Jean-Jacques Jelot-Blanc et Daniel de Funès(Photo officielle Flammarion - Richard Melloul)

 

Jean-Jacques JELOT-BLANC

 

première interview (2011) / deuxième interview (2014)

 

AZERTY Invités au théâtre de Fontainebleau pour la journée « Hommage à Louis de Funès », nous avons retrouvé notre ami Jean-Jacques Jelot-Blanc. Journaliste et biographe bien connu des cinéphiles, il nous avait déjà accordé un entretien pour nous évoquer son livre « Louis de Funès : l'oscar du cinéma » (Flammarion).

AZERTY A la fin de cet événement qu'il a organisé et animé, nous avons pris quelques instants pour bavarder, avec toujours autant de plaisir, de la pièce de théâtre « Oscar », de sa passion pour le cinéma et de son actualité. Il a notamment été question de sa dernière parution consacrée à Jean Gabin. Pour son quarantième livre, l'auteur a fourni un travail important, bien documenté, s'appuyant à la fois sur des documents sources et des témoignages. Voici donc le compte-rendu d'une entrevue fort agréable, marquée par l'intérêt commun que nous portons au cinéma français.

 

Interview de M. Jean-Jacques JELOT-BLANC du 17 mai 2014 par Franck et Jérôme

 

- Jean-Jacques, vous avez organisé cette après-midi consacrée à Louis de Funès et à « Oscar ». Comment est né ce projet ?

- Il s'explique par plusieurs raisons. Tout d'abord, je suis installé à Fontainebleau depuis trente ans, j'y ai fait ma vie, mes enfants et je suis devenu un peu un personnage incontournable de la région, sans avoir ici aucune activité officielle. Je me disais qu'il y avait quelque chose à faire ici car, à l'instar de Cannes, Lyon, Paris ou Nice, Fontainebleau est une capitale des arts, et entre autres du cinéma. De nombreux comédiens ont vécu dans cette ville et, comme je le rappelle dans le livre que j'ai réalisé sur ce sujet [ndlr : « Si Fontainebleau m'était filmé : Hollywood en forêt », Puits fleuri, 2008], pas moins de 500 films ont été tournés, que ce soit au château ou dans les rues. Je pense à « La Marseillaise » de Renoir, mais aussi à des films de Guitry comme « Napoléon ». Cette ville a donc une histoire forte et riche. Et puis lorsque je discutais avec Pierre Mondy, notre ami Christian Marin ou d'autres personnes, ils me disaient « sais-tu que la pièce a été créée chez toi ? ». C'était d'ailleurs une chose amusante d'entendre « chez toi » car je suis originaire d'Aubagne. Au fil des années, j'avais donc collecté quelques recoupements à propos de la création de la pièce à Fontainebleau.Enfin, il y a quelques mois, un archiviste me contacte pour m'annoncer qu'il a découvert des documents intéressants, notamment une photographie prise ici, montrant de Funès en compagnie du maire de l'époque, de Marcel Karsenty et de l’auteur de la pièce Claude Magnier qui habituellement ne tenait guère à se montrer.

 

- Vous décidez alors de mener plus loin les recherches...

- Exactement, et elles confirment que la pièce a bien été montée dans ce théâtre. Marcel Karsenty a monté ses Galas Karsenty le 3 octobre 1959, tandis que la pièce « Oscar » a été montée au théâtre de Fontainebleau du 3 au 5 octobre. Par conséquent, nous avons fait cette manifestation pour célébrer les 55 ans de la pièce, le centième anniversaire de la naissance de Louis de Funès, ainsi que les 40 ans du Crédit Mutuel qui s'est joint à nous et qui a soutenu ce projet.

 

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Programme officiel de la pièce "Oscar" pour les Galas Karsenty (collection F&J)

 

- Vous connaissez les lieux de tournages de la région car vous avez écrit un livre sur ce thème. Pouvez-vous nous rappeler certains lieux de tournages dans ce département de Seine-et-Marne ?

- Il y a bien évidemment la forêt de Fontainebleau vue dans « Fantômas contre Scotland-Yard ». Deux ans plus tôt, des plans ont été tournés à Montereau pour la poursuite finale du premier « Fantômas ». Pour ce même film, des plans de coupe ont également été tournés dans le parc du château de Fontainebleau. Pour « Quai de Grenelle » c'est à la Place de l’Etape que se tient la boutique de Monsieur Vincent (Louis de Funès) qui reçoit (Henri Vidal) venu vendre pour leur précieux venin les vipères capturées dans la proche forêt. A noter que ce jour-là, Michèle Morgan – à l’époque compagne d’Henri Vidal le couple habitait alors Montigny - était présente sur place !

 

- Parlons un peu de votre actualité et de vos projets à venir. Nous avons évoqué sur notre site internet la parution de votre livre sur Gabin...

- Oui, c'est mon quarantième livre publié. J'ai une autre parution à venir en qualité de directeur de collection, au Cherche Midi, qui évoque Raimu. Le livre « Raimu, cet enfant de génie » est signé par la petite fille du comédien Isabelle Nohain-Raimu qui fait ses mémoires et qui marque le premier titre de ma nouvelle collection cinéma Biographie, pensées et répliques.

