Yves AFONSO

Comédien dans "L'Aile ou la cuisse"

 

AAAAA Lors de l'hommage rendu à Louis de Funès au théâtre de Fontainebleau en mai 2014, nous avons revu le comédien Yves Afonso, qui a tourné avec Louis de Funès dans « L'Aile ou la cuisse », réalisé par Claude Zidi en 1976. Après la projection du film « Oscar », nous avons échangé à propos de Louis de Funès – bien entendu, car les affiches de film qui se trouvaient près de notre table rappelaient à qui la journée était consacrée – mais nous avons aussi bavardé sur sa profession, la vision qu'il porte sur son métier, la Nouvelle vague, les films qu'il aime voir ou revoir, les comédiens qui l'ont marqué et inspiré. Bref, le programme était varié et vous trouverez ci-après un entretien qui parle un peu de tout (mais pas de rien). Merci à lui pour cette interview agréable.

 

1ère partie / 2è partie (interview au festival Louis de Funès, mai 2014)

 

Interview de M. Yves Afonso du 17 mai 2014 par Franck et Jérôme

 

- Monsieur Afonso, vous participez aujourd'hui à une projection du film « Oscar », réalisé en 1967. Quelle a été votre impression en voyant ou en revoyant Louis de Funès sur grand écran, plus de trente ans après sa mort ?

- Cela a été extraordinaire. J'ai revu ce film cet après-midi et j'ai été encore plus étonné que la première fois que je l'ai vu. Je reste fasciné par ce qu'il fait, c'est prodigieux d'énergie, de vérité, de folie et, après tant d'années de métier, j'ai regardé ce film comme un débutant. C'est ça qui est formidable avec les grands acteurs, on a toujours l'impression de les redécouvrir et on est surpris à chaque fois. C'est ce que je ressens aussi lorsque je revois les films avec Michel Simon ou Raimu en DVD. En voyant de nombreuses scènes, je me dis « mais c'est pas possible, comment font-ils ça ? » Et en plus, ça n'a pas pris une ride car ils jouent vrai, leur jeu est sans mode. Dans vingt ans ou plus, on pourra repasser leurs films, on observera toujours cette même vérité dans leur jeu.

 

- Hormis des comédiens comme Michel Simon et Raimu, qu'est ce qui vous a donné envie de devenir acteur ? Vous avez été fasciné par la Nouvelle Vague ?

- Fasciné ? Non. Mais c'est la Nouvelle vague qui m'a donné envie de faire ce métier car j'ai trouvé que c'était un cinéma très neuf, avec des acteurs comme Brialy ou Belmondo que je trouvais très bons et que j'adorais. Je me suis dit que je pouvais jouer un peu comme eux, alors que c'était pas possible de faire comme Raimu ou Michel Simon.

 

- Vous étiez au-dessus de ce clivage entre le cinéma dit « populaire » et la Nouvelle Vague...

- Oui mais Godard a fait des films grand public avec Belmondo comme « A Bout de souffle ». Pareil pour les films avec Bardot, qui étaient populaires, d'ailleurs le public a répondu présent. « Populaire », ça veut dire quoi ? Peu importe l'histoire du film, l'objectif est que le public le comprenne y trouve son compte. Chaque film réalisé espère attirer beaucoup de spectateurs en salle, mais il n'y a pas la recette, sans quoi tout le monde ferait la même. Qu'importent les étiquettes qu'on colle aux films, pour moi le cinéma est fait pour aimer et rêver.

 

- Selon vous, le monde du cinéma a-t-il changé ?

- Complètement, en vingt ans il s'est transformé, je dirais même qu'il est fini, il n'y a plus de cinéma français ni de cinéma tout court, même aux Etats-Unis ou en Angleterre. Pourtant il n'y a pas si longtemps encore, les Anglais et les Américains ont fait de vrais chefs d'œuvre comme « Elephant man », « Les Chariots de feu » ou « Les Virtuoses ». Ce sont des films aboutis, parfois sans grandes vedettes qui tiennent le haut de l'affiche, que j'ai vus au cinéma puis à la télévision avec toujours autant de plaisir. Le plus grand film que j'ai vu ces dernières années est « Gladiator ». Il raconte une histoire politique au temps des Romains, avec de l'amour et de la violence, et c'est intelligemment raconté et mis en scène, comme un opéra. La musique y tient une place importante.

 

- Il est vrai que ce film est réussi, il plaît à plusieurs générations de spectateurs.

- Oui et d'ailleurs lors d'un déplacement récent en train entre Bruxelles et Amsterdam, j'ai parlé cinéma avec une jeune fille qui se trouvait à côté de moi. Nous avons parlé de ce film, qu'elle a trouvé prodigieux et qu'elle a considéré elle aussi comme un opéra. Elle avait 24 ans et elle connaissait ce film tout comme vous.

 

- « L'Aile ou la cuisse » est un autre film qui séduit plusieurs générations, c'est un film dont on vous parle vraiment beaucoup ?

- Tout le temps ! J'ai tourné pas mal de films, y compris des premiers rôles, mais le public se rappelle ce rôle de plombier. J'ai régulièrement droit aux « c'était pas vous le plombier ? Oh vous n'avez pas changé, on vous reconnaît ! » etc. Pourtant, j'étais mauvais dans ce rôle ! Je devais rire devant Louis de Funès et je n'y arrivais pas, on a recommencé la scène plusieurs fois. C'était le début de ma carrière et il m'a fallu au moins encore dix ans pour devenir un bon comédien. C'est donc un rôle qui a marqué les gens, je ne leur en veux pas d'ailleurs, au contraire je ne peux être que content d'être reconnu.

 

- Quel regard actuel portez-vous sur ce film ?

- C'est un film qui est regardable, accessible à tous les publics, et qui est drôle. C'est la même chose pour « Oscar » que nous venons de voir, et pour de nombreux films où de Funès est la vedette. Et il était tout aussi prodigieux dans des films plus anciens dans lesquels il n'avait pas le premier rôle. Je l'ai vu aux côtés de Michel Simon dans « La Vie d'un honnête homme » où il est merveilleux. Bien sûr, il a obtenu aussi des seconds rôles extraordinaires à l'époque de « La Traversée de Paris ». Dans tous ces films, il était prodigieux car il était perfectionniste. Malgré le succès, il était toujours très sérieux dans son travail. Sur le plateau de « L'Aile ou la cuisse », qui a fait des millions d'entrées au cinéma, je l'ai vu répéter son texte dans un coin comme un débutant ! Il ne tenait pas à apporter aux spectateurs une autre émotion que le rire, il se perfectionnait sans cesse dans le comique.

 

 

- Pour combien de jours aviez-vous été engagé pour ce rôle ?

- J'ai été engagé pour sept jours, même si le rôle est modeste, car de Funès ne pouvait tourner que quatre heures par jour. Il avait déjà eu un premier infarctus et des docteurs étaient toujours sur le plateau pour veiller à ce qu'il se repose une fois qu'il avait tourné un plan. Nous tournions plusieurs prises, et à chaque fois, il trouvait quelque chose de nouveau, chaque prise était différente. En fait, il fallait qu'il « s'échauffe » avant qu'il obtienne ce qu'il voulait.

 

- Aviez-vous passé une audition pour obtenir ce rôle ?

- Non, j'ai été engagé pour ce rôle car je connaissais bien plusieurs personnes, à commencer par le producteur [ndlr : Christian Fechner] et le distributeur Claude Berri [ndlr : qui était alors à la tête de la société de distribution AMLF]. Et j'avais déjà travaillé avec l'assistant réalisateur Jean-Pierre Beineix, pour qui j'avais tourné le premier court métrage qui s'appelait « Le Chien de M. Michel ». C'était déjà du copinage mais, à cette époque, on était surtout engagé lorsque quelqu'un vous avait vu dans un autre film et vous avait trouvé bon. Aujourd'hui, les clans sont beaucoup plus fermés, c'est devenu très difficile de pénétrer ces réseaux. Un comédien, même très talentueux, ne fera pas carrière s'il n'entre pas dans ces clans.

 

- Quel souvenir gardez-vous de Coluche sur ce tournage ?

- Il était très admiratif de Louis de Funès, qu'il considérait comme un « monstre ». Malgré toute sa gouaille, lorsqu'il était à côté de De Funès, Coluche ne bronchait pas. Cela ne veut pas dire que de Funès était tyrannique, même si cette image lui colle parfois à la peau. Il y a tellement de choses fausses qui se racontent sur les comédiens. C'est pareil pour Delon, avec qui j'ai tourné et qui est un mec très réglo et sympa. Lorsque je répétais avec lui, Delon me disait, très simplement : « si tu te trompes, ce n'est pas grave, on n'est pas des machines ». Dans le cinéma, plus les comédiens sont « grands » et ont du métier, plus ils sont humbles. Je n'ai jamais entendu la moindre réflexion désagréable de la part de ces « grands » du cinéma.

 

- Pour finir, parlons un peu de Claude Zidi...

- C'est un type extraordinaire, un homme marrant, qui n'aime faire que des comédies. Seul le rire compte pour lui dans ses films. A l'origine, il était un cameraman qui a longtemps travaillé pour Chabrol. Puis il a fait des films avec les Charlots qui ont rencontré d'incroyables succès. J'ai été content de travailler avec lui sur « L'Aile ou la cuisse ». Le film a très bien marché à sa sortie et pour moi, tourner avec de Funès a été un accélérateur dans ma carrière. Quand un comédien se retrouve dans une série de films qui marchent bien, même s'il n'a que des petits rôles, les producteurs l'engagent car ils se disent que cet homme est un bon comédien.... même si ce n'est pas vrai ! Pour preuve, je n'étais pas bon dans « L'Aile ou la cuisse » ! Comme je vous l'ai dit, il m'a fallu dix ans pour apprendre mon métier car je n'avais pris aucun cours de comédie. C'est d'ailleurs un métier où on apprend tout le temps ; j'ai la chance de toucher à tous les genres de rôles et c'est enrichissant. A chaque fois, j'ai l'impression de redevenir un débutant.

 

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