Patrick PREJEAN

1ère interview - 2ème interview - ses souvenirs sur "Les Cracks"

 

aaaaaaaaaaPatrick Préjean est de ces comédiens que les cinéphiles français aiment pour la gaieté et la sympathie qu'ils dégagent. Et son sourire distinctif renforce le caractère agréable et attachant du personnage. Amoureux du théâtre, passionné par le cinéma, spécialisé dans la voxographie ou encore acteur récurrent de téléfilms, il s'est essayé - et a réussi - dans tous les domaines. Fils d'acteurs célèbres, il s'est pourtant forgé un prénom par ses propres moyens…n'en déplaise aux mauvaises langues. En effet, être le fils d'Albert Préjean ne dispensa pas le comédien d'un long apprentissage du métier, avec des passages obligés par les cours de comédie et le conservatoire. Au total, outre les innombrables pièces de théâtre et les nombreuses séries télévisées, Patrick Préjean a joué dans une quarantaine de films en côtoyant de grands cinéastes (Costa-Gavras, Alex Joffré, Christian Jacque, Claude Chabrol, Serge Korber, Gérard Oury…) et les principales vedettes françaises (Bourvil, Jean-Paul Belmondo, Louis de Funès, Jean Gabin…).

aaaaaaaaaaLes cinéphiles se souviendront notamment de Beau Môme dans " Brigade antigangs ", du soldat belge des Nations Unies dans " Le Cerveau " et bien évidemment du maréchal des logis Perlin dans " Le Gendarme et les gendarmettes ". De plus, depuis plusieurs années, il enchaîne les personnifications de personnages animés tels Tigrou et Gros Minet.

aaaaaaaaaaEn définitive, Patrick Préjean est un artiste complet. En multipliant les rôles sur les planches et devant les caméras depuis quarante-cinq ans, Patrick Préjean a mis à sa disposition une remarquable palette de personnages à différentes facettes. Mais à la vie, il reste toujours disponible, gentil et chaleureux… Un grand merci à lui pour nous avoir raconté sa carrière, en particulier ses souvenirs concernant Louis de Funès et le tournage du " Gendarme et les gendarmettes ".

 

"Cherchez mieux..."

 

Interview de Patrick Préjean du 1er octobre 2008 par Franck et Jérôme

 

- Monsieur Préjean, vous venez d'une famille de comédiens. Nous supposons que c'est ce contexte qui vous a donné cette passion pour la scène et pour le grand écran. Cependant, pourriez-vous nous dire un peu plus précisément comment vous en êtes venu au théâtre et au cinéma ?

- Effectivement, c'est ce contexte qui m'a amené à faire ce métier. J'ai grandi dans un monde où il y avait mille paillettes autour de moi en permanence car mes parents étaient de grands comédiens. L'on surnommait ma mère Lysiane Rey " la plus belle rousse de Paris ". Quant à mon père, les cinéphiles et amateurs de théâtre connaissent bien sa carrière. Je suis donc vraiment tombé dans la marmite. Certains peuvent penser qu'il est plus simple de faire ce métier lorsque ses parents se trouvent déjà dans le milieu, mais c'est faux. Et j'ai surtout fait ce métier parce qu'il m'attirait beaucoup, c'était une impression très profonde en moi. Ce métier me passionnait et, même si mes parents n'avaient pas eu ces carrières, je pense que j'aurais tenté ma chance.

 

- Quelle est donc votre formation ?

- J'ai fait des études que je ne qualifierais pas de " super-brillantes " mais simplement d'honnêtes (rires) ! J'avais vraiment envie d'exercer la profession de comédien et, lorsque mon père m'a dit " vas-y, fonce ", je me suis inscrit aux cours Jean Perimoni à Paris, puis la Rue Blanche et j'ai terminé par le conservatoire. Mon père, qui avait connu un tout autre apprentissage et venait d'un contexte plus populaire, était ravi. Je pense avoir suivi la formation qu'il aurait souhaité avoir. Mais dès l'âge de 13-14 ans, j'avais déjà fait du cirque chez Jean Richard, où je montais à cheval ou faisais des entrées comiques avec la famille Gruss. C'est plus tard quej'ai appris Edmond Rostand et Molière.

 

- Rapidement, au cinéma, vous avez côtoyé les grands. Qu'avez-vous retenu de ces rôles, alors que vous étiez un comédien débutant dans le cinéma ?

