les petits cachets, le cinéaste lui fit confiance au début des années 50.

AAAAII Les deux comédiens se retrouvent pour la première fois en 1949, lorsqu'ils jouent chaque soir sur les planches dans "Un Tramway nommé désir". De plus, avant de se rendre au théâtre, ils tournent tous deux quelques scènes des films "Pas de week-end pour notre amour" et "Rendez-vous avec la chance". Ils apparaissent également dans "La Rose Rouge" en 1951, sans jamais toutefois tourner ensemble.

AAAAII La première scène qu'ils partagent est dirigée en 1952 par Jean Laviron pour son film "Au diable la vertu". Ce sera leur unique prestation commune devant la caméra (si on excepte "Comme un cheveu sur la soupe" où le réalisateur fait de la figuration). Pourtant, les deux hommes ne se perdent pas de vue. Tandis que l'un continue sa carrière de comédien, l'autre se dirige progressivement vers la réalisation en enchainant les courts-métrages et en signant son premier film, "Honoré de Marseille" avec Fernandel.

AAAAII Il faut attendre la fin d'année 1956 pour que Maurice Régamey puisse diriger Louis de Funès dans son second long-métrage intitulé "Comme un cheveu sur la soupe". Celui-ci s'avère être un excellent film malgré son petit budget et Louis De Funès ne s'y est pas trompé. Il l'adorait et - par conséquent - le mentionnait souvent lorsqu'un journaliste voulait connaître ses mersonnages favoris. Hélas, 1957 marqua la dernière collaboration entre ces deux hommes. Un film de plus aurait très certainement mérité d'exister !

AAAAII Maurice Regamey nous a quittés le 23 août 2009 à Paris à l'âge de 85 ans. Mais n'entrons pas dans les regrets ou la nostalgie, et plongeons-nous dans les souvenirs de cet homme qui était fort charmant.

 

 

Louis de Funès et Maurice Regamey, comédiens dans "Au diable la vertu" de Jean Lavrion (1952)

 

Interview de Maurice Regamey du 1er juin 2007 par Franck et Jérôme

 

- M. Regamey, comment avez-vous connu Louis de Funès ?

- Je l'ai connu lorsque je réalisais des courts métrages, car à cette époque, il acceptait tous les rôles qu'on lui proposait. Nous avons joué ensemble dans la pièce intitulée "Un tramway nommé désir" car à cette époque nous étions tous deux comédiens. Je fréquentais aussi le café de Paris où il jouait du piano, il était comme moi, il jouait plein de petits rôles. Un jour on m'a proposé de faire une film où Louis était la vedette, ce film c'était "Comme un cheveu sur la soupe".

 

- Quelles furent vos relations avec Louis ?

- Elles étaient bonnes mais je me souviens d'un garçon qui doutait toujours beaucoup de lui. Tout ce que contenait le scénario comme gags ne le faisait pas rire du tout. Lorsque nous tournions une scène, il arrivait le lendemain en déclarant que ce n'était pas bon et qu'il fallait tout refaire. Bien sûr nous ne le refaisions pas, mais c'est vrai qu'il a toujours douté de lui. C'est d'ailleurs un avis unanime de tous les metteurs en scène qui l'ont fait tourné par la suite, notamment Jean Girault et Jacques Besnard qui étaient mes assistants à l'époque.

 

Avec les comédiens Yves Vincent, Daniel Ivernel et le futur réalisateur Maurice Régamey, Louis de Funès joue au théâtre dans "Un Tramway nommé désir" en 1949. A une époque où il n'avait qu'une seule réplique à dire chaque soir : "ma veste !"...

 

- Comment s'est déroulé le tournage de "Comme un cheveu sur la soupe" ? Quelle était l'ambiance du plateau ?

- Oh l'ambiance était très bonne. Louis faisait tout ce qu'on lui demandait et il nous faisait beaucoup rire.

 

- Etait-il déjà aussi perfectionniste à l'époque ?

- Il a toujours été perfectionniste. Sur le plateau, il se mettait dans un coin et il réflechissait, il était vraiment très méticuleux.

 

- Quelles étaient les relations entre les comédiens, notamment les "Branquignols" Jacques Jouanneau et Christian Duvaleix ?

- Louis ne les fréquentait pas beaucoup, vous savez il restait surtout dans un petit coin du studio et il réflechissait beaucoup.

 

- Louis a par la suite déclaré que "Comme un cheveu sur la soupe" était l'un des films qu'il préférait ? Touchant non ?

- Oui bien sûr. A l'époque, mon père collectionnait tous les articles qui me concernait dans un press book. Je me souviens qu'un journal de New York a dit du film qu'on pouvait le comparer à un film de Chaplin ce qui était très faltteur, mais la presse n'a pas toujours été dythirambique.

 

Maurice Régamey en figurant, à côté de Jacques Jouanneau, dans son film "Comme un cheveu sur la soupe"

 

- Dans quel état d'esprit un metteur en scène doit-il se placer pour diriger Louis De Funès ? Faut-il le laisser faire, le limiter ? A t-il apporté beaucoup de modifications ?

- Non pas tellement car nous étions à l'époque où les scénarios étaient déjà très complets, très bien écrits et donc les comédiens se pliaient directement aux scénarios. Louis a toutefois eu la possibilité de développer librement son jeu notamment pour la scène où il sauve Nöelle Adam et lorsqu'il prend une douche lorsqu'il est interné dans une maison de fous. Sinon tout était écrit d'avance.

 

- Dans quel état d'esprit était Louis avant une scène ? Tendu ? Décontracté ?

- Il savait parfaitement ce qu'il faisait. Tout était réglé dans sa tête, il avait déjà tout préparé. Il était donc plutôt décontracté.

 

- Aviez-vous d'autres projets par la suite avec Louis ?

- Oui bien sûr, je le voulais absolument pour un autre film mais il était devenu tellement cher ! Je n'ai pas pu, il est devenu superstar très rapidement, ce fût l'une des vedettes les plus chères de France.

 

Paul Bisciglia et Louis De Funès en compositeur désespéré
dans "Comme Un Cheveu sur la Soupe" de Maurice Regamey.

 

- Qu'est ce qui vous a motivé pour confier ce rôle de vedette à Louis ?

- Ce n'est pas moi qui l'ai engagé, à l'époque il jouait tellement de petits rôles, il acceptait tout ce qu'on lui proposait ce qui parfois a posé problèmes car il tournait deux films en même temps. Il disait alors "Les régisseurs se débrouilleront". De ce fait, il tournait une séquence pour un film le matin et une autre pour un film différent l'après midi. J'ai un jour reçu un coup de téléphone où l'on me proposa que de Funès tourne avec moi pour "Comme un cheveu sur la soupe".

 

- Une anecdote rappelle qu'au tout début du film il n'y avait que le titre, même pas de scénario, est-ce vrai ?

- Oui tout à fait, dès le début, il y a eu cette volonté d'appeler ce film "Comme un cheveu sur la soupe", c'est Jules Borkon, le chef de production et qui était une personne extraordinaire qui me dit qu'il n'avait que le titre pour le moment. Par conséquent nous avons commencé à travaillé le scénario avec Jean Redon et Yvan Audouard.

 

- Aviez vous, lorsque vous avez réalisé ce film la volonté de faire décoller la carrière de Louis de Funès, de lui donner un véritable coup de pouce ?

- Absolument. C'est d'ailleurs pour cette raison que Louis était la vedette unique du film.

 

- L'avez vous souvent revu par la suite ?

- On s'appercevait vaguement mais je n'ai jamais pu l'avoir, il était vraiment trop cher à partir du moment où il devint superstar.

 

- Vous l'avez aussi fait tourné dans différents court-métrages, notamment "Le huitième art et la manière" de 1952 et "Le rire" en 1953, pouvez vous nous décrire l'ambiance lors du tournage ?

- C'était une très bonne ambiance, c'étaient des trucs entre copains. Je faisais ça avec des bouts de pellicules que l'on me donnait. J'ai beaucoup tourné dans les studios où il y a avait de grands films qui se réalisaient. Je tournais alors le matin avant tout le monde. C'est comme cela notamment que Maurice Chevalier, Fernandel, Pierre Louis mais aussi Michelle Morgan ont participé à ces courts métrages. L'ambiance était vraiment familiale. Ce n'était pas toujours évident de pouvoir les réaliser comme je le souhaitais, je devais attendre que les studios soient libres ou que l'on m'autorise un crédit. Cela durait donc parfois très longtemps. Poiret m'a beaucoup aidé lorsque parfois j'eus certaines difficultés, notamment en réglant tous les coûts qui étaient dûs. A l'époque les courts métrages apparaissaient avant les films dans les cinémas puis cela a été supprimé.

 

Avec Jack Hilling dans le court-métrage "Le Rire" de Maurice Regamey (1953) (collection F&J)

 

- Quelles étaient les relations entre Louis et les techniciens ?

- A l'époque il ne disait rien du tout, il faisait tout ce qu'on lui disait.

 

- Pouvez vous nous parler de vos relations avec Fernandel, Pierre Mondy et Maurice Chevalier ?

- Fernandel est un perfectionniste, il savait tout, il connaissait parfaitement son métier. De plus, il était la gentillesse même et surtout un gros mangeur ! Il avait un énorme appétit ! C'était un acteur très consciencieux, parfait ! Maurice Chevalier était une personne tout à fait charmante aussi, j'ai travaillé deux ans et demi avec lui. Pierre Mondy est adorable, je l'ai très bien connu.

 

- Etes vous nostalgique de toute cette époque cinématographique ?

- Pas du tout. Je vis encore actuellement des droits de "Comme un cheveu sur la soupe" qui est régulièrement diffusé à la télévision et ceci dans beaucoup de pays étrangers et cela me va très bien comme ça.

 

Page créée le 3 août 2007, mise à jour le 23 avril 2016

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