Editions Flammarion, collection Pop Culture

 

Jean-Jacques JELOT-BLANC

 

AAAtI Jean-Jacques Jelot-Blanc est un biographe que nos cinéphiles connaissent de longue date pour ses ouvrages consacrés à Louis de Funès, à Bourvil ou encore à Fernandel. Son livre publié en 1993, "Louis de Funès, une légende", demeure à ce jour une solide référence pour les inconditionnels de l'oeuvre funésienne. Ceux qui ne le connaissent pas pourront apprécier un travail rigoureux et soigné, salué par la critique de l'époque. D'ailleurs, vous seriez aussi particulièrement inspirés si vous preniez connaissance de son dernier ouvrage, "Louis de Funès : l'Oscar du Cinéma" récemment paru aux éditions Flammarion et pour lequel les critiques sont unanimement dithyrambiques. A juste titre d'ailleurs, car le livre matérialise un véritable travail de fond, mettant en lumière des personnages longtemps restés dans l'ombre. Au cours de cette interview sur laquelle il revient sur sa carrière, Jean-Jacques Jelot-Blanc évoque ses débuts dans le journalisme, son incursion dans le cinéma ou encore sa passion pour l'écriture. Nous le saluons amicalement et le remercions chaleureusement pour le temps qu'il nous a accordés.

 

première interview (2011) / deuxième interview (2014)

 

Interview de M. Jean-Jacques JELOT BLANC du 26 décembre 2011 par Franck et Jérôme

 

- M. Jelot-Blanc, vous êtes un « baby boomer » originaire d’Aubagne. Quand avez-vous envisagé de devenir journaliste ? Est-ce au début des années 1960 lorsque les Yé-yé séduisent le jeune public français ?

- J’étais adolescent à la sortie du premier Salut Les Copains dans les kiosques. J’étais aussi et surtout un grand amateur de cinéma - je voyais 2 à 3 films par semaine. En réalité, je rêvais beaucoup plus de devenir réalisateur que journaliste, mon but c’était d’entrer à l’IDHEC (à l’époque la grande école de cinéma, L’institut des hautes études cinématographiques) plutôt que de faire une école de journalisme ! D’ailleurs, lorsque je « monte » à Paris faire ma « révolution » - nous sommes au printemps 1968 - avec ma (grosse) valise et mes maigres économies, j’ai d’abord tenté de inscrire à l’IDHEC. Comme elle coûtait trop cher, j’ai du lâcher et je me suis rabattu sur la Faculté de Vincennes, section cinéma. Puis j’ai commencé à traîner dans le milieu du cinéma où je me suis fait, peu à peu, pas mal des relations, j’ai aussi tenté ma chance à la télévision, je me suis mis également à fréquenter, via les plateaux des chanteurs comme Dutronc, Dick Rivers et son pote Alain Bashung, lequel deviendra mon meilleur ami et dont j’écrirai la première biographie, bien plus tard. A cette l’époque, avec Alain, on a tourné pas mal de courts métrage…

 

- Au début de votre carrière, vous travaillez pour « SLC », comment êtes vous entré dans la rédaction de ce magazine ?

- Justement grâce à mes contacts dans la chanson, c’est l’épouse d’un autre chanteur - Christopher Laird - qui m’a parlé d’un copain à Salut Les copains - la revue venait de devenir Salut tout court. J’ai donc débuté comme pigiste par l’écriture de notule et de critique de films, j’ai fini par connaître tous les chanteurs qui débutaient à l’époque, comme Jean-Michel Caradec (lequel écrira la musique d’un de mes films), Alan Stivell et beaucoup d’autres, hélas beaucoup disparus, 3 petits 45 tours et puis s’en vont !!!

 

- Vous avez aussi été sollicité chez « Rock & Folk » à une époque où ce style musical était en vogue. Le rock fait-il partie de votre univers ou s’agissait-il de s’adapter à l’évolution de la musique ?

