Les Gens du cinéma

 

Edmond RICHARD

 

AAAAA Chef opérateur bien connu du cinéma français, Edmond Richard a travaillé à plusieurs reprises avec des cinéastes de renom tels Orson Welles et Luis Buñuel, mais aussi Marcel Carné ("La Merveilleuse Visite"), Henri Verneuil ("Mayrig "), René Clément ("La Course du lièvre à travers les champs") et bien entendu Jean-Pierre Mocky dont leur collaboration totalise une vingtaine de films. Au cours de sa carrière, il photographie les plus grands acteurs dont Anthony Perkins, Romy Schneider, Catherine Deneuve, Claudia Cardinale, Jeanne Moreau, Michel Serrault et enfin Louis de Funès sur "L'Avare" et "La Soupe aux choux" de Jean Girault.

AAAAA Il a aussi œuvré sur " Les Misérables " de Robert Hossein, dont le tournage épique a duré quatre mois entre Paris, Bordeaux et Sarlat. A cette occasion, il côtoie Lino Ventura qu'il considère comme "un être charmant". Le grand comédien se trouve incontestablement dans un rôle de composition. Lui qui n'aimait pas les costumes d'époque, il interpréta Jean Valjean et accepta d'être maquillé pour la première fois de sa carrière sur ce film !

AAAAA A l'évidence, Edmond Richard pourrait s'enorgueillir des 80 films qu'il a faits comme directeur de la photographie ou conseiller technique couleur, à une époque cruciale où le cinéma adoptait progressivement la couleur (au détriment du noir et blanc) et abandonnait l'analogique pour le numérique. Pourtant, lorsqu'il établit un rapide bilan sur sa carrière qu'il juge "sans encombre", il ne manifeste aucune fierté. Au mieux un agrément d'avoir œuvré consciencieusement et satisfait les metteurs en scène.

AAAAA Ainsi, c'est un homme simple, passionnant et attachant que nous avons rencontré dans un café près de chez lui. Ancien pilote d'essai, bon joueur d'échecs et polyglotte (il maîtrise les langues anglaise, italienne, espagnole et serbo-croate), Edmond Richard s'est confié de bonne grâce en répondant à nos nombreuses questions. Ce sont les souvenirs d'un homme délicieux qui vous sont ici retransmis. Un grand merci à lui pour cette rencontre des plus agréables…

AAAAA Rappel : Le chef opérateur, également appelé directeur de la photographie, est le responsable technique des prises de vues et de la qualité artistique de l'image. Sur un plateau ou en extérieurs, il prépare l'éclairage afin de restituer les tons et les couleurs selon les attentes du réalisateur. Il doit ainsi coordonner les efforts de trois équipes : caméra, machinerie et lumière/éclairage.

 

Edmond Richard reçoit en 2010 le Prix Henri Langlois (catégorie "Arts et Techniques du Cinéma") à Vincennes
(collection ville de Vincennes)

 

 

Interview de M. Edmond Richard du 27 octobre 2011 pour Autour de Louis de Funès

 

- M. Richard, vous êtes un directeur de la photographie bien connu dans le monde du cinéma, vos premiers emplois dans l'aéronautique laissent pourtant à penser que vous n'étiez pas destiné au cinéma.

- En effet, j'étais ingénieur dans l'aéronautique. Au début de l'année 1948, j'avais voulu poursuivre avec une licence d'aérodynamique mais je venais de me marier et je cherchais un emploi dans la mécanique des fluides [ndlr : l'étude du comportement des liquides et des gaz]. J'ai alors appris qu'un poste d'ingénieur était à pourvoir dans les Établissements André Debrie qui construisaient du matériel cinématographique. La maison était située au 111 de la rue Saint-Maur. Je téléphonai et tombai directement sur André Debrie qui me convoqua à son bureau. Lors de notre entretien, il apprit que je venais de l'aéronautique et me demanda mes intentions, ce à quoi je répondis "je n'en ai pas, je suis à votre disposition". Très naturellement, il enchaîna "eh bien demain matin vous êtes là". Debrie me présenta son gendre, un ancien pilote d'avion qui entrait dans l'entreprise et que je devais former. " Considérez que vous êtes ici chez vous, me dit Debrie, avant d'ajouter : avec mon gendre vous allez à présent monter le laboratoire de recherches."

 

- A cette époque, les films sont encore majoritairement tournés en noir et blanc mais la couleur fait son apparition…

- Oui, les films en couleur étaient tournés avec Technicolor. Ce procédé comprenait un matériel lourd et imposant. Les caméras entraînaient simultanément trois bandes noir et blanc, l'une étant sensible au rouge, l'autre au vert et la dernière au bleu. J'avais des connaissances dans le domaine de la couleur après avoir travaillé avec un ingénieur de Kodak. Ainsi, j'envisageai de créer une seule bande couleur et, avec son gendre, nous avons entrepris des recherches pour confectionner une mono-bande couleur. A la demande de Debrie pour une importante manifestation, j'ai également conçu un appareil dont les développeuses étaient plus petites et développaient à temps réel à 25 images par seconde. Mais ce fut compliqué car un développement à temps réel entraînait une hausse de température à 60° de l'appareil. Si le régulateur de la caméra pouvait supporter cette température, il n'en était pas de même pour la pellicule qui risquait de fondre. Par conséquent nous avons tanné la pellicule au chrome pour qu'elle puisse supporter la chaleur. Avec le gendre de Debrie, pendant trois mois, nous avons imaginé et construit le prototype. Le jour de la manifestation, Debrie donnait à une conférence sur le cinéma au Gaumont Palace [ndlr : un ancien cinéma qui se trouvait rue Caulaincourt dans le 18e arrondissement] puis devait se rendre au Madeleine [8e arrondissement] pour assister à une projection de "Dieu a besoin des hommes" de Jean Delannoy. Il lui fallut une vingtaine de minutes pour effectuer le déplacement, en grande pompe, dans une voiture escortée par des motards. Nous avons tout filmé avec notre caméra à développement à temps réel et, lorsqu'il est entré au Madeleine devant une nuée de journalistes, Debrie a pu se voir sur l'écran prononçant son discours au Gaumont Palace. Il en a été époustouflé !

 


collection cinergie.be

 

- Parlez-nous de la célèbre caméra Caméflex…

- Je l'ai conçue avec André Coutant, que j'avais rencontré chez Debrie et qui voulait équiper des avions Spitfire de caméras. J'avais été pilote d'essai et j'avais déjà fait pas mal d'acrobaties sur des biplans, aussi connaissais-je bien l'aviation. Et je savais cette performance nécessitait de solutionner le problème de l'automatisme du chargement de la caméra. Il fallait que les magasins puissent être interchangés très rapidement. Nous y sommes parvenus et nous avons créé la Caméflex.

 

- Elle s'est vendue dans le monde entier et fut très utilisée par les réalisateurs de la Nouvelle Vague, Lelouch, mais aussi Jacques Tati, Abel Gance…

- Oui le nombre de Caméflex qui a été fabriqué est inimaginable. Je n'aurais jamais pensé qu'elle rencontre un pareil succès.

 

- Outre son utilisation plus simple, qu'avait-elle de radicalement nouveau ?

- Sur un plateau, l'équipe lumière disposait d'appareils qui mesuraient les quantités de lumière incidente et de lumière réfléchie. Ils permettaient donc de calculer les bonnes valeurs de lumière nécessaire pour faire une belle photographie. Mais ces appareils étaient assez encombrants et, par conséquent, j'avais eu l'idée d'inclure dans la Caméflex une microcellule capable de mesurer ces quantités de lumière. Ainsi, j'ai fait construire des pastilles de verre de 5mm de diamètre dans une fabrique de Saint-Gobain. On me disait que c'était une folie complète et que ça ne marcherait jamais, mais je suis parvenu à fabriquer la Caméflex équipée d'une microcellule dans son boîtier annexe. On posait son œil sur la lentille et on voyait la cellule qui mesurait les valeurs mini-maxi de la pellicule à l'aide d'un galvanomètre. Une fois les valeurs calculées, il ne restait plus qu'à fermer les diaphragmes.

 

- Ressentez-vous une certaine fierté lorsque vous constatez le succès de votre caméra ?

- Non car j'étais un ingénieur qui faisait son travail et qui cherchait à inventer. La recherche puis la conception de la Caméflex me paraissait donc normale. J'étais simplement content et satisfait que des réalisateurs l'utilisent.

 

Orson Welles manipulant une caméra Eclair Cameflex CM3

 

- Est-ce la Caméflex qui vous a amené à rencontrer Orson Welles ?

- Oui, Orson Welles avait acheté trois Caméflex et désirait voir l'inventeur de la caméra. Lors de notre rencontre à l'hôtel Meurice où il était descendu, il m'annonça qu'il était à la recherche d'un grand local pour tourner son prochain film, "Le Procès". Un peu plus tard, par téléphone, il me confia : "c'est curieux car lorsque je regarde par la fenêtre, j'ai l'impression de voir deux lunes, du moins de grands cercles illuminés, jusqu'à l'heure mystique." Je lui répondis : "votre hôtel se trouve Place de la Concorde et ce que vous voyez en face de vous sont les grandes horloges de la Gare d'Orsay." Il ne la connaissait pas et je lui précisai qu'elle était désaffectée.

 

- Naturellement, votre précision lui donna l'envie de la visiter…

- Exactement. Il me dit : "Je vous invite à déjeuner, on parlera de la gare". A cette époque, Welles pesait 135 kilos et moi tout juste la moitié. Il était un bonhomme étonnant à table. Lorsque nous nous sommes installés pour manger, je me suis retourné un instant et, en me replaçant, j'ai constaté qu'il avait déjà fini son assiette ! Je me retourne une seconde fois… et il vide la mienne ! J'ai commandé un autre plat en lui faisant promettre de ne pas toucher à mon assiette. Finalement, on se donna rendez-vous au lendemain matin pour entrer dans la gare. Comme l'ancienne gare était fermée, nous sommes entrés par derrière en empruntant un escalier de l'hôtel d'Orsay puis les sous-sols de la gare. Lorsque nous sommes arrivés dans le grand hall, le soleil pénétrait dans la gare à contre jour. Welles s'est émerveillé et courut comme une gazelle, malgré ses 135 kilos, en s'exclamant "great ! great !". Il venait de choisir un lieu de tournage pour son film "Le Procès"…

 

- Quelles étaient vos relations avec lui ?

- Orson m'appelait "Richard" et ne s'enquiquinait pas d'un "Monsieur". Il disait toutefois que j'étais son "hidalgo" car je descends d'une famille espagnole.

 

- Pouvez-vous nous parler du tournage des extérieurs pour "Le Procès" ?

- Les champs avaient été tournés dans la gare d'Orsay. Il fallait à présent trouver un hall adéquat pour tourner les contrechamps. J'ai persuadé Orson d'aller les tourner à Zagreb, en Yougoslavie [actuelle Croatie], un pays que je connaissais bien car j'avais monté le cinéma yougoslave quelques temps auparavant. A cette occasion, j'avais d'ailleurs rencontré les chefs d'état Tito et Staline.

 

- Dans les années 1970, vous travaillez sur les derniers films du surréaliste Luis Buñuel, alors considéré comme le plus grand des cinéastes espagnols, qui a travaillé à Hollywood, à Madrid, à Mexico.

- (émerveillé) ah Don Luis - c'est ainsi que nous l'appelions - était un personnage époustouflant. Tous les jours, il instaurait une pause "casse-croûte" pour toute l'équipe à dix heures. Ainsi, nous avions droit au thé et au café, nous mangions du saucisson et du fromage. Une autre pause avait lieu vers cinq heures. Cet homme était d'une politesse et d'une courtoisie extrêmes. Il s'occupait de tout le monde sur le plateau. Si l'enfant d'un technicien était malade, il venait prendre des nouvelles. Les attentions qu'il nous portait m'ont marquées. A sept heures moins une, il fermait son scénario, le rangeait dans sa serviette et, très poliment, nous saluait : "bonsoir Messieurs".

 

Luis Buñuel sur un plateau de tournage en 1970.

 

- Comment travailliez-vous avec lui ?

- Buñuel parlait doucement et je ne comprenais pas toujours ce qu'il disait. Aussi avais-je quelqu'un qui capturait le son avec une perche pour saisir ses chuchotements. Un jour il me demanda : "comment sais-tu ce que je viens de dire ?" Je lui répondis : "regardes au dessus" et il vit le type qui était chargé du son, haut perché, dont il n'avait jamais remarqué la présence.

 

- Le tutoiement laisse à croire que vous avez entretenu avec lui d'excellentes relations…

- Oui, nous nous sommes bien entendu et j'ai apprécié sa personnalité. Je ne crois pas avoir rencontré quelqu'un d'autre d'aussi courtois et bien intentionné que lui. J'ai fait trois films avec lui et son "homme de paille" Jean-Claude Carrière, qui a travaillé sur les scénarii. Le premier fut "Le Charme discret de la bourgeoisie" avec Stéphane Audran. Le suivant a été "Le Fantôme de la liberté" et enfin "Cet obscur objet du désir", le dernier film de Buñuel. Aujourd'hui, ce qui me reste de cette collaboration avec Buñuel, c'est plus que des bons souvenirs.

 

- En 1979, vous changez encore d'univers en travaillant dans des comédies signées Jean Girault, avec Louis de Funès et…

- (interrompant) cet homme était une merveille…

 

- Comment êtes-vous arrivé sur le tournage de "L'avare" ?

- Difficile à dire, je ne m'en rappelle plus très bien. Si mes souvenirs sont exacts, j'avais travaillé auparavant avec Jean-Pierre Mocky sur un film qui s'appelait "Litan, les voleurs de visages" avec Marie-José Nat. Il me semble que "L'Avare" est le film qui a suivi.

 

- Connaissiez-vous déjà Louis de Funès personnellement ?

- Non je ne l'avais jamais rencontré auparavant.

 

- Vous nous avez appris que vous descendez de la noblesse espagnole, ce qui vous fait un point commun avec de Funès. Avez-vous bavardé à ce sujet avec lui ?

- Oui une fois, mais nous ne nous sommes pas étendus là-dessus.

 

- Devons-nous en conclure que vos rapports étaient très professionnels ?

- (convaincu) Ah oui Louis était très professionnel ! Mais cela ne l'empêchait pas d'être adorable. J'ai rarement vu un acteur aussi poli et convivial. Nous avions une passion commune : le jardinage. Lorsque je me suis rendu chez lui, il m'a offert des fleurs pour que je les plante dans mon jardin. Il s'agissait de tulipes et, depuis, je pense à lui à chaque fois que j'en achète.

 

- La réalisation du film est co-signée Jean Girault - Louis de Funès. Pouvez-vous nous dire comment les deux hommes dirigeaient sur le plateau ? Comment travaillaient-ils ensemble ?

- Sur le plateau, De Funès a tout fait en ce qui concerne la mise en scène ! Girault lui donnait carte blanche. Au niveau de la technique, Girault nous faisait confiance tout en supervisant mais, honnêtement, il se reposait pas mal car il était déjà fatigué. Il était bon technicien et je me souviens qu'il a fait des découpages merveilleux. De Funès était acteur avant tout, il n'avait pas une technique solide mais était doté d'un vrai sens du rythme.

 

Tournage de "L'Avare" dans les studios de Boulogne-Billancourt. Louis de Funès et le réalisateur Jean Girault.

 

- La mise en scène de "L'Avare" était un projet que de Funès avait gardé en lui pendant 20 ans. Avait-il des exigences toutes particulières ?

- Oui c'est exact, il a longtemps porté ce projet. Malgré tout, il n'était pas tendu ou anxieux sur le plateau. Il me demandait de travailler la lumière pour lui donner des yeux bleus. Il ne s'agissait d'ailleurs que d'une impression car ses yeux n'étaient pas d'un naturel bleu. Je me souviens qu'il était aussi attentif au son, qu'il demandait souvent à écouter après une prise.

 

- Par conséquent, l'ambiance était au beau fixe…

- Oui, il s'entendait bien avec tous les comédiens, ceux de la Comédie Française et aussi ses proches comme Michel Galabru ou Claude Gensac. C'est lui qui se chargeait de la distribution car il avait "du flair".

 

- Sa femme était-elle présente ?

- Non je ne la voyais jamais sur le plateau mais elle venait le chercher à la fin de la journée.

 

- Vous souvenez-vous s'il a eu parfois des difficultés à jouer une scène ?

- Aucune pour autant que je me souvienne, pas même sur du Molière. Les tournages de "L'Avare" et de "La Soupe aux choux" se sont déroulés sans encombre. Je n'ai d'ailleurs jamais ressenti une angoisse ou une tension chez de Funès lorsqu'il était sur le plateau. Il se tenait prêt, à proximité, et attendait que nous achevions les derniers préparatifs pour se mettre en place. Lorsqu'il s'apprêtait à jouer, il connaissait son texte par cœur et, comme il avait peaufiné son jeu à l'avance, il ne laissait pas place à l'improvisation.

 

- Vous faisiez donc peu de prises ?

- Très peu, il en est d'ailleurs toujours ainsi avec les bons réalisateurs et les bons acteurs. A vrai dire, c'était même souvent même la première prise qui était la bonne ! Nous tournions une deuxième prise, mais c'était "la roue de secours" au cas où il arrive quelque chose à la première lors de son développement au laboratoire. Nous avons dû très rarement arriver à trois prises.

 

- Pouvez-vous nous parler du développement de la pellicule ? D'autant plus que vous êtes spécialiste de la couleur…

- Il était assuré aux studios Eclair, où je connaissais le talonneur Bruno Patin qui exerçait avec beaucoup de talent [ndlr : l'étalonnage consiste à doser les quantités du rouge, du vert et du bleu qui vont se trouver sur la pellicule négative].

 

- Vous avez tourné beaucoup en studio, mais aussi quelques extérieurs à Senlis dans des rues étroites et dans l'église, en hiver lorsque la luminosité n'est pas toujours excellente. Avez-vous été confronté à des difficultés ?

- Non, pour pallier à cette contrainte, il s'agissait de faire des émulsions. Dans l'église par exemple, j'ai dû énormément pousser la sensibilité. Vous savez, pour que l'image soit bonne, il faut mesurer la lumière naturelle puis apporter la bonne quantité de lumière artificielle avec des spots et des réflecteurs. Je n'ai jamais connu de sérieux problèmes techniques au cours de ma carrière.

 

- Manifestement satisfaits de votre travail, de Funès et Girault font de nouveau appel à vous pour "La Soupe aux Choux" d'après le roman de René Fallet. Quel souvenir conservez-vous de ce film ?

- Je revois de Funès s'amusant avec Jean Carmet ou Villeret qui était un personnage extraordinaire. Je me rappelle que nous avions construits les maisons en extérieurs. [Nous bavardons un instant sur les lieux de tournages en extérieurs à Bombon et à Champeaux (77) et nous lui apprenons, à son grand étonnement, que les ruines du village existent toujours.]

 

- Les effets spéciaux de "La Soupe aux choux" ont-ils posé problème ?

- Non, pas que je me souvienne. C'est Guy Delécluse qui avait conçu les maquettes de la soucoupe.

 

- Sur combien de semaines se déroulaient le tournage de ces films ?

- Je dirais dix à douze semaines environ.

 

Louis de Funès sur le tournage de "La Soupe aux choux" en 1981.

 

- Avec le recul, parmi les 80 films qui jalonnent votre carrière, comment considérez-vous ces deux films ?

- J'en garde un très bon souvenir, d'autant plus qu'il s'agissait de films qui marchaient bien à l'époque et qui ont marqué les consciences. D'ailleurs, ils passent encore à la télévision et il arrive qu'on me demande de les évoquer dans des festivals auxquels je participe.

 

- Le metteur en scène avec lequel vous travaillez le plus reste Jean-Pierre Mocky. Comment caractérisez-vous cet artiste à la fois acteur, scénariste, metteur en scène, chef-monteur ?

- Oui cet homme fait tout sur un film. Il commence toujours tôt ses journées pour les repérages. Y compris le restaurant de midi car Mocky a vite compris qu'une équipe qui a le ventre plein est une équipe qui travaille. Comme chez Bunuel, l'équipe fait donc des pauses casse-croûte chez Mocky.

 

- Combien de films avez-vous fait avec lui ?

- J'ai beaucoup travaillé avec lui, notre collaboration doit porter à plus de vingt films. Depuis "Latan", il y en a eu tant, comme "A mort l'arbitre", "Robin des Mers" ou "Le Furet". Mocky est fidèle avec son équipe technique, comme il l'a été avec des comédiens tels Attal et Zardi.

 

- Et comment réagissez-vous face à ses célèbres coups de gueule ?

- C'est du cinéma car, en réalité, Mocky n'est pas chien ou méchant. Entre lui et moi il y a eu plusieurs coups de gueule mais c'était plus un jeu qu'une sérieuse dispute. Cependant, je me rappelle du tournage en Bretagne de "La Candide Madame Duff", où je l'ai vraiment engueulé. Nous tournions en bord de mer, la préparation technique prenait du temps et, comme le temps menaçait, Mocky s'impatientait. Il gueulait et a laissé l'actrice Alexandra Stewart sous la pluie. Ce fut une horreur !

 

- Vous ne travaillez plus avec lui aujourd'hui ?

- Non mais il a gardé mon cadreur et mon assistant. Nous sommes toujours en contact, par téléphone. Et je l'ai récemment revu, à l'occasion d'une pub qu'il a tournée près de chez moi, puis au Festival du Cinéma de Patrimoine de Vincennes [ndlr : où ils ont tous les deux reçu un prix Henri Langlois pour l'ensemble de leurs carrières respectives]. J'ai bien aimé le revoir dans le cadre de ce festival car, dans ce type de manifestation, il vient les mains dans les poches, parle librement et peut aussi improviser car il a une mémoire d'éléphant !

- Un grand merci à vous, cher Monsieur Richard, pour les souvenirs que vous venez de partager avec nous !

 


Tournage difficile de "La Candide Madame Duff" à Fermanville, près de Cherbourg.

 

dernière modification de la page : 15 mars 2017

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