collection Sophie Adriansen

 

Sophie Adriansen

 

AZERTY Sophie Adriansen publie "Louis de Funès, regardez-moi là vous !" aux éditions Premium. Que dire ? Un livre de plus sur Louis de Funès ? A l'occasion des trente ans de la disparition du comédien, une quantité d'ouvrages de longueurs et de qualités inégales ont été (ré)édités. Comme tous ceux récemment parus, le livre de Sophie Adriansen contient son lot de petites erreurs ou imprécisions. Toutefois, nous tenions à mettre en avant son travail organisé de façon thématique mais aussi à mieux connaître l'auteur. Tandis que certains n'hésitent pas à effectuer impunément des copier-coller de notre travail, Sophie Adriansen a pris l'initiative de nous contacter pour nous demander la permission de reproduire quelques extraits. Dans cet entretien, l'auteur nous livre ses impressions sur le comédien, sa carrière ainsi que ses démarches dans la rédaction de son ouvrage. Nous la remercions pour le temps consacré à nos questions. Le site internet de l'auteur : http://www.sophieadriansen.fr/

 

Interview de Sophie Adriansen du 16 février 2013 par Franck et Jérôme

 

- Sophie, comment est né le projet d'écriture d'un livre consacré à Louis de Funès ?

- Je suis une passionnée de Louis de Funès depuis toute petite. Je visionne ses films depuis très longtemps mais paradoxalement je connaissais assez peu les détails autour de ceux-ci. A l'occasion des 30 ans de sa disparition, ma maison d'éditions m'a proposé de réaliser un livre hommage entièrement consacré à de Funès et j'ai accepté car cela m'intéressait beaucoup de me pencher sur l'homme afin de le découvrir.

 

- Ne pas connaître parfaitement l'homme et l'ensemble de sa filmographie vous a t-il permis d'écrire avec une plus grande objectivité ?

- Je ne sais pas si l'on peut parler véritablement d'objectivité mais je suis en tous les cas partie d'un constat pour écrire ce livre : énormément de gens ont une image très stéréotypée de Louis de Funès car ils l'assimilent à son personnage. Il me tenait donc à cœur de rétablir la vérité sur l'homme qu'il était vraiment et pour ce faire je me suis attachée à travailler autour des rencontres qui ont épinglé sa vie et sa carrière. Ce qui est intéressant c'est qu'au fil de ces rencontres on découvre des avis plus ou moins partagés. Certains, comme Claude Gensac, parlent de lui en ayant encore des étoiles qui brillent dans les yeux alors que d'autres ont des avis plus mitigés, notamment Edouard Molinaro. Cette vérité s'est donc établie sous la forme d'un puzzle que j'ai progressivement assemblé. Au final, je pense être parvenue à la description d'un Louis de Funès plus vrai que comme certaines biographies l'ont dépeint. Il fallait notamment mettre en valeur ses qualités autant que ses faiblesses et ses divers traits de caractère.

 

- Traiter la carrière de Louis de Funès sous la forme de rencontres est-il un fil directeur qui s'est rapidement imposé ?

- Oui, l'axe principal du livre est venu assez rapidement, c'est vrai. L'avantage de ce format est qu'il permet de rendre un hommage inédit, ce qui change d'une énième biographie. Je souhaitais véritablement apporter une nouveauté. Il est très difficile de traiter la carrière de Louis de Funès en étant original et en sachant proposer un axe original. Beaucoup d'autres rencontres auraient mérité d'être traitées, notamment Jacqueline Maillan, mais l'ensemble aurait été trop volumineux et donc moins abordable.

 

- A t-il été difficile de trouver des éléments nouveaux ?

- Non je n'ai pas trouvé cela compliqué car personne n'avait fait cette démarche auparavant. Je n'ai pas fait de rencontres physiques avec des acteurs ou techniciens car à mon sens les interviews datant d'aujourd'hui ont une vérité moindre en ce sens que leurs souvenirs sont déformés. J'ai préféré compulser les archives de la presse, de la télévision et lire les biographies d'acteurs que peu d'écrivains sur Louis de Funès ont mentionnés. Je pense par exemple aux mémoires de Jean-Claude Brialy dont de nombreux passages étaient consacrés à ses souvenirs avec lui. Et je dois reconnaître qu'au fil de ces lectures beaucoup de choses m'ont surprise.