- Oui, j'ai fait beaucoup de cinéma dès le début, avec Joffré, Costa-Gavras, Oury, De la Patellière. J'ai tourné avec Gabin dans " Le Tatoué ", et puis avec Bourvil bien sûr, qui était l'un des plus grands acteurs français. Sur l'écran, il était tellement bon dans ses rôles qu'au bout de cinq minutes, il disparaissait derrière son personnage. En quelques instants, ce n'était plus Bourvil que l'on voyait mais juste l'un des personnages principaux du film. Et ça, c'est la marque des très grands acteurs.

 

Patrick Préjean évoque Laurel et Hardy (archives INA)

 

- En parallèle avec vos interprétations au cinéma, vous ne vous éloigniez jamais des planches du théâtre.

- Le théâtre n'a jamais été absent de ma carrière, c'est pour moi une flamme qui ne s'éteint pas. Depuis mes débuts, rares ont été les années où je n'ai pas joué une ou deux pièces. L'enchaînement de pièces théâtrales me permet d'interpréter des rôles très différents. Actuellement, je suis au Palais Royal dans une pièce comique qui se nomme " Un Point c'est tout ", mais l'année passée, je jouais " Quadrille " de Sacha Guitry. Aussi, il y a quelques années, j'ai joué " Cyrano de Bergerac " d'Edmond Rostand, où certains ont été surpris de me voir dans un genre très éloigné du comique.

 

- Nous avons brièvement parlé du " Tatoué " de Denys de la Patellière. Est-ce à cette occasion que vous avez rencontré Louis de Funès ?

- Au commencement de ma carrière, j'avais rencontré Louis de Funès dans une soirée. Il était venu me trouver pour me dire qu'il m'avait trouvé très bon dans " Brigade antigangs " de Bernard Borderie (ndlr : où il jouait Beau Môme, sorti en 1966), ce qui était un honneur. Ainsi, il m'a fait passer plusieurs essais et j'ai obtenu un rôle dans " Le Tatoué ". Par la suite, nous avons travaillé ensemble dans " Le Gendarme et les gendarmettes ". On disait qu'il n'était pas un joyeux drille, mais il fallait surtout bien le connaître pour pouvoir discuter et rire avec lui. Obtenir sa confiance et son amitié demandait du temps et j'ai commencé à bien le connaître lors de son dernier film, peu de temps avant qu'il s'en aille.

 

- L'aviez-vous vu au théâtre à l'époque de " Sans Cérémonie " - la pièce de théâtre devenue " Pouic Pouic " dix ans plus tard au cinéma - où votre père tenait le rôle principal aux côtés de Philippe Nicaud, Claude Gensac, Jean Ozenne etc… ?

- Oui, je l'avais vu au théâtre, mais je n'imaginais pas que, plus tard, il aurait une influence sur ma carrière.

 

Louis de Funès en 1952, à l'époque où il jouait le valet Charles dans la pièce "Sans Cérémonie", aux côtés d'Albert Préjean, Jean Ozenne, Phillipe Nicaud ou encore Claude Gensac. Il devait adapter la pièce onze ans plus tard au cinéma avec "Pouic-Pouic", où il tenait la vedette. Ce cliché provient de l'ouvrage de Roger Pierre intitulé "Mes amis, mes amours" (éditions Alternatives, 2007). Son regretté auteur nous en avait donné l'autorisation de reproduction.

 

- Vous guidait-il un peu lorsque vous aviez une scène commune à tourner ou vous laissait-il parfaitement autonome ?

- J'étais libre dans mon travail mais, bien entendu, il donnait quelques conseils qui étaient très intéressants et bénéfiques. Sur le plateau, il faisait d'ailleurs semblant de menacer : " si vous êtes trop talentueux et qu'on ne voit que vous sur la pellicule, ce sera coupé au montage ", ce qui ne se produisait jamais bien entendu.

 

- Au cours de ces quelques mois de tournage, qu'a-t-il appris à l'acteur expérimenté que vous étiez déjà ?

- Comme beaucoup d'artistes, je me posais beaucoup de questions avant de tourner avec lui. Je l'ai observé et j'ai constaté son extrême rigueur et son professionnalisme dans son travail. Il mettait tout en œuvre pour que tout ce passe dans les meilleures conditions lorsque l'on entendait " moteur ". De Funès reste pour un moi l'un des plus grands comiques mondiaux. Dans " Oscar ", avec Mario David, il me faisait hurler de rire !

 

- En raison de la maladie - puis de la disparition - de Jean Girault, Louis de Funès a-t-il pris la direction des opérations sur le plateau ?

- Non, car Jean Girault nous a quittés à la fin du tournage. Il ne restait que quelques scènes à tourner dans les studios parisiens. Trop peu pour que cet événement remette en cause tout le film, alors c'est Tony Aboyantz, son assistant, qui a pris les rênes pour les derniers jours. Mais tout au long du tournage, Louis de Funès a toujours été là sur le plateau pour discuter et confronter ses idées avec Jean Girault.

 

- Dans ce film, vous vous trouviez en bonne compagnie, il y avait Michel Galabru, Jacques François, Grosso et Modo… Mais il y avait également de très charmantes gendarmettes ! Cela a dû être agréable de tourner avec elles - notamment avec Catherine Serre que vous serrez dans vos bras …

- Serrer de belles filles dans ses bras est l'un des privilèges du métier (rires) ! C'est vrai qu'elles étaient charmantes et, aussi, très sympas. Je peux vous dire que Babeth - qui était alors une célébrité en raison de son mariage avec Johnny Hallyday - était bien moins superficielle qu'on ne l'a affirmé. J'ai revu Catherine Serre, avec qui j'ai travaillé par la suite, mais aussi Nicaise Jean-Louis. Quant à Sophie Michaud, je l'ai retrouvée plusieurs années après pour une audition lorsque l'on montait Cyrano de Bergerac. C'était drôle pour elle de se trouver face à Cyrano, qui avait été antérieurement gendarme à Saint-Tropez ! Quant à Jacques François, que vous avez évoqué, j'entretenais avec lui des rapports formidables, c'était un grand monsieur.

 

Patrick Préjean dans une scène avec la charmante Catherine Serre et Louis de Funès. "T'as de beaux yeux, tu sais ?"

 

- Les gens vous évoquent encore beaucoup le rôle du maréchal des logis Perlin aujourd'hui ?

- Bien sûr, énormément car les Gendarmes font aujourd'hui partie intégrante du patrimoine culturel comique français. C'est incroyable de constater que des millions de téléspectateurs restent fidèles à chaque diffusion. La série plait à toutes les générations et ceci grâce au talent et à l'immortalité de Louis de Funès. Mais ce rôle a été particulier pour moi car collaborer à ce film fut un véritable rêve. Il représentait une façon de tourner qui, aujourd'hui, se pratique de moins en moins. Et puis nous nous trouvions à Saint-Tropez, où nous mangions bien (rires) ! Cela me rappelle d'ailleurs une anecdote. Pendant le tournage, je louais un petit appartement sur le port, avec ma femme. Ma fille, qui devait avoir trois ou quatre ans, était présente également. Un soir, alors que j'avais invité l'équipe du film à boire une coupe de champagne sur le port, je propose à mes hôtes de voir l'appartement car il offrait une belle vue sur Saint-Tropez et la mer. En redescendant à nos coupes de champagne que nous avions laissées un instant, je trouve ma fille dans un drôle d'état. En vidant le fond de deux coupes, elle venait de prendre la première cuite de sa vie (rires) !

 

- Il y a un gendarme avec qui vous avez dû sympathiser, c'est Maurice Risch, car vous vous êtes retrouvés en 2003 dans " Quel Cinéma " au Palais Royal.

- Ah oui, je connais très bien Maurice. Nous nous sommes encore appelés cette semaine. Il y a une grande complicité entre nous car Maurice est un garçon passionnant et chaleureux. Et puis il faut dire que nos carrières se sont un peu construites parallèlement. Nous avons été en cours ensemble, nous nous sommes retrouvés au conservatoire et nous avons joué quatre ou cinq pièces ensemble, ainsi que trois ou quatre films.

 

- Depuis 1965 avec " Quelle famille " et " Seule à Paris ", vous avez joué dans un nombre important de séries télévisées.

- Effectivement, j'ai joué dans de nombreuses séries TV, dans des téléfilms. L'an dernier, j'ai joué dans un épisode de " Femmes de loi " qui a connu un grand succès en totalisant huit millions de téléspectateurs. J'incarnais un personnage au premier abord sympathique, mais à la fin du film, on apprenait que c'était moi le coupable ! J'avais donc un rôle à contre-emploi parfait car, avec mon style, personne ne s'attendait à ce que ce soit moi le meurtrier. A présent, je joue un peu moins au cinéma, mais je reçois encore de bonnes critiques. Je me souviens d'un article, écrit il y a quelques années, qui portait comme titre " Le Préjean nouveau est arrivé ", ce qui est très agréable et encourageant à lire.

 

- En humanisant des animaux tels que Tigrou ou le chat Sylvestre, l'on découvre que la voxographie est une autre discipline dans laquelle vous excellez. Quels bénéfices et quels enseignements vous apporte ce travail ?