- Sollicité, non, j’allais plutôt frapper aux portes ! Au fil des années, j’ai du faire le tour de tous les supports musicaux, j’ai écrit des petits « papiers » par ci par là pour Rock et Folk, Extra, Pop Music, Gold, Fleur Bleue, qui fleurissaient à l’époque, plus tard j’ai écrit aussi pour Paroles et Musique et Chorus. Je m’imposais du mieux que je pouvais - à l’époque Alain [Bashung] disait de moi « Pépère (c’est ainsi qu’il me surnommait), tu lui fermes une porte, il entre par la cave ou par le toit ! » En fait, je prenais tout ce qu’on me proposait, j’ai réalisé des reportages télé pour Midi Première l’émission de Danièle Gilbert, j’ai « bricolé » sur Le Palmarès des Chansons de Guy Lux. Mon meilleur souvenir reste celui du Palmarès de Fernandel en 1968 où j’étais devant lui, à quelques mètres avant que mon copain, son fils Franck ne me le présente ! J’ai ensuite connu Albert Raisner que j’ai longtemps considéré comme mon père spirituel ( je n’ai pratiquement pas connu le mien), j’ai travaillé sur Age tendre et tête de bois, je passais beaucoup de temps dans les coulisses de l’Olympia avec Jean-Michel Boris, je fréquentais aussi pas mal de cinéastes, j’ai même siégé au collège court-métrage de la Société des Réalisateurs de Films (la fameuse SRF) avec Costa-Gavras, Albicocco, Kast, Doniol-Valcroze, Mitrani, Daquin, Poitrenaud (tiens ! un réalisateur de Fufu), et bien d’autres comme Michel Boisrond dont j’ai été l’assistant pour sa série TV Les Folies Offenbach avec Michel Serrault. J’ai vécu la fin des années 60, puis celles des 70 comme une époque bénie où tout prenait une dimension d’exception, la vague yéyé (dont vous avez parlé), le rock anglo-saxon avec l’arrivée des Beatles, la nouvelle vague au cinéma à laquelle je préférais évidemment le cinéma de distraction (les grandes comédies avec Louis de Funès, Bourvil, Cowl, Blanche, Serrault, etc..) enfin l’explosion du petit écran et des séries télévisées dont j’ai été l’un des pionniers littéraires puisque j’en ai écrit le tout premier guide avec 30 ans de séries à la télévision paru chez PAC en 1983. Selon l’expression bien connue, j’ai réellement vécu une époque formidable, où tout était encore possible…

 

- En 1976, vous vous lancez dans l’écriture, la réalisation et le montage d’un documentaire. Avec le photographe Jean-Louis Rancurel, vous réalisez « Il était une fois les années 60 ». Comment est né ce projet ? S’inscrit-il comme une façon de rendre hommage à cette période qui vous a marquée ?

- C’est justement parce que tout était possible que j’ai pu réaliser par exemple des courts métrages avec Alain Bashung, avec Julie Dassin, puis ce moyen métrage Il était une fois les années 60, film de montage réalisé avec mon ami de toujours Jean-Louis Rancurel, le plus grand et surtout le meilleur photographe de l’épopée du rock made in France - Johnny, Eddie, Dick, Vince [Taylor], Richard, Sylvie et les autres. Avec lui, on a fait tous les grands concerts de l’époque, puis avec des copains on s’est mis à bricoler sur pellicule notre vision de cette époque - un bout de pellicule par ci, un son par là, une interview de Chuck [Berry], de Fats [Domino] ou de Jerry Lee [Lewis] ; lui fixait des images, moi des mots… On écrira sans doute un jour le livre de nos aventures…C’est Patrice Leconte qui me disait récemment que j’aimais le cinéma parce que j’étais un « bavard invétéré », comme Pagnol, mon concitoyen et maître à penser qui lui a eu la chance de profiter, en 1930, de l’invention du cinéma parlant avec les plus géniaux bavards de l’histoire du cinéma, Raimu, Fernandel et les autres…le cinéma que j’aime.

 

Photographies par Jean-Louis Rancurel de Johnny Hallyday en duo avec Eddy Mitchell, les Rolling Stones de Mick Jagger et Vince Taylor (remerciements chaleureux à Jean-Louis Rancurel et à Alain Chassaing).

 

- Cette première expérience s’enchaîne justement avec une performance d’acteur dans « Ne me touchez pas », que vous produisez également. Avez-vous une formation de comédien ? Etait-ce un rôle que l’on vous avait proposé ou, au contraire, que vous aviez demandé ?