 


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- Quelle fut la durée d'écriture de ce livre ?

- Elle s'est étalée sur plusieurs mois, ce fut un travail intensif. Dès que je me suis penchée sur sa carrière, plus rien ne comptait et aucun autre sujet n'est venu parasiter mon travail. J'ai vécu à temps plein avec lui et je dois dire que je ne peux pas m'en défaire. Je ne le souhaite d'ailleurs pas car je me suis prise d'admiration pour sa vie et son œuvre ! Pour être honnête, je me suis même trouvée des points communs avec lui, notamment sur son exigence professionnelle. J'ai aussi appréhendé ses aspects négatifs et je suis parvenue à les comprendre car, sans le défendre, je me suis rendue compte qu'ils étaient toujours justifiés. Il était avant tout un immense professionnel et donc un acteur intransigeant envers son art.

 

- Le choix des films analysés résulte-t-il d'un coup de cœur ?

- Pas forcément, j'ai choisi les films dont j'ai senti qu'il y avait matière à trouver un aspect de sa personnalité. J'ai par exemple choisi "Le château de la dernière chance" de Jean-Paul Paulin qui, même s'il n'est pas un grand film, est un clin d'œil amusant à sa vie de châtelain. J'ai vu l'intégralité des films disponibles actuellement mais pour les films du début de sa carrière, je me suis parfois attachée à ses seules séquences.

 

- Quelle vision avez-vous de son jeu ?

- Je dirais que dès les années 50 son jeu était déjà très fourni. Prenez par exemple "Mission à Tanger" d'Hunebelle, je trouve Louis de Funès tel que le public le découvrira quelques années plus tard en vedette. Bien sûr, il propose une composition dans la limite de ce que sa séquence lui permet mais il a développé son style au fur et à mesure de l'avancée de sa carrière. On note toutefois une rupture après ses infarctus avec un jeu plus calme, plus posé. Quant à savoir si Louis de Funès aurait été bon dans des compositions plus dramatiques, je répondrais évidemment oui mais je trouve que sa filmographie est tellement imposante et riche qu'elle nous satisfait largement.

 

- Avez-vous une période favorite ?

- Assez étonnamment je suis une grande adepte de ses films du début des années 60, les derniers avant qu'il ne soit propulsé en vedette numéro un au box-office. Je pense notamment à "Faites sauter la banque" et à "Nous irons à Deauville" mais aussi au "Capitaine Fracasse", même si je ne suis pas une grande adepte des films de capes et d'épées, ou "La Belle Américaine" et "Carambolages".

 

- Quels sont les films que vous appréciez moins ?

- J'ai un avis plutôt réservé sur les films de Korber car je n'aime pas tellement "Sur un arbre perché" mais j'adore en revanche "L'homme-orchestre", un film qui reste l'une des premières comédies musicales à la française. D'autres films me plaisent moins, notamment "L'Avare" car je reste persuadée qu'il aurait pu faire beaucoup mieux à partir du texte de Molière. "La soupe aux choux" aussi reste selon moi un film quelque peu improbable mais je reste admirative du duo très touchant formé par de Funès et Carmet.

 

- Comment expliquez-vous sa popularité encore intacte aujourd'hui ?

- Je pense qu'il n'a pas été remplacé. Beaucoup ont essayé de l'imiter ou en tout cas de s'en inspirer et le résultat a été sans appel. A mon sens, en termes de jeu, personne ne peut l'égaler car il avait un amour profond pour les gens du muet et ce style se retrouve énormément lorsqu'il tourne une scène. Notons aussi que de Funès avait une exigence : aucune vulgarité dans ses films. Aujourd'hui, petits et grands peuvent donc regarder un de ses films sans se préoccuper de savoir si le contenu sera choquant. Il a fédéré toutes les générations des familles et ses films restent éternels. Et puis j'admire les risques pris durant sa carrière. Aujourd'hui par exemple, nous ne pourrions plus proposer un film comme "Les aventures de Rabbi Jacob" