Michèle Frascoli

Première partie / Deuxième partie

 

AAAAZZC'est avec sa gaieté habituelle que Michèle Frascoli nous a entretenu de son livre qui vient de paraître aux éditions Premedit. Nous avions déjà évoqué avec elle les grandes lignes de sa carrière lorsque nous avions réalisé notre dossier sur « La Grosse Valse ». Aujourd'hui, dans « Une éclipse sous un autre soleil », Michèle Frascoli nous livre un récit plaisant où s'entrecroisent allègrement ses souvenirs personnels et professionnels, de ses premières répétitions comme « petit rat » à l'Opéra de Paris aux spectacles sur les scènes américaines, en passant par le Gaumont Palace et les planches du Théâtre des Variétés.

AAAAZZCe recueil truffé d'anecdotes, c'est un retour sur les « tribulations d'une star du music-hall » vécues en compagnie des plus grands. En coulisses ou en représentations, elle retrouve Duke Ellington, Jean-Marie Rivière, Antoine, Federico Fellini ou encore Louis de Funès. Mais c'est avant tout le parcours atypique d'une petite fille qui rêvait de devenir archéologue et qui, devenue femme, a embrassé une carrière diversifiée, mélangeant théâtre, music-hall, cabaret et cinéma.

Un ouvrage écrit avec humour, autodérision et sincérité...

 

 

Interview de Mme Michèle Frascoli du 28 février 2014 par Franck et Jérôme

 

- Vous publiez vos mémoires, quelle est la genèse de ce livre ? Comment est né ce projet ?

- C'est une série de petites circonstances. Il y a quelques années, j'ai vu un reportage à la télévision sur l'alcazar. Dans les années 1970, c'était un cabaret réputé un endroit branché ou se côtoyaient les plus grandes vedettes de l'époque, le tout Paris y venaient. Pour moi qui ai vécu les débuts de l'Alcazar ce reportage très incomplet sonnait faux, j'ai alors pensé qu'a l'occasion des 40 ans de cet établissement, Patrick Sébastien pourrait créer un événement car il est un homme de spectacle qui aiment les artisans du spectacle. Mais avant de le contacter il me fallait écrire ma version.

 

- Et vous vous êtes tournée vers l'écriture de vos souvenirs à l'Alcazar ?

- Non pas tout de suite Je n'aime pas écrire – je déteste même (rires). J'ai un temps pensé les raconter à un écrivain qui pouvait ensuite les rédiger. Ce projet n'a pas abouti. Mais il y a eu une deuxième petite circonstance, je rencontre (complètement par hasard) Mireille Nègre qui a fait l'école de danse de l’Opéra en même temps que moi... Mireille, première danseuse, a quitté l'Opéra et est rentrée au couvent, elle en sortira dix ans plus tard. Elle a depuis publié plusieurs livres. J'ai pensé que nous pourrions écrire quelque chose ensemble sur nos parcours opposés à la sortie de l'école, elle est entrée dans les ordres et moi dans le désordre (rires). Mais Mireille était déjà sur un autre projet et je suis restée sur ma faim. Je n'aime pas l'écriture, mais j'aime me lancer des défis, j'ai donc commencé à écrire.

 

- Cette nouvelle étape a donc été pour vous le moyen de vous lancer un nouveau défi...

- Exactement, j'en ai toujours eu besoin dans ma carrière et dans ma vie, pour agrandir mon cercle de compétences. Si une belle occasion se présente, je la saisis même si je n'ai pas forcément le talent au départ. Ce qui m'intéresse, c'est l'aventure qui s'ouvre à moi, cette possibilité de découvrir et d'apprendre. Quand nous avons enregistré l'album chez RCA avec David et nos amis musiciens, je jouais de la basse. Or, je m’étais mise à la basse très peu de temps auparavant ! De même lorsque mon mari et moi avons décidé de parcourir les mers pendant 3 ans,nous n'avions jamais navigué et nous avons appris.

 

- Votre livre raconte votre parcours à l'Alcazar, mais pas uniquement, il évoque ce que nous pourrions appeler « l'avant Alcazar ». Pourquoi ce choix ?

- J'ai entrepris l'écriture de mes souvenirs à l'Alcazar mais j'ai rapidement compris que je n'y arriverais pas si je ne commençais pas par le commencement. Une amie m'avait aussi demandé pourquoi j'étais devenue danseuse, ce qui est une question qu'on ne me pose pas habituellement. Alors j'ai commencé à écrire sur mes débuts lorsque je voulais devenir archéologue, ce qui n'était pas conforme pour les femmes de ma génération, et pourquoi de ce fait je suis devenue « petit rat ».

 

- L'objectif était notamment de rappeler vos débuts à l'opéra...

- Oui, car quand je suis entrée à l'opéra, j'ai eu l'impression d'avoir découvert  « ma planète » c'était à la fois magique et mystérieux, mais après cinq années, cinq classes, j'étais aussi cinq centimètres trop grande et j'ai été renvoyée. J'ai alors pris des cours de chant, de comédie, d'acrobatie et même d'accordéon car j'envisageais de me monter un numéro de cabaret. A cette époque bien que très jeune, je me suis présentée à André Pousse qui était alors directeur artistique du Moulin rouge. Il m'a renvoyé chez ma mère car le cabaret n'était pas recommandé à cet âge-là (rires) !

 

- Vous avez revu André Pousse par la suite ?

- Oui des années plus tard, je menais la revue aux Folies Bergères il est très gentiment venu me saluer dans ma loge après le spectacle.

 

- Quand vous êtes renvoyée de l'Opéra, vous doutez ?

- Oui, le statut d'intermittent du spectacle n'existait pas à cette époque, il était très difficile de vivre en tant qu'artiste. Sur le moment j'ai été déçue car j'étais très attachée à l'opéra et a sa quête de l'absolu mais j'ai finalement apprécié de faire autre chose que la danse classique. J'ai aimé prendre des cours de chant, de comédie et d'acrobatie.

 

- Après l'expérience de « La Grosse valse » évoquée lors de notre premier entretien, vous êtes partie à Las Vegas.

- Oui j'ai été fascinée par le désert qui entourait Las Vegas. Il y avait déjà le strip, ce grand boulevard avec ses très grands hôtels, et cette espèce de downtown on ne peut plus rocambolesque, ajoutez quelques rues perpendiculaires et très vite on se retrouvait dans le désert... c'était grandiose ! J'y suis retournée il y a quelques années, la ville a tellement empiété sur le désert qu'il faut à présent faire des kilomètres pour l'apercevoir, je trouve que ça a perdu de son charme.

 

- Vous vous êtes retrouvée aux Etats-Unis alors que vous étiez encore très jeune...

- Oui j'avais 18 ans et j'y suis restée deux ans, dans le livre je raconte les choses drôles et moins drôles qui se sont passées là-bas. Je raconte aussi mon retour en France et une anecdote hilarante sur Fellini. J'avais rencontré à Paris un agent de cinéma qui m'avait pris en amitié, il envoyait des photos de moi à son homologue italien, j'ai été convoqué par ce dernier pour venir faire des essais à Rome pour un film de Dino de Laurentis. A l’aéroport j'ai été accueillie par un agent de la firme, le signor Basile, ce personnage m'a tout suite fait penser à Louis de Funès, il avait presque la même taille et surtout les mêmes mimiques, la même exagération, j'étais morte de rire. Il promettait de me présenter à tout les plus grands metteurs en scènes d'Italie, à une condition : « signorina Frascoli vous êtes française et si vous venez à Rome ce n'est pas pour faire un petit rôle ». Le jour « J », nous apprenons par Dino de Laurentis que son caméra man est malade et que les essais sont ajournés. En sortant de son bureau, un homme debout dans le couloir appelle mon Bazile mon agent se confond alors en courbettes et révérences, puis reviens me voir en me disant «  c'est le maestro, le signor Fellini il veut vous voir il veut vous voir tout de suite ». Fellini était à cette époque un très grand metteur en scène, des comédiens du monde entier rêvaient de tourner avec lui. Mais j'avais 21 ans, j'étais jeune et obéissante ! Je revenais tout juste de deux années passées aux états unis et honnêtement « Fellini » ça ne me disait pas grand chose, je ne le connaissais que de nom, même si j'avais vu son film « La Strada ». Il nous invite dans son bureau, me parle gentiment en français et m'apprend qu'il prépare un film. Il me dit «  Michèle, je viens d'avoir l'idée d'un rôle pour vous, mais pour être tout à fait honnête, je dois vous informer que ce sera sûrement un petit rôle... » N'ayant en tête que les recommandations de Basile, je refusais tout petit rôle et je déclinais sa proposition. Bazile était décomposé, je venais de refuser un rôle - même petit - à Fellini. J'ai rapidement compris que je venais de faire comme une gourde une énorme bourde (rires)

 

- Après l'expérience de « La Grosse valse », une carrière au théâtre vous aurait-t-elle tentée ? Car Christian Leguillochet est devenu comédien après cette pièce.

- Oui bien sûr, mais ça a été dur pour Christian, il a eu du courage de persévérer. Bien sûr, il y a eu « La Grosse Valse » et le film d'Yves Ciampi « Le Ciel sur la tête », mais les choses n'ont pas été simples pour lui jusqu'à ce qu'il monte le Lucernaire. Nous sommes restés amis jusqu'à sa disparition. Peu avant qu'il nous quitte, il était même question d'un spectacle ensemble.

 

Michèle Frascoli et Jean-Marie Rivière, animateur de L'Alcazar à Paris.

 

- Quel bilan dressez-vous de votre première expérience cinématographique lors d'un tournage sous la direction de Claude Autant-Lara ?