- Il m'a apporté la disponibilité, c'est-à-dire que le doublage me demande un travail à réaliser très vite et très bien. Il faut rapidement que je saisisse l'humour du personnage pour le faire vivre comme il se doit. Mais il faut aussi garder l'envie de s'amuser en le faisant, ce qui n'est pas toujours incompatible.

 

Derrière Tigrou (coll. APM) et Gros Minet (coll. S.Durant) se cache la voix de Patrick Préjean

 

- Le théâtre, le cinéma, la télévision et la voxographie font finalement de vous un artiste complet. C'est important pour vous d'évoluer dans différents styles en travaillant dans plusieurs branches ?

- Complètement, car une activité dans une branche permet toujours de faire évoluer une autre branche. Dans ce métier, on apprend sans cesse, que ce soit les choses à faire ou celles à ne plus faire. Toutes ces activités forment un mélange très intéressant pour un comédien. Ce phénomène de diversification commence d'ailleurs à être reconnu et adopté en France, alors que l'on a longtemps eu tendance à cataloguer une personne dans une unique discipline.

 

 

Patrick Préjean et la synchronisation : ses plus célèbres doublages.

 

- Outre les dessins animés, vous avez aussi doublé plusieurs films, dont " Les Blues Brothers " en 1980.

- Ah oui, ce fut un très bon moment. Je me souviens avoir doublé la chanson " Every needs somebody to love ". Je chantais en français sur la bande-son originale et je reconnais que je me suis vraiment éclaté. Et puis je doublais l'un des personnages principaux avec Jacques Dynam, que je connaissais très bien depuis longtemps. Il venait du cirque Gruss lui aussi et nous nous étions rencontrés à cette occasion, lorsque j'étais gamin. Nous étions devenus très vite amis, Jacques était un formidable acteur.

 

Les excellents Dan Aykroyd et John Belushi, les Blues Brothers respectivement doublés par les non moins bons Patrick Préjean et Jacques Dynam.

 

- Depuis le 9 septembre, vous jouez au Palais Royal une pièce qui s'intitule " Un Point, c'est tout ", écrite et mise en scène par Laurent Baffie. Pouvez-vous nous parler un peu de cette comédie - écrite autour du permis de conduire à points - et de votre rôle ?

- " Un Point c'est tout " est la troisième pièce de théâtre écrite par Laurent Baffie. Elle se compose de chroniques sociales et met en évidence des problèmes de notre temps. Je joue un instructeur au permis de conduire et rencontre différents élèves, tels un travelo du bois de Boulogne, un chauffeur routier très branché CGT, un motard, un rappeur, une femme du monde très intello… en somme un peu tout ce qui forme notre société. Laurent a écrit cette pièce avec deux buts. Le premier est évidemment de faire passer une bonne soirée au public, qui se gondole. Mais il tient également à faire passer un message. Laurent a aussi écrit cette pièce parce qu'il a perdu un être cher dans un accident de voiture. Et son but est de sensibiliser les gens sur le respect au volant. Pour éviter les drames et ne causer la mort de personnes ou de les transformer en légumes, il faut cesser les conneries et adopter une éthique respectueuse.

 

- C'est aussi l'occasion pour vous de jouer avec de nouvelles générations de comédiens…

- Oui c'est agréable et ça fait du bien. Et c'est aussi pour cela que Laurent Baffie m'a voulu dans sa pièce car j'aime partager mon métier avec de nouveaux talents. Par exemple, Bruno Solo m'a récemment contacté pour monter une nouvelle pièce théâtrale.

 

- Pour terminer, nous aimerions avoir votre confirmation sur une incertitude. Amateurs de bandes dessinées, nous pensons que Morris vous a caricaturé dans " Le Bandit Manchot ", une aventure de son héros Lucky Luke.

- Oui c'est moi (rires) ! C'est mon ami Laurent Gerra qui me l'a appris il y a deux ou trois ans, je l'ignorais. Croyez bien que je me suis empressé de l'acheter pour constater cela. C'est d'ailleurs amusant de souligner que je donne la réplique à Louis de Funès dans la B.D.

- Il nous reste à vous remercier bien chaleureusement pour votre gentillesse et à vous souhaiter un grand succès avec cette nouvelle pièce...

"Un Point c'est tout" de Laurent Baffie - Théâtre du Palais Royal - Rue Montpensier - 75 001 Paris

 

Le maréchal des logis Perlin défile sur le port de Saint-Tropez. La célèbre brigade s'accorde un dernier tour d'honneur...

 

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