OSCAR

Une pièce de Claude Magnier

Un film d'Edouard Molinaro

 

Première partie / deuxième partie

 

azggertyyRiche patron d'une entreprise prospère, marié et père de famille heureux, Bertrand Barnier se voit dérangé un beau matin par la venue d'un de ses employés. Celui-ci lui annonce qu'il le vole depuis des années, mais aussi qu'il est l'amant de sa fille, et profite de la charge émotionnelle pour glisser une subtile demande d'augmentation à son futur beau père.

 

Tout allait bien pour Bertrand Barnier jusqu'au jour où l'un de ses employés lui apprend qu'il lui a volé 64 723 000 francs.

 

azggertyyMais que dire d'Oscar ? Si l'on en croit la brochure promotionnelle des galas Karsenty pour la saison 1959-1960, "Oscar est un pure vaudeville qui est, dans le genre, une réussite totale. Tout est mené tambour battant, et il y a dans ces trois actes une telle générosité d'invention comique, une telle ignorance de toute vulgarité, qu'on est heureux de s'associer sans arrière pensée à sa réussite. Les quiproquos se succèdent à une allure folle, les rebondissements jaillissent en cascade, et selon un rythme qui ne ralentit jamais. Pas de déshabillés successifs, pas de lit au deuxième acte…et pourtant un éclat de rire qui pendant trois actes déferle à grande vitesse dans la salle. Avec Oscar, Claude Magnier, qui s'affirme comme le mieux doué des jeunes humoristes de la scène, semble avoir trouvé le ton juste de la véritable comédie. Et c'est bien simple, il a gagné son pari : faire rire le public environ une fois toutes les deux minutes…"

 

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Programme des Galas Karsenty, saison 1959-1960 (collection F&J)

 

azggertyyCélèbre pièce de théâtre de Claude Magnier, Oscar a connu une courbe de succès croissante. Courbe qui - du reste - aurait pu tout aussi bien ne jamais démarrer tant la première mise en scène au théâtre, en 1957, avec Pierre Mondy, Jean Paul Belmondo et Maria Pacôme se révéla être un échec. La comédienne l'explique d'ailleurs fort bien : "La pièce était très drôle, ça aurait du être un triomphe…et ça ne l'a pas été. Bizarrement le succès est venu des années après lorsque De Funès l'a reprise".

azggertyyPierre Mondy explique que, "au départ, la pièce avait été crée à l'Athénée par Jean Paul Belmondo et Maria Pacôme dans une mise en scène de Claude Magnier. Je faisais également parti de la distribution." Véritable pièce de boulevard taillée sur mesure pour un acteur tel que Louis de Funès, l'alchimie entre les deux entités se devaient obligatoirement de prendre, et ce fût le cas. Pourtant, il est assez amusant de constater que c'est Louis de Funès qui en est venu directement à choisir Oscar, choix qu'il réalisa par défaut. En effet, à l'époque engagé pour le compte des Galas Karsenty pour jouer la pièce L'Avare, il fût pris de panique et ne se sentant pas prêt, décida de revenir sur son engagement. Il lui fallu trouver une autre pièce afin de respecter le contrat qui le liait à la production Karsenty. Parmi les nombreuses pièces, il retînt Oscar. Jean Pierre Cassel reprend le rôle de Belmondo et De Funès celui de Mondy.

 

Bertrand Barnier n'en revient pas des nouvelles que son employé lui annonce.

 

azggertyyLa pièce accroche et le succès ne se fait pas attendre. Valère Novarina se remémore d'ailleurs avoir vu l'acteur en pleine composition durant une représentation : "Il m'est apparu tel un extraordinaire athlète. Son jeu se nourrissait d'une économie stupéfiante. Il semblait contrôler parfaitement dépense et économie […]. La progression, la gestion, l'organisation de la dépense à travers les actes étaient exceptionnelles. Et contrairement à son image au cinéma, Louis de Funès était d'une sobriété extraordinaire. Et puis il en donnait beaucoup plus au public qu'on ne l'attendait […]. De Funès était exigeant, il donnait énormément."

azggertyyOlivier de Funès, dans le billet réalisé pour la collection des éditions Atlas, lui aussi se rappelle : "A chaque représentation d'Oscar au théâtre, mon père improvisait et trouvait un petit truc en plus qui enthousiasmait le public. Si bien qu'au bout d'un an le spectacle, par ajouts successifs, dépassait deux heures. Oscar était devenu un événement théâtral sans précédent. Le Tout-Paris s'arrachait les places. Il fallait à tout prix voir cet acteur, véritable phénomène qui, malmené par les rebondissements incessants de la comédie, semblait perdre la tête et devenir fou au point de jouer à la marelle avec un téléphone. Le pari d'adapter Oscar au cinéma fût relevé par Edouard Molinaro qui réalisa un petit chef d'œuvre, d'ailleurs accueilli comme tel par les spectateurs et la critique. Mon père confiait volontiers que Oscar était sa source principale de créativité. Ce qui est certain c'est que dans ce rôle taillé à sa démesure, il affirmait son génie du comique de situation."

 

Tout s'éclaircit dans l'esprit de Madame Barnier. Bertrand, lui, perd pied...

 

azggertyyDe là tout de même à déterminer que seul Louis de Funès apportait le succès a la pièce, il ne faut quand même pas exagérer, même si son apport reste bien entendu phénoménal. Il s'en défendait d'ailleurs au micro d'un journaliste lors d'une interview donnée à l'occasion de la sortie promotionnelle d'un gendarme : "Certaines critiques ont dit que la pièce n'étaient pas grand-chose et que c'était grâce à moi, pas du tout, c'est une véritable pièce en bronze, aussi forte qu'une pièce d'Anouilh". Maria Pacôme confirme d'ailleurs en ce sens en justifiant qu'Oscar reste certainement la seule bonne pièce que Magnier ait écrit. Certes Louis de Funès apporte un élan, une originalité qui jusqu'à présent rendait la pièce simplement bonne, classique, mais cela débouche en corolaire à ce que l'on pourrait appeler une "nouvelle pièce" : plus rythmée, vivante, avec une interprétation très personnelle comme lui seul en a la capacité. Pierre Mondy apporte néanmoins une limite à une telle analyse : "Oscar n'est pas devenu un one man show car sinon cela veut dire qu'il n'y aurait plus de pièce. Louis a donné de telles proportions que par moment il donnait l'impression d'être en récital." . Edouard Molinaro a une approche similaire : "Toute la création extra dialogues venait de De Funès, c'est lui qui a fait toutes ces inventions. Oscar est beaucoup plus un film de De Funès que Molinaro et c'est très bien comme ça."

azggertyyAu théâtre, devant le succès sans appel d'Oscar, c'est cette fois-ci le théâtre de la porte Saint Martin qui accepte d'accueillir une reprise de la pièce mais à la seule condition qu'on ne la joue qu'un mois. Au final, elle sera jouée plus de sept cent fois…pendant plus de deux ans… Pour Pierre Mondy, "Louis était carrément génial d'invention et de burlesque, il avait amélioré le rôle. Il était impossible dans les mises en scènes qui viendraient postérieurement de contourner son personnage."

 

"Tu deviens fou Bertrand !"... "Oui je suis zinzin !!!"

 

Les acteurs

azggertyyL'on ne peut s'empêcher de la formidable équipe qui entourait Louis de Funès, notamment au cinéma. Mario David, Claude Gensac, Agathe Nathanson, Roger Van Hool, Paul Préboist gravitent autour de Louis de Funès de manière très complémentaire et rendent ainsi une osmose, un parallélisme entre les différents protagonistes. C'est d'ailleurs grâce à la qualité des comédiens qui l'entourent que Louis peut se révéler aussi brillant, et cela se ressent dans la plupart de ses films avec son souci constant d'être entouré de se famille de cinéma, des acteurs de qualité sur qui il pouvait se reposer en toute confiance. Roger Van Hool le résume parfaitement "Je crois que Louis de Funès avait une grande complicité avec ses "potes" qui étaient déjà Mario David, Claude Gensac ou Paul Préboist, il avait besoin d'être entouré de sa tribu, je l'ai vu notamment au restaurant. Comme beaucoup de gens il avait besoin de se rassurer et d'avoir ses fidèles". Edouard Molinaro lui aussi explique brièvement le choix des acteurs notamment de l'excellent Mario David : "Il faisait déjà partie de la distribution au théâtre et il était indétachable du projet. J'aimais beaucoup Claude Rich, je l'ai donc amené car j'aimais beaucoup son jeu."

 

Bertrand Barnier et sa fille (Agathe Nathanson), deux personnalités opposées qui se comprennent difficilement...

 

L'ambiance plateau

azggertyyPhilippe Monnier se souvient "Louis n'était drôle que lorsqu'il jouait. Après : retenue, pudeur voir tristesse et angoisse.". Louis était d'ailleurs pour Maria Pacôme un véritable paquet d'angoisse, qui avant chaque représentation venait se défouler dans sa loge, peut être afin d'extérioriser, se libérer de la pression qui le tiraillait. Il arpentait sa loge en tripotant tous les objets qu'il trouvait. La particularité de Louis est que comme sur chaque film, en tant que vedette, il portait véritablement la responsabilité du succès du film. Et si celui-ci n'était pas au rendez vous, seul Louis courrait le risque de se faire descendre par une presse encore réticente a son jeu et qui n'attendait que cette aubaine pour le voir plonger. Pour Claude Rich, cela semblait être une évidence, il n'était pas concevable que Louis puisse ne pas être inquiet en raison du poids qu'il avait sur ses épaules. Il en était bien conscient et comme à chaque fois, certaines personnes supportant mal son professionnalisme et sa rigueur, mélangés à une angoisse et une inquiétude sans cesse présentes, diront de lui qu'il était tout sauf une personne agréable et accueillante, sans comprendre que Louis sur un plateau se faisait davantage de mal à lui avant d'en faire aux autres et dans ce cas, la plupart du temps par ricochet d'une peur qui transpirait de sa personne. Sur le plateau, Louis est d'ailleurs très impliqué et collabore totalement avec Edouard Molinaro. Il co-adapte le texte et, comme nous l'avons dit précédemment, place les comédiens en qui il a une confiance absolue et qui savent le "servir", au sens professionnel et noble du terme.

