Patrick PREJEAN sur le film "Les Cracks"

(Alex Joffé, tourné en 1967)

1ère interview - 2ème interview - ses souvenirs sur "Les Cracks"

 

aaaaaaaaaaIl est un tournage dont Patrick Préjean garde un souvenir ému : en 1967 pour son troisième film, l'acteur rencontre l'un de ses "maitres", André Bourvil, sur le tournage des "Cracks". Précision d'ailleurs, Patrick avait déjà eu l'occasion de le croiser quelques années auparavant : "Je devais avoir trois ou quatre ans, c'était à l'Alhambra, à Bruxelles, où ma maman jouait une opérette avec Bourvil qui s'appelait "Le Maradjah". J'étais en vacances pour les fêtes de Noël et elle m'avait emmené avec elle dans sa loge un dimanche après midi. Durant l'entracte, je me suis échappé de la loge tandis qu'elle se maquillait. Je me suis retrouvé dans un univers magnifique. Tout d'un coup, l'un des murs noirs s'est levé et je me suis retrouvé inondé de lumière. Je m'étais égaré sur le plateau et personne ne m'avait vu. J'étais en scène pour la première fois de ma vie. Bourvil est entré en scène et a dit : "Excusez le c'est le fils de ma partenaire" et ce fût mon premier triomphe au théâtre. !"

aaaaaaaaaaL'histoire du film est simple : Jules Duroc, inventeur de son métier, vient de mettre au point une bicyclette qu'il prétend être révolutionnaire - et qui l'est véritablement - avec son pédalier fixe. Celle-ci devrait sans difficulté permettre à son beau frère de remporter la course Paris - San Remo. Problème : la fabrication et les essais ont coûté si chers qu'il se retrouve endetté. Débarque alors un huissier pour opérer une saisie de biens, dont le fameux vélo, destinée à épurer sa dette. Afin de lui échapper Jules n'a d'autres choix que de prendre part à la course afin de prouver aux yeux du monde que son vélo est une invention géniale et que sa victoire, bien malgré lui, lui permettra de rembourser les sommes dues.

aaaaaaaaaaLe fameux beau frère est interprété par Patrick Préjean, acteur fraîchement sorti des planches et qui débute une véritable composition cinématographique. "A l'époque des Cracks, j'étais un jeune comédien qui vivait ses premiers films comme on vit un rêve. C'était le premier film dans lequel j'avais un rôle participatif à l'histoire et ce du début à la fin alors que dans les autres il s'agissait plus de participations accidentelles (rires)."

 

 

aaaaaaaaaaFace à Bourvil, partagé entre respect et admiration, le jeune Patrick prend énormément à lui donner la réplique : "Bourvil avait cette faculté exceptionnelle de jouer tout en étant le personnage. C'est-à-dire qu'on n'avait jamais l'impression qu'il jouait. Bourvil existait, c'est un de mes exemples, un des grands acteurs qui m'a donné envie de faire ce métier comme mon père Albert Préjean ou Daniel Sorano. C'est-ce qui faisait le mieux dans notre métier : quelqu'un de drôle, bouleversant qui pouvait passer d'un style à un autre le temps de claquer dans ses doigts. Il savait transmettre toutes les émotions. J'étais très touché de jouer à ses côtés et c'était réciproque car il jouait avec le fils d'une ancienne partenaire et connaissait mon ambition et mes envies. Tout s'est fait très simplement dans un environnement aussi communicatif que son rire."

aaaaaaaaaaLe film est à la fois burlesque et raconte une tranche de vie importante du début du XXème siècle : l'attrait de la population pour les courses à grand spectacle et notamment les compétitions de vélo. Alex Joffé pense immédiatement à Bourvil pour le personnage de Duroc dont la personnalité il est vrai colle parfaitement aux compositions de l'acteur. Un détail important vient témoigner de la qualité du film : le réalisateur s'entoure d'auteurs ayant déjà travaillé avec Bourvil. En effet, Gabriel Arout a participé au film "Les Hussards" tandis que la "patte" de Pierre Lévy Corti imprègne pleinement "Les Culottes Rouges" et "La Grosse Caisse".