 

- Après 40 livres parus, vous pensez avoir fait le tour ?

- Oui je crois. Il y a quatre ans, j'ai pris ma retraite comme journaliste pour la presse, et à présent, je prends ma retraite comme auteur de livres. En publiant trois « de Funès », trois « Pagnol » et deux « Bourvil », je pense que j'ai fait le tour de mes passions et je crois que je pourrais finir par lasser les lecteurs. C'est pourquoi je préfère laisser la place aux jeunes, dont vous faites partie, qui travaillent sur d'autres médias comme Internet. Ma fille qui sera journaliste et éditrice également, prendra peut-être la suite.

 

- Vous avez fait trois livres sur De Funès et sur Pagnol, mais c'est votre premier « Gabin ».

- C'est exact. Je connaissais très bien André Brunelin, le précédent biographe de Gabin, aujourd'hui disparu et qui était un copain. Il m'avait dit un jour « s'il y a une biographie sur Gabin à refaire, ce sera sans doute toi qui la fera ». A l'époque, je n'y croyais pas car, même si j'adorais Gabin, ce n'était pas mon univers et je pensais que d'autres étaient plus compétents que moi pour le faire. Néanmoins, le succès du « Pagnol » et du « De Funès » et le petit nom que je me suis fait dans le métier font qu'un jour Flammarion m'a demandé si j'avais un nouveau projet. A cette même époque, mon collègue Gilles Durieux m'a suggéré de faire un « Gabin ». C'est donc ce que j'ai proposé à ma maison d'édition qui a répondu favorablement.

 

- Vous n'avez pas connu Gabin comme Brunelin, votre ouvrage se veut donc plus neutre.

- Oui bien sûr, cela a permis de gagner en neutralité, en détachement. Mon livre a une approche cinématographique, tandis que celui d'André était plutôt filmique. Il s'est beaucoup focalisé sur le cinéma d'avant guerre, sur une quarantaine de films de Gabin, mais il ne s'est pas penché sur des films comme « En Cas de malheur » ou sur ses rapports avec d'autres comédiens comme Louis de Funès, Darry Cowl ou Jean Richard. J'ai aussi rencontré plusieurs personnes qui ont beaucoup travaillé avec Gabin, comme le réalisateur Denys de La Patellière, avec qui j'ai discuté longuement sur les 6 films qu'ils ont faits ensemble.

 

 

- Selon vous, quelles différences et quelles nouveautés apportez-vous dans cet ouvrage, par rapport à celui de Brunelin ?

- Ce n'était pas compliqué de passer après Brunelin car j'ai un style d'écriture différent du sien, proche du roman. Un monsieur est d'ailleurs venu me voir tout à l'heure et m'a dit qu'il avait lu la biographie en deux jours, tandis que celle de Brunelin demande plus de temps. André n'avait pas non plus la même approche que moi. Comme nous le disions à l'instant, il était un proche, un ami, voire un confident pour Gabin. Pour ma part, j'ai plutôt rédigé un survol de la vie de Gabin, où je n'ai rien oublié de toute sa filmographie, de ses amours, ses passions, de ce qu'il avait de noir en lui aussi. J'apporte aussi des informations qui n'ont jamais été dites à propos du comédien. Par exemple, il devait jouer le rôle de Panturle dans « Regain », avec Fernandel. Gabin a contacté Marcel Pagnol pour lui dire qu'il ne pouvait pas jouer ce rôle car il n'avait pas l'accent du sud et c'est son partenaire, ami et voisin Gabriel Gabrio qui a finalement obtenu le rôle. Est-ce lui qui a suggéré Gabrio à Pagnol, rien ne le prouve mais toute le laisse présumer ! L'ouvrage a été relu par des fans de Gabin, notamment un avec lequel j'ai apporté quelques modifications sur des détails.

 

- Il ne resterait donc aucune erreur dans votre travail ?

- A vrai dire, il en reste une, qui n’est d’ailleurs pas de mon fait mais de celui bien involontaire de ma correctrice car elle figure dans l'index ! Mon ami journaliste Philippe Durant est référencé à pas moins de quarante reprises. Or, l'index renvoie surtout à la préposition « durant » que j'ai utilisée pour dire « durant la Seconde guerre mondiale » etc... Lorsqu'il a reçu le livre, Philippe m'a appelé et m'a dit « tu me rends un hommage fou, j'ai bientôt une page rien que pour moi dans ton index ! » (rires).

 

- Puisque vous évoquiez Fernandel, abordez-vous la question de la société de production GAFER qu'il avait fondée avec Gabin et dont les ouvrages spécialisés parlent peu ?

- Je l'ai fait d'autant plus que j'ai participé à la GAFER car j'étais très ami avec Frank Fernandel. Cela m'a permis d'avoir accès à de nombreux contrats et de découvrir que de gros changements ont été apportés sur plusieurs projets. Le lecteur découvre ainsi que « Le jardinier d'Argenteuil » était initialement destiné à Fernandel avant d'être réécrit pour Gabin. Et c'est exactement l'inverse sur « Le voyage à Biarritz » pour lequel Fernandel a finalement obtenu le premier rôle à la place de Gabin. Ce sont des détails qui ne figurent dans aucun travail paru auparavant.

 

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