 

Tournage d'Oscar en 1967. Edouard Molinaro est au premier plan, Louis de Funès contre la rambarde, Paul Preboist au fond.

 

azggertyyPeu à l'aise avec le style du réalisateur, le courant ne passe vraiment bien et de nombreuses frictions verront le jour entre Louis de Funès et Edouard Molinaro, sans altérer toutefois la qualité du travail final, les deux hommes étant avant tout d'immenses professionnels. Molinaro revient sur cet épisode, parfois douloureux pour lui : "Le tournage a été difficile, comme dans la plupart des comédies. Tout le monde s'imagine que tourner un film comique est follement amusant alors que le climat est extrêmement sérieux et rigoureux. Nous nous sommes parfois opposés sur de petits détails. Tout allait au début du tournage puis par la suite, nous avons eu quelques accrochages c'est vrai. Je m'amusais beaucoup mais je n'extériorisai pas mon rire ce qui le gênait beaucoup. Louis était un homme qui souffrait beaucoup, il était véritablement en charge de cette masse d'attente qu'on avait de son comique. Il était conscient que les gens voulaient rire de son comique". Louis de Funès quitta à de nombreuses reprises le plateau, notamment sur la fin du tournage. Il fallait, comme l'explique Molinaro, lui laisser autant d'espace que nécessaire afin de le diriger et de lui offrir ce dont il avait besoin.

 

Chaque soir, Louis de Funès ne s'économisait pas sur scène. "Au théâtre, si vous voulez recevoir quelque chose du public, disait-il en 1981, il faut lui donner avec générosité."

 

Un succès théâtral et cinématographique

azggertyy6,2 millions d'entrées à la sortie du film dans les salles le 10 novembre 1968, le succès est sans appel. Véritable triomphe, les gens ont répondu aussi bien présents sur grand écran que dans les sièges des théâtres parisiens et provinciaux. Les critiques furent d'ailleurs dithyrambiques.

azggertyyEn voici quelques extraits : Robert Chazal dans le numéro France Soir du 14 octobre 1967 écrit "De Funès par ici, De Funès par là. De Funès partout. Un ouragan de paroles, des gestes, de grimaces. Patron désolé. Père désorienté. Mari éberlué. PDG volé. Beau père surpris. Papa surprise. Il est tout cela à la fois, de Funès le survolté." Le Monde du 13 octobre se montre aussi enthousiaste: "Il y a enfin Louis de Funès qui renoue avec un rôle auquel il doit un de ses premiers triomphes, mais qui a appris entre temps jusqu'où il peut aller trop loin et qui y va allégrement. Un autre que lui serait insupportable. De Funès ne l'est pas." Aussi, L'Aurore du 16 octobre commente : "Mais Oscar au cinéma encore plus qu'à la scène c'est d'abord l'éblouissante performance d'un acteur génial : Louis de Funès…Sans lui, le film perdrait 50% de son intérêt.". Nous pouvons aussi conclure que grâce à cette pièce, Louis de Funès, en plus de passer du statut de comédien plutôt discret à vedette, a permis aussi de pouvoir offrir à toute sa famille une véritable protection et un confort qui les mettront progressivement à l'abri du besoin. Récompense méritée après avoir été tellement humilié, moqué et négligé dans son travail cinématographique.

 

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Mario David et Louis de Funès, toujours aussi complices sur scène dans Oscar. Ici au théâtre du Palais Royal en 1972...

 

Crédits :

- "Oscar", Gaumont DVD, archives INA, interviews Philippe Monnier, Roger Van Hool, Edouard Molinaro et Claude Rich (le film d'Edouard Molinaro et le documentaire "La mouche dans un bocal").

- Interviews de Pierre Mondy in Brigitte Kernel, Louis de Funès, Monaco, Édition du Rocher, 2004.

- Collection Atlas "Inoubliable Louis de Funès", Brochure numéro 2, fascicule "Oscar", billets "Olivier de Funès" et "mise en scène".

- Prospectus Galas Karsenty, "Oscar", années 1959-60 (collection Franck et Jérôme).

- Archives personnelles Franck et Jérôme (interviews, articles de presse, anecdotes…).

 

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