Bernard LAVALETTE

1ère partie - 2ème partie

 

AAAA Un grand merci tout d'abord à Bernard Lavalette d'avoir pris le temps de répondre très gentiment à nos questions, malgré le récent décès d'une de ses plus proches collaboratrices... Il est un homme exceptionnel, qui n'a pas été qu'acteur. Certes il eut le plaisir de travailler avec Louis de Funès sur "La Belle Américaine" (1961) et "Le Gendarme se Marie" (1968) mais - grand ami de Georges Brassens - il écrivit des chansons, connut de grands écrivains... C'est enfin un grand homme de théâtre. On le retrouve dans de nombreuses pièces télévisées, notamment dans le cadre de la célèbre émission "Au théâtre ce soir", telles que "Le Complexe de Philémon", "Le Sac" ou encore "Je Reviendrai comme un voleur". Nous sommes heureux de publier l'entrevue avec cet homme d'une grande simplicité et d'une immense gentillesse qui a participé très activement à la rédaction de cette interview.

 

A

Avec Dominique Davray et Louis de Funès dans "Le Gendarme se marie" de Jean Girault (1968).

 

Interview de Bernard Lavalette du 3 février 2007 par Franck et Jérôme

 

- M. Lavalette, comment avez vous débuté au cinéma ?

- J'ai d'abord fait du théâtre et du cabaret avant de faire du cinéma. Mon premier film date de 1957, il s'agit de "Sans famille" avec Brasseur. J'ai rencontré le metteur en scène et il m'a fait tourner. Après, il y a eu "La Belle Américaine" en 1961.

 

- Pouvez vous nous parler de ce film ?

- J'étais au lycée avec Pierre Tchernia, et notre amitié dure depuis plus de soixante ans. C'est lui qui a eu l'idée de "La Belle Américaine", donc il a travaillé avec Robert Dhéry, et le film est crédité à Dhéry mais il ne faut pas oublier que Tchernia a collaboré ! D'ailleurs quand Robert était à l'image, c'est Pierre qui était derrière la caméra ! Le succès de "La Belle Américaine" lui a donné cette étiquette de réalisateur. Les préparatifs du film étaient presque achevés et le rôle du ministre devait être pour Jean Poiret car il y avait Michel Serrault. Il fallait donc reconstituer le duo mais il tournait dans un autre film et il a eu des dépassements ce qui fait qu'il a dû abandonner le projet. Tchernia a donc pensé à moi pour ce rôle de ministre. C'est comme ça que j'ai discuté avec Robert Dhéry qui m'a dit de penser à Chaban Delmas pour jouer ce rôle, c'est à dire de jouer un ministre un peu mondain, un peu snob. J'ai tourné pendant 14 jours et il y a même une scène qui a été coupée, ce qui est dommage car elle était très amusante mais bon le film faisait déjà plus de 90 minutes. L'anecdote est que je jouais au même moment au théâtre du Châtellet dans une opérette qui s'appellait "L'Auberge du cheval blanc" et j'ai donc tourné "La Belle Américaine" pendant mes vacances de théâtre ! Il y a eu des jours de relâche au théâtre et la production m'a demandé d'aller présenter le film dans plusieurs villes dont Angoulême, et Bordeaux au cinéma "Le Français". Dans la salle, tout le monde était là sauf Chaban Delmas qui était à Paris sur le perchoir de l'Assemblée Nationale. Il y a donc une interview de Robert Dhéry par une journaliste puis de Pierre Tchernia et aussi de.... je ne me rappelle plus son nom... il a beaucoup participé aux dialogues...

 

- Alfred Adam ?

- Voila c'est ça, bravo ! Donc interview aussi d'Alfred Adam et enfin vient mon tour, la journaliste me demande "Et vous, Bernard Lavalette, comment avez vous conçu ce personnage ?". Je lui ai répondu que je n'avais rien conçu du tout et que j'avais suivi des conseils de Robert Dhéry qui m'avait dit de jouer un ministre aux allures un peu mondaine comme Chaban Delmas. Il y a eu un silence puis la salle a éclatée de rire ! A la fin du film, le générique était construit avec nos photos qui défilaient, et lorsque la mienne est apparue, la salle a applaudi et j'ai dit "Les Bordelais m'ont pardonné" (rires) ! Le film a d'ailleurs été diffusé il y a peu de temps et dans la rue, les gens m'appellent parfois encore M. le ministre. Mais tenez, pour vous donner quelques chiffres, "La Belle Américaine" a fait 600 000 entrées ce qui pour l'époque était énorme !

 

- Ah oui, gros succès donc !

- Oh immense succès ! Le film a fait 2ème du point de vue entrées derrière un film avec Brigitte Bardot. Les Français ont vu que l'on pouvait rire et ne pas rire bêtement car à cette époque il y avait quand même de sacrés nanards !

 

 

Bernard Lavalette dans "La Belle Américaine" (source : www.autourdelouisdefunes.fr)

 

- Et quelle distribution dans ce film !

-Tous ces gens venaient du cabaret : Roger Pierre, Jean Marc Thibault, Michel Serrault, Jean Richard. Le producteur a refusé à Robert Dhéry la couleur sous prétexte que ce film avait un aspect trop "cabaret" et que ça ne marcherait donc pas. Et pourtant, tous les soirs, quand on visionnait les rushes, les techniciens étaient écroulés de rire ! Alors Robert Dhéry a exigé que la dernière scène soit tournée en couleur, c'est la scène qui se passe sur le champ de courses. Depuis tout le film a été colorisé, et ce n'est pas trop mal. Vous savez, parfois la colorisation est horrible, mais tout de même la scène en couleur est quand même légèrement différente que celle d'origine !

 

- Pouvez vous nous raconter vos souvenirs du "Gendarme se Marie" ?

-Je suis allé au Théâtre des Variétés voir un spectacle de Robert Dhéry avec Louis de Funès. Je suis venu féliciter ce dernier après la représentation et il m'a dit "J'aimerais bien que l'on travaille ensemble", ce que j'ai trouvé vraiment gentil ! J'ai donc fait ce rôle, où je suis professeur de danse, mais je ne savais pas danser, je l'ai dit au metteur en scène, qui était Jean Girault, et il m'a répondu "mais ça ne fait rien"... effectivement quand je revois la scène aujourd'hui, j'ai un peu honte (rires) !

 

- Et vous aviez comme partenaire Dominique Davray !

- Exactement !

 

- Et par la suite Mario David fait irruption déguisé en femme !

- (Rires) Tout à fait !

 

- Quelle était l'ambiance sur le plateau ?

- Je ne peux pas dire énormément de choses, vous savez. Louis s'enfermait dans sa loge et venait quand il devait tourner. C'était un inquiet, un perfectionniste. Il préparait ses gags, tout était réglé dans sa tête, dans ses jambes, dans son corps, comme une excellente mécanique. C'était génial mais je n'ai pas tourné suffisamment longtemps avec lui pour pouvoir en dire plus !

 

- Et en dehors du plateau, vous étiez en relation avec lui ?

- Non, jamais. Au cinéma, j'ai tourné dans une dizaine de films dont "Le Viager" mais j'ai fait plus de théâtre !

 

- Justement au théâtre, quelque chose m'a surpris, vous ne jouez presque que des rôles de personnages mondains et nobles ?

- Eh oui, là aussi c'est "La Belle Américaine" qui me colle à la peau. On m'a collé une étiquette de personnalité un peu mondaine comme ce ministre ! J'ai eu des rôles de sénateurs, de maires...(rires) Mais je n'ai pas fait que ça quand même (rires) !

 

A

Rober Dhéry, Bernard Lavalette, Louis de Funès et Bernard Dhéran dans "La Belle Américaine" de Robert Dhéry et Pierre Tchernia (1961).

 

- Pouvez vous me parler du jeu de Louis de Funès ? Improvisait-il beaucoup ?

- A mon avis non ! Il proposait souvent, à froid, avant une scène. Il travaillait beaucoup ses rôles, il voyait des choses que les auteurs ne voyaient pas! Mais je n'ai pas le souvenir de changements de textes. Peut-être que d'autres acteurs comme Michel Galabru vous diront sûrement le contraire mais moi je n'ai pas le souvenir d'une improvisation pendant le tournage.

 

- Vous étes vous inspiré de tous les gens que vous avez côtoyés ?

- Non, tous ces gens là étaient des copains à moi. On a travaillé au cabaret ensemble ! J'avais un numéro au piano avec Brassens, j'ai fait trois fois le tour de France avec lui.

 

- Etiez vous souvent en relation avec la troupe des Branquignols ?

- Non, je télephonais à Colette de temps à autres pour avoir des nouvelles de Robert qui était malade.

 

- Parlons de votre carrière : satisfait ?

- Vous savez, il y a toujours des rôles que l'on aurait aimé jouer ! Si j'avais pu, j'aurais joué Figaro, on me l'a proposé d'ailleurs mais cela demandait un an de travail, donc j'ai dit "non" mais ça aurait été génial ! Je n'ai que des bons souvenirs, évidemment j'ai joué dans certaines pièces de théâtre qui n'ont duré que trente représentations mais quand on a fait du cabaret, on est habitués (rires) !

 

- Etes-vous encore en relation avec des artistes tels que Christian Marin ou Pierre Mondy ?

- Christian Marin oui, je viens d'ailleurs de lui écrire un hommage et Pierre Mondy, on s'est retrouvés tous les deux car j'ai joué dans une pièce anglaise au théatre de la Madeleine avec lui, on s'apprécie beaucoup mais on ne se voit pas assez souvent (rires) !

 

 

 

Les Mémoires de Bernard Lavalette présentées par Olivier Barrot (source : www.ina.fr

 

 

- Quelles sont les pièces de théâtre dont vous vous souvenez avec plaisir ?

- "Quarantes Carats" de Buillet et Grédy (730 représentations)

- "L'Amour fou", d'André Roussin (330 représentations)

- "Protée" de Paul Claudel

- "Le Saut du lit" de Marcel Mithois (400 représentations )

- "La Menteuse", avec Sabine Paturel (400 représentations)

- "L'Instruction" de Peter Weiss

- "Le Rapport dont vous êtes l'objet" de Vaclav Havel

- " Ta bouche", de Maurice Yvain (220 représentations)

- "L'Auberge du cheval blanc" (450 représentations)

- enfin, j'ai publié un livre de mémoires : "Et à part ça, qu'est ce que vous faîtes ?" (Ed. de Fallès)

 

 

Bernard Lavalette présenté par Geoges de Caunes en 1982 (source : www.ina.fr)

 

 

Marie Gillain dans l'excellent film "L'Enfer" de Danis Tanovìc (2004). Derrière elle se trouve une affiche de "La Libellule" d'Aldo Adelaï, une pièce jouée en 1975 au Théâtre des Nouveautés. Le spectateur constatera que le nom de Bernard Lavalette apparaît.

 

2ème INTERVIEW : ICI

 

Page créée le 9 mai 2007, mises à jour les 27 décembre 2007, 22 novembre 2010 et 25 avril 2012.

Haut de Page / Retour au sommaire des Interviews / Retour au Sommaire principal