- En réalité je n'ai pas tourné avec Autant-Lara, j'ai simplement fait des essais pour son film qui s'appelait « Vive Henri IV, vive l'amour ». C'était une scène d'amour, lorsque Henri IV déclare sa flamme à Charlotte de Montmorency. J'étais paniquée, je n'avais même pas 15 ans et le comédien en face de moi s'était grimé, il portait un faux nez busqué, horrible, et je dois dire que je n'étais pas attirée du tout ! (rires). Nous jouons la scène puis Autant-Lara dresse un bilan, il me dit : « pour l'émotion c'était très bien, mais par contre pour la séduction...» Il n'avait pas été convaincu (rires). Ce qui est drôle, c'est que mon père m'avait accompagnée aux studios de Boulogne et m'attendait dehors, dans le jardin. J'attendais mon tour à l’intérieur avec l'habilleuse et la maquilleuse, il y avait aussi d'autres jeunes filles de l'opéra qui faisaient également les essais ce jour là telles que Genevieve Grad et Danielle Gaubert, qui a finalement obtenu le rôle. Entre deux essais, je regarde par la fenêtre et j'aperçois mon père assis à côté de Claude Autant-Lara. Les deux hommes sont en train de discuter. Je suis bien évidemment surprise. Lorsque je sors des studios, j'en parle à mon père qui me répond qu'il a discuté pendant un bon moment « avec le jardinier » ! Il lui avait dit : « ma fille fait des essais à l'intérieur, ça commence à être long » etc... Je lui apprends alors que son jardinier était en fait le metteur en scène ! (rires) Mais c'est vrai qu'Autant-Lara était un homme très simple, avec sa petite casquette vissée sur la tête.

 

- Vous avez eu des petits rôles par la suite ?

- Oui, un peu plus tard, j'ai participé aux menuets tournés dans des films comme « La Princesse de Clèves » ou « Cartouche ».

 

- On apprend dans votre livre que la presse vous a prêté une liaison avec Antoine. D'une façon générale, comment avez-vous vécu les critiques, en particulier lorsque les critiques n'étaient pas très bonnes ou lorsqu'ils étaient infondés ?

- Elles ne me gênaient pas trop lorsqu'elles me visaient, mais lorsqu'elles étaient adressées à mes amis, j'étais furieuse. Concernant la prétendue liaison avec Antoine, c'était un histoire romancée imaginée par la presse pour faire venir le public au spectacle et vendre des journaux. Les journalistes avaient même demandé l'accord d'Antoine et le mien par le biais des attachés de presse avant de monter cette histoire ! (rires).

 

- Le livre est également agrémenté de quelques savoureuses formules d'esprit, comme « L'humilité, ce n'est pas se faire plus petit ! Mais c'est de rendre les autres plus grands ». Et les hommes sont-ils réellement « menteurs, cruels et infidèles » comme vous le prétendez ?

- (rires) J'ai même ajouté « c'est vrai » entre parenthèses. Non tous les hommes ne le sont pas mais en général il y en a pas mal (rires) Je n'ai fait que de traduire les paroles de la chanson de Marylin Monroe « Diamonds are girls best friends » ce qui pour moi est « faux » entre parenthèses.

 

- On ne sent aucune animosité dans votre livre.

- Non, le but n'était pas de régler des comptes, il y a des psychiatres pour ça (rires). Je voulais raconter avec un peu d'humour, sans trop me prendre au sérieux, des choses qui me sont arrivées. Je me suis mise dans la peau d'un lecteur et je ne voulais pas ressortir triste ou ennuyée à la relecture du livre. J'adore lire, en particulier les livres qui ont du rythme, qui peuvent être drôles. Donc le livre ne devait pas être emmerdant.

 

- On ne sent pas spécialement de vives amertumes non plus...

- C'est à dire que je ne tenais ni à faire pleurer dans les chaumières ni à insister sur ce point. Avec le recul, j'ai tout de même tendance à me rappeler les bons souvenirs plutôt que les mauvais. Je ne peux pas dire que j'ai beaucoup d'amertume personnelle car, même si j'aurais pu faire une plus grande carrière, j'ai eu tout de même eu de la chance et les choses n'ont pas trop mal marché pour moi. J'ai raté de belles opportunités mais j'ai toujours travaillé. Je crois que j'ai fait ce que je savais faire, j'étais une artisane du spectacle, pas « people ». Après le spectacle, je rentrais chez moi, je n'allais pas chez Castel ou chez Régine comme de nombreux collègues. J'ai eu tort pour ma carrière d'ailleurs, car c'est dans ce genre d'endroits que les rencontres se font. J'aurais probablement dû plus sortir mais ce n'était pas ma nature.

 

- Quelles est votre principale satisfaction professionnelle ?

- D'avoir pu toucher à plusieurs genres et d'avoir voyagé. Mon livre s'arrête alors que j'ai 28 ans, mais j'ai voyagé encore pendant vingt ans après.

 

- Effectivement, votre livre évoque le début de votre carrière, dans les années 1960, il est prévu de lire la suite un jour ?

- Je l'ignore. Mais à l'origine, je voulais vraiment évoquer les music-halls, le Moulin Rouge, l'Alcazar, les Folies Bergères, c'est désormais chose faite.

 

Pour commander le livre, le site de la maison d'édition : ICI

Première partie : Interview sur ses souvenirs sur "La Grosse valse" et sa carrière : ICI

Le site internet de Michèle Frascoli : ICI

 

Merci à Mme Frascoli, propos recueillis pour Autour de Louis de Funès, reproduction interdite

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