aaaaaaaaaa"Bourvil et Joffé étaient très amis au début du film et après les choses se sont un peu détériorées à cause du dépassement sur le plan de travail initial, Les choses se sont un peu assombries à cause de tous ces problèmes. En revanche, nous les jeunes, nous étions ravis puisque nous touchions des cachets supplémentaires chaque semaine."

aaaaaaaaaaSur une musique de bonne facture de Georges Delerue, mais certainement pas la meilleure, le film est une véritable épreuve physique pour ses participants qui doivent affronter des scènes parfois douloureuses pour le corps. Passant de l'Ardèche à la région de Valence puis notamment par le chemin de fer du Vivarais, les péripéties de l'inventeur ne sont pas de tout repos et exigent de Bourvil une exigence sportive assez éprouvante. La chaleur de cet été 1967 n'arrangeant rien… Patrick Préjean se souvient d'ailleurs : "Le film ne méritait pas d'être un cycliste forcément accompli mais il fallait quand même en avoir dans les jarrets ! Nous grimpions les cols avec des vélos d'époque, sans dérailleur…il fallait s'accrocher ! Nous passions notre temps sur les vélos à parier l'apéritif sur 300 mètres !"

 

 

aaaaaaaaaaSur le plateau, l'ambiance est au beau fixe, Bourvil se montrant comme à son habitude particulièrement chaleureux avec les techniciens et ses collègues acteurs et l'équipe au complet s'amuse beaucoup : "Robert Hirsch est un des plus grands comédiens qui m'a beaucoup fait rire sur le plateau, très charmant et amical. Il nous parlait avec humour et avec beaucoup de recul et en nous confiant un grand nombre d'anecdotes ! Il nous racontait ses prestations à la Comédie Française, très établi dans une certaine prétention et une bourgeoisie qu'il s'amusait à tourner en ridicule. C'était un compère toujours joyeux qui allait très loin dans la plaisanterie. Les gens en étaient parfois gênés face à ses blagues d'enfants. Il y avait une joyeuse bande de rigolos avec Monique Tarbès et même Teddy Bilis qui était un de mes professeurs. C'était étrange de lui donner la réplique et face à lui j'ai parfois eu du mal à aller au bout de moi-même. Le tournage a été une folie totale. Il a duré deux mois et nous avions une cantine merveilleuse dirigée par Henriette, j'avais la même d'ailleurs sur le plateau des Gendarmes. Comme nous faisions du vélo toute la journée elle préparait des plats et nous disaient "allez mes petits bons hommes, prenez des forces".

aaaaaaaaaaDivers aléas auront toutefois raison du plan de travail initial qui débordera de près de cinq semaines. Parmi les incidents de plateau, la chute de Bourvil, tombé de bicyclette suite à une collision avec le triporteur de Monique Tarbès, le laissera souffrant durant chaque prise de vue et révèlera la maladie dont il est hélas atteint et que peu soupçonnaient : un dérivé d'une forme de cancer. Digne, l'acteur n'en montrera rien afin de n'inquiéter personne et continuera à être le même ! "J'étais présent sur le plateau le jour de son accident et bien évidemment on était loin de penser l'issue fatale qui allait être la sienne. Est-ce vraiment l'accident qui a déclenché ça ? On l'a dit mais on n'en est pas certain. Bourvil avait une force incroyable qui lui a permis de continuer à jouer. Il a dépassé la douleur."

aaaaaaaaaaA la sortie en salle, plus de deux millions de personnes viendront applaudir les facéties du tandem Hirsch- Bourvil. Véritable succès pour Joffé, le réalisateur signait là son dernier film et part donc sur des lauriers. Bourvil tournera encore huit films avant de décéder des suites de sa maladie en septembre 1970.

 


DVD Les Cracks - Bonus Entretien avec Patrick Préjean - (CAT Productions) février 2007
Entretien avec Patrick Préjean, Autour de Louis de Funès, octobre 2008

 

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