- Performance ! Comme vous y allez - c’est vrai qu’on a dit que ma ressemblance avec Dustin Hoffman (sur lequel j’ai d’ailleurs écris un livre après l’avoir rencontré) ou Al Pacino aurait pu m’ouvrir des portes (rires) ! Non, sérieusement, je n’ai pas de formation, mais comme je vous dis, je suis un bavard, même à 63 ans, j’ai toujours une formidable envie de partager mes passions de la même façon que lorsque j’écris, je fais des conférences, ou je réponds à une simple interview, pas pour la performance, plutôt pour le partage ! En 1976, ce film "Ne me touchez pas" fut une très belle aventure dès sa préparation, Richard Guillon mon réalisateur et moi avions envie de réunir une brochette de comédiens amis - beaucoup n’ont pu se rendre libres, comme Michel Serrault ou Paul Préboist , mais d’autres répondront spontanément présents dont deux gendarmes, Michel Modo (mon partenaire privilégié dans le film) et Guy Grosso, mais aussi Bernard Lecoq autre débutant à l’ombre de Louis de Funès, Marcel Zanini, Daniel Prévost et mon ami Franck Fernandel, enterré l’été dernier chez moi à Aubagne…

 

- Quel souvenir conservez-vous de votre expérience dans la production ?

- Rien de bien glorieux, des dettes, un film qui ne sortira pas sur les écrans (sauf une petite semaine au cinéma Bonaparte à Saint Germain des Près) faute d’argent, ce qu’on appelle aujourd’hui un « incunable », un de ces films invisibles comme il en existe beaucoup, en sommeil dans des caves ou nos cinémathèques. Heureusement, l’invention de la vidéo va sauver "Ne me touchez pas" de l’oubli. En 2012, il sortira enfin en DVD chez un éditeur de films classiques Les documents cinématographiques, et de plus sous son titre original "Monsieur Marcel Marius" - sous titré "Arrête ton cinéma".

 

- Outre le cinéma, vous avez également été animateur à la radio sur RMC : autant dire que vous avez touché un peu à tout.

- J’ai beaucoup aimé faire de la radio surtout ma période RMC deux années de bonheur avec mes potes Marc Toesca et Christian Borde devenu bien plus tard…Jule-Edouard Moustic !. Parmi mes défauts, on m’en connaît surtout un, sans aucun doute une réponse à votre question, un défaut qui, pourtant bien souvent, s’est finalement avéré devenir presque une qualité : « qui trop embrasse mal étreint » dit-on ! Ce côté touche-à-tout tient surtout à ma boulimie du cinéma, donc de l’écriture, de l’image et du son. Je dis souvent que dans mon modeste savoir-faire - je ne parle pas de talent - il manque une corde à mon arc : je ne connais pas une note de musique, car j’aurais réellement aimé composer… Donc, finalement, mes partitions sont devenues des livres…

 

- Aujourd’hui, vous êtes connu pour les nombreuses biographies que vous avez rédigées sur des musiciens (Chuck Berry, Alain Bashung…) ou des acteurs (Marais, Bourvil, Villeret, Poiret, Serrault…). Le métier de biographe est-il celui qui vous favorisez désormais ? Est-il devenu votre profession favorite ?

- Oui, sans conteste l’écriture reste ma passion, mon métier et ma raison de vivre ! En « retraite » de la presse à la suite d’une vilaine maladie aujourd’hui vaincue, la plume me démange d’autant plus. Chaque jour qui passe, chaque rencontre est une expérience que je lie à une aventure littéraire - le simple fait d’être né à Aubagne m’a poussé à écrire une histoire de ma ville natale Aubagne - le fait d’avoir grandi dans la cité de Marcel Pagnol m’a poussé à en devenir le biographe « officiel » puisque le seul à avoir l’imprimatur et la préface de sa veuve Jacqueline Pagnol, l’éternelle Manon des sources ; parmi mes projets dont je vais vous reparler, je vais éditer un dictionnaire de ces lieux mythiques du cinéma de la région Provence Côte d’Azur, entre Marseille et Saint-Tropez.

 

Quelques livres écrits par Jean-Jacques Jelot-Blanc

 

- Vous êtes à la fois journaliste, biographe, écrivain et scénariste. Ces quatre métiers ont l’écriture pour dénominateur commun. On en conclut qu'il s'agit pour vous d'un besoin et d'une passion.

« Heureux qui a pour métier sa passion », disait Stendhal ! Or, l’écriture est la mienne comme je vous l’ai dit, je me lève parfois à cinq heures du matin, je me couche à minuit pour remanier un texte, corriger une épreuve ou, sur l’ordinateur, ébaucher un nouveau livre. J’ai surtout l’envie de combler certaines lacunes littéraires - par exemple si près de 30 livres ont été écrits sur notre cher Fufu, en revanche il n’en existe aucun sur nombre d’acteurs ou de réalisateurs, soit des pans entiers de l’histoire du cinéma ; tous ces sujets, appelés « niches » par les éditeurs, sont peu rentables donc inexplorés. Heureusement, la « toile » informatique commence à combler ces lacunes, un site comme le votre s’avère nécessaire parce qu’il informe les fans avec une précision « chirurgicale » qu’aucun écrivain aussi doué soit-il ne pourra apporter au lecteur! De plus, si j’enrage parfois à la lecture de certaines coquilles, erreurs ou omissions dans mes livres, vous sur le Net avez la chance de pouvoir corriger les vôtres instantanément ….

 

- Venons en à présent à Louis de Funès. A quand remonte cet intérêt – voire cette passion – pour ce comédien ? Pour quelles raisons vous a-t-il marqué ?

- Mon intérêt pour Louis de Funès remonte à peu près à l’année de l’éveil de ma passion pour l’écran - soit 1958 - depuis, l’intérêt suscité par cet acteur a éveillé chez moi une passion croissante au fil des décennies. A sa disparition, j’étais déjà engagé sur une autre littérature, comme vous le savez j’écrivais plutôt sur Fernandel, Pagnol et les séries TV ; avec les années 90, je me suis aperçu, à sa disparition, que l’intérêt pour lui grandissait. D’ailleurs, 30 années après sa disparition, il n’existe à ma connaissance aucun autre acteur français capable de déclencher autant de ferveur. Si en 2012, on a beaucoup oublié les grands acteurs d’antan - Raimu, Jouvet, Fernandel, Gabin, même Bourvil - Louis de Funès est toujours aussi présent ! Les raisons pour lesquelles il m’a marqué sont multiples et évidentes : quel autre acteur que lui fut figurant dans près de cent film avant d’en tourner 30 autres en superstar ? Aucun ! Quelle vedette comptabilise un tel nombre de spectateurs, un tel nombre de films « champions » ? Aucune ! Quel autre acteur a pu inscrire son nom en tête d’affiche au fronton de 30 salles de cinémas à la fois ? Aucun ! Qui fédère encore chaque soir d’été autant de téléspectateurs lorsqu’on repasse ses vieux films ? Luis seul ! Qui passionne encore des gamins de 8/13 ans alors qu’il est mort voilà bientôt 30 ans ? Lui, toujours lui, encore lui ! A lui seul demeure, il est notre Chaplin, notre Buster Keaton et nos Marx Brothers !

 

- Parlez-nous de votre rencontre avec lui...

- Jean-Louis Rancurel et moi étions amis avec le producteur Christian Fechner, via les Charlots que je connaissais depuis ma période SLC, puis lorsque j’avais travaillé pour la revue Podium que Claude François avait revendu à Michel Lafon et Claude Carrère (le producteur de Sheila). Un jour, Christian - autre grand fan de Fufu devant l’éternel - devenu son producteur, nous a organisé une journée à Trappes sur le tournage de "L’aile ou la cuisse". Ce jour-là, Louis de Funès était visiblement très fatigué et il a poliment refusé et les photos et l’interview, mais nous a gentiment autorisé à passer la journée près de lui sur le plateau, ce qui est un sacré souvenir parmi tant d’autres.

 

"Louis de Funès, une légende" par Jean-Jacques Jelot-Blanc, éditions Anne Carrière (1993)

 

- En 1993, vous publiez une solide biographie intitulée « Louis de Funès, une légende ». Etait-ce la suite logique à donner à votre travail après la parution, trois ans plus tôt, de « Bourvil » ?

J’ai toujours pris plaisir à travailler sur des thèmes qui me sont proches - j’ai débuté avec la famille Fernandel, via son fils Franck et aujourd’hui Vincent son petit-fils, puis je me suis intéressé à celle de Bourvil dont les deux enfants sont vraiment très gentils - j’aime ainsi partir à la découverte d’une vie, lui donner un sens - remettre les choses en place, chercher à remettre la vérité en place, car le monde du cinéma affabule beaucoup - souvent tout n’est fait que de mensonges ou de compromissions, alors il faut creuser, chercher les raisons pour lesquelles tel ou tel évènement ont eut lieu ainsi - en résumé une vraie biographie s’apparente à de l’ethnographie !

 

- Vous confirmez que Gérard Oury s’était lui aussi beaucoup investi dans ce travail ?

- Oury m’a gentiment reçu, chez lui à la rue Norvins comme à Saint-Tropez, il a répondu avec une grande franchise comme l’ont fait Norbert Carbonnaux, Yves Robert, Autant-Lara ou encore Henri Calef dont je possède encore une lettre de dix pages sur ses rapports avec Louis. Pour la préface de mon livre, Oury a eut la gentillesse de réécrire de sa main un de ses textes sur les critiques (dont lui et Fufu avaient eu à souffrir !).

 

- Quelles ont été les critiques à la sortie de ce premier livre sur Louis de Funès ?

- Elles ont été excellentes - même Patrick de Funès qui a pourtant la dent dure envers les fans de Fufu a reconnu « la pertinence et le sérieux du travail » (citation). Toutefois, au passage, il s’est permis de m’égratigner, critiquant ça et là de petites informations pourtant confirmées par Jeanne, sa propre mère, que j’avais interviewé chez elle. Il y a cette fameuse anecdote du boudin servi lors du second mariage de Louis avec Jeanne, confirmée par cette dernière, contesté par lui ! Pour cet ouvrage, j’avais pourtant fait de gros efforts envers cette seconde famille de l’acteur, j’avais fait fabriquer et offert à Jeanne le santon de Louis de Funès dans son costume de gendarme qu’elle a aussitôt adoré (il trône d’ailleurs toujours, je crois, sur sa cheminée). Elle était ravie, elle en avait les larmes aux yeux. Or, quelques années plus tard, Patrick s’est permis d’assigner le créateur de ce santon sous prétexte qu’il n’avait pas eu son autorisation, affirmant qu’il était l’unique titulaire des droits dérivés sur l’image de son père - le plus curieux c’est qu’il n’a jamais pu produire aucun document officiel affirmant ce « droit exclusif » ! Par ses agissements, il a tenté de faire oublier - voire carrément d’effacer - l’existence de Daniel, son frère aîné ! C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle j’ai décidé, vingt ans plus tard, de rédiger ce nouvel ouvrage Louis de Funès l’oscar du cinéma. J’en profite pour sobrement - et sans animosité, rétablir enfin l’équilibre - et surtout la vérité ; désormais, enfin, l’existence de ce frère aîné Daniel de Funès, soigneusement caché depuis toujours, est enfin officialisée !

 

- En 2008, vous publiez « Bourvil-de Funès : Leur grande vadrouille », un ouvrage retraçant les carrières des deux comédiens. Ce travail, que nous estimons décevant, n’apporte rien de neuf à ceux que vous aviez précédemment produits. Quelles furent vos motivations sur ce projet ?

- C’est un entracte professionnel - rien de plus - sans doute bien moins inspiré que mes autres biographies car c’est un travail de « commande », pour la première fois de ma carrière, j’ai du me plier au « carcan » d’une collection basée sur les « couples » historiques du spectacle - il y avait déjà par exemple un Bardot Gainsbourg - c’était Jean Paul Bertrand, encore un ami disparu, qui m’avait donc commandé ce Bourvil -De Funès a présenter comme « le survol d’une dualité », donc une sorte de roman vrai, plus désinvolte, plus léger que mes habituels travaux encyclopédiques, plus pesants… …

 

Jean-Jacques Jelot-Blanc et Daniel de Funès en septembre 2011 (Photo officielle Flammarion - Richard Melloul)

 

- En octobre dernier est paru votre dernier ouvrage, « Louis de Funès, l’Oscar du cinéma », avec la collaboration de Daniel de Funès. Le lecteur constatera que vous souhaitiez rendre justice au premier fils du comédien en le mettant en valeur.

- Oui comme je vous l’ai déjà dit, mon premier objectif était de rendre justice à ce fils injustement effacé par un autre ! De plus, chacun de mes ouvrages a souvent tenté, autant que faire se peut, de rendre hommage à la vie (souvent difficile) de ces comédiens adulés du public, en revanche méprisés par la critique. Louis de Funès a aussi été victime de cette injustice. A l’origine, ce livre, je souhaitais que ce soit Daniel de Funès qui l’écrive, en quelque sorte « la réponse du berger à la bergère » au livre de Patrick de Funès et d’Olivier, moins vindicatif ! Je n’ignore pas, pour avoir fréquenté nombre de fils de vedettes que c’est lourd à porter ! Or, Daniel s’est toujours complu dans l’anonymat et souhaitait y rester ! Comme je ne tenais surtout pas à ce que mon livre tourne au règlement de compte familial, j’ai jugé plus judicieux de livrer une « somme » artistique, sociale et familiale inédite sur l’acteur ; ainsi, au fil des pages, outre ses deux familles, mais découvre aussi tous ses films, on croise tous ses partenaires, ses passions. Lorsqu’en 2010, mon éditeur et agent Laurent Chollet m’a proposé ce beau livre chez Flammarion, je n’ai pas hésité, j’ai même du freiner mes ardeur littéraires car, au final, il a fallu couper plus de 30 pages ; hélas, ces coupes nous privent - et elles auraient raison de m’en vouloir - des témoignages d’Andréa Parisy ou Marthe Mercadier, que j’aurais souhaité mettre plus en avant !

 

- Toujours à propos de la famille de Funès, vous brisez la glace en rapportant des témoignages peu flatteurs à l’encontre de Jeanne de Funès. Vous qui avez questionné des personnes qui ont côtoyé le couple de Funès, comment caractériseriez-vous Madame de Funès et son rôle dans la carrière de l’acteur ?

- Selon moi - et selon l’avis général (des témoignages souvent très durs que je n’ai finalement pas insérés dans ce livre), Jeanne aura été à la fois sa meilleure amie et son pire cauchemar, le feu et l’eau d’une carrière qui, bien qu’exceptionnelle, aurait pu être encore plus riche qu’elle ne l’a été sur le plan strictement artistique ! Par exemple, ce choix de ne tourner qu’avec (le néanmoins sympathique) réalisateur Jean Girault a sans doute pénalisé sa carrière, en dépit de son évidente réussite commerciale. Par exemple, il est regrettable qu’il n’ai pas pu conjuguer son immense talent avec celui d’un grand cinéaste - tel Gabin avec Jean Renoir ou Bardot avec Vadim ! Que sont devenus ses projets, dont un grand film entièrement muet (Dujardin aujourd’hui en a fait une réussite !), une vie du roi Charles X ou encore ce duo envisagé avec un grand acteur américain (il était question de Jerry Lewis !). Sans doute ces projets étaient-il trop risqués - financièrement s’entend - aux yeux de ses proches ! Tout cela a été finalement fort dommageable dans une carrière qui aurait du faire de l’acteur une référence, et non un simple phénomène comique !

 

- Quelle a été la réaction de la famille à le lecture de votre travail ?

- Aucune du côté de cette seconde famille - Jeanne et ses deux fils Patrick et Olivier - ceux-ci semblent respecter mon travail de journaliste et de biographe, ils savent que je ne suis pas un biographe d’occasion, que bien avant d’écrire ces ouvrages, j’ai livré pas mal d’articles sur ses films comme son premier biographe, mon regretté confrère et ami de France Soir Robert Chazal - lui aussi me disait qu’il avait été un peu rejeté par son entourage ! Quant à l’accueil fait au livre par sa première famille, celle de sa femme Germaine et de son fils Daniel, il a été des plus chaleureux, sa femme Chantal et son fils Laurent m’ont beaucoup aidé. A noter que Laurent s’associe dès qu’il le peut à la promotion de l’ouvrage. Hélas, en octobre dernier, la disparition tragique de la première épouse de Louis de Funès, Germaine qui s’est éteinte dans sa 97ème année, a assombri la sortie de ce livre, qu’elle n’a donc pas pu voir…

 

AI

Séance dédicace à Clermont pour Jean-Jacques Jelot-Blanc, Daniel de Funès et son épouse Chantal( Photo exclusive Famille DR)

 

- Comment est né le projet de cet ouvrage ? Est-ce une sollicitation de l’éditeur Flammarion ou votre propre initiative ? Le considérez-vous comme une mise à jour de votre premier livre sur l’acteur ?

- Après le succès de ma biographie sur Marcel Pagnol, les éditions Flammarion souhaitaient un nouveau livre à paraître dans sa collection Pop Culture, de très beaux ouvrages souvenirs sur le cinéma français. Plutôt qu’une « mise à jour », il s’agit là d’une refonte totale, d’une minutieuse relecture d’une incroyable carrière, enfin et surtout d’une visite par l’image, chose que je n’avais jamais abordé, en quelque sorte un complément indispensable à mon premier livre sur Fufu… Ce livre présente des témoignages inédits, notamment de personnes qui se font rares et discrètes.

 

- Quelles sont vos sources pour les propos de la discrète Geneviève Grad par exemple ?

Quarante ans de journalisme, de rencontres et d’interviews laissent des traces - je suis sans doute l’un des rares à avoir pu rencontrer la plupart des témoins de l’histoire de Louis de Funès - aujourd’hui autour de son mythe il ne reste d’ailleurs qu’une poignée de survivants - la plupart sont partis et de nos jours, pour reprendre l’expression de Marcel Pagnol « mon carnet d’adresses est un vrai cimetière » - ceux qui restent, donc Geneviève Grad, demeurent toutes de belles rencontres…

 

- Quel regard portez-vous sur cette génération de personnes attachantes qui disparaît progressivement ? Etes vous nostalgique ?

- Simone Signoret a dit que la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, mais quoi qu’on en dise, elle existe- le fameux « c’était mieux avant » ne cesse de revenir à nos oreilles - on est constamment en plein « revival » - j’aime la nostalgie lorsqu’elle permet la redécouverte de talents méconnus - car à mes yeux - tels fut le cas d’un Louis de Funès, souvent ignoré, traîné dans la boue par les critiques, voire méprisé par l’intelligentsia - pas de montée de marches à Cannes, pas de prix à Venise, Londres ou Berlin. Et pourtant, Louis de Funès est aujourd’hui le seul acteur connu dans le monde entier. Alors oui, je suis un peu nostalgique, mais d’une nostalgie positive, raison pur laquelle j’écris sur ceux que j’aime….

 

- Vous annoncez que « Le Gendarme de Saint-Tropez » a connu un engouement dès le jour de sa sortie (p.39). Toutefois, selon Michel Modo, Richard Balducci ou Raymond Danon, les premiers jours ont été calmes. Posséderiez-vous éventuellement les résultats d’exploitation qui donneraient un élément de réponse ?

- Au-delà des chiffres figurant dans les journaux corporatifs de l’époque comme La Cinématographie française ou Le Technicien du film, je garde personnellement un autre souvenir plus précis de cette sortie. Al’époque, en Province où j’habitais encore, le meilleur ,et surtout le plus authentique baromètre du cinéma, était celui des spectateurs du samedi soir et du dimanche dans les salles. Ainsi, à Aubagne où le film est sorti sur l’écran de L’Edma une semaine à peine après sa sortie nationale à Marseille, le bouche à oreille a été immédiat. A l’image du premier disque de Johnny ou des Beatles ! Je me souviens que les jours suivants de la sortie du Gendarme toute les « séances » étaient pleines, le patron refusait du monde à l’entrée de la salle… Et puis tout est allé très vite. Aujourd’hui, si on analyse le phénomène "Intouchables" à Paris, on a pu constater effectivement que l’accueil des premiers jours a été « tiède » à Paris ! Mais pas en Province ! Avec le recul, on peut comprendre qu’en attente des résultat sur Paris, le scénariste (Richard Balducci) et le producteur (Raymond Danon) ont fait leur observation dans le seul triangle Champs-Elysées - Quartier Latin - Grands boulevards où l’on préférait la Nouvelle Vague ! Si à Paris, la vague tardait à venir, en Province au contraire, les vrais fans de cinéma dont j’étais déjà surfaient déjà sur le phénomène…

 

- Outre les anecdotes de tournage, vous avez aussi été rigoureux dans le choix des illustrations. Aux traditionnelles photos et affiches s’ajoutent des dossiers de presse et des photos de plateau inédites. Etait-ce une condition essentielle pour vous de renouveler l’iconographie sur un thème aussi exploité que le cinéma funésien ?

- Il faut d’abord faire plaisir au lecteur, à l’amateur éclairé et au collectionneur, il faut attiser leur flamme. En cela, les éditions Flammarion n’ont effectivement pas lésiné sur les moyens. Mon texte n’est finalement que le modeste faire-valoir d’un très gros travail d’iconographie.

 

- Quels retours avez-vous sur votre ouvrage qui a beaucoup été médiatisé ?

- Un seul mot : c’est un succès comme j’en ai rarement connu, mis à part mon travail sur Pagnol et…Louis de Funès, il y a vingt ans ! C’est curieux cet engouement renouvelé sur un acteur…

 

- Selon vous, a t-on désormais tout dit et écrit sur de Funès ?

- Je pense sincèrement qu’il existe encore bien des exégètes capables de sortir un Louis de Funès en cuisine (tiens ! ça me rappelle quelque chose !), ou un catalogue de ses affiches de films (il en existerait plus de 3000 !) ou encore une étude très poussée de son signe astrologique et de son œuvre, comme cela vient d’être remarquablement écrit sur Marcel Pagnol ! Croyez-en un forçat - heureux parce que libre dans sa tête - de l’écriture, L’oscar du cinéma est loin d’être le dernier ouvrage sur notre cher Fufu….Avec Laurent de Funès, nous avons l’idée d’une édition originale sur les objets du culte rattaché à l’histoire et à la carrière de son grand-père…

 

- Pour terminer, tournons- nous vers l’avenir. Quels sont vos travaux en préparation ou vos projets ?

- Je m’étais promis que ce 35ème opus serait le dernier…peine perdue pour un accro à la plume - aujourd’hui l’ordinateur - que je suis ! En ces fêtes de Noël 2011 en famille - j’ai deux filles dont l’une rêve de devenir…écrivain - j’ai nombre de projets en développement. Des coups de cœur comme un dictionnaire sur « la famille Pagnol », sur ces acteurs que même les cinéphiles méconnaissent, Rellys, Charpin, Andrex, Poupon, Blavette ou Delmont, l’immortel Papet. Par ailleurs - avec l’accord de la famille d’Yvan Audouard - je suis en train d’écrire une suite à sa Pastorale des santons de Provence. Outre ceux plus traditionnels de nos crèches, savez vous qu’il existe une cinquantaine de santons de personnalités - celui de Louis de Funès dont j’ai déjà parlé - mais aussi Yves Montand, Daniel Auteuil, Bourvil et même Jacques Chirac ! Enfin, je m’occupe d’aider à l’éditions de biographies - dont celle de notre cher Christian Marin. Je développe aussi un Guide des lieux mythiques du cinéma en Provence. En somme, je ne renie ni mes origines, ni mes passions, ni ma famille car tous mes livres tournent autour de ces trois dominantes, étroitement liées…

 

 

ERRATUM du livre "Louis de Funès, l'Oscar du Cinéma"

- p.9 : Légende de la photo - Louis et Germaine non pas "jeunes mariés", mais "jeunes fiancés"
- p.11 : Le 31 juillet 1939, c'est la France qui entre en guerre - l'Espagne aussi
- p.41 : Les souvenirs de Galabru à propos de Louis de Funès dans l'eau boueuse concernent "Le Petit Baigneur" et non "Jo".
- p.43 : le fils de Geneviève Grad est né en 1976, et non en 1993
- p.63 : la photo n'est pas prise sur "Fantômas se déchaîne" mais sur "Fantômas".
- p.73 : le fils de Funès dans "Faites sauter la banque" est Michel Tureau et non Guy Bertil.
- p.88 : (vouvoiement) "mettez" et non "mets".
- p.90 : "La Zizanie" est réalisée après "L'Aile ou la cuisse".
- p.95 : Blier est dirigé par Grangier, et Louis de Funès par Lautner.
- p.108 : Duvaleix et non Duvalleix.
- p.109 : de Funès ne joue pas avec Carmet dans la scène évoquée du "Diable et les 10 commandements". Carmet emporte la valise de Brialy.
- p.103 : La perruque n'est pas celle de "La Grande vadrouille".
- p.112 : Claude Zidi réalisateur en plein tournage de la comédie avec Pierre Richard.
- p.112 : Ce n'est pas "La Grosse Valse" mais "La Valse des Toréadors".
- p.124 : Le biographe de Gabin se prénommait André Brunelin et non Georges.
- p.146 : Ce n'est pas Dany Saval mais Dora Doll en photo.
- p.155 : pièce joué aux Bouffes et non à Hébertot.
- p.164 : Jacques Dynam ne joue pas un touriste mais un bandit de la bande à Max Révol.
- p.183 : Moynot n'apparaît pas dans une scène au cirque mais chez Duchemin lors de la séance photo ( "L'Aile ou la cuisse").
- p.191 : ce n'est pas Maurice Risch
- p.198 : C'est Jean Ozenne en photo, et non d'Orgeix.
- p.208 : Trois autres pièces filmées seront ajoutées à la liste lors de la réimpression
- p.215 : le livre de Leguèbe est sorti en 1983. 2004 est une réédition.
- p.218 : Erreur d'âge pour Olivier, et Daniel est de 6 ans et demi son aîné.
- p.227 : le château est acquis en 1967 et non en 1977.
- p.228 : 1975, et non 1974 - l'année de l'infarctus.
- p.238 : Grand prix du rire 1957 et non 1965 pour "Comme un cheveu sur la soupe".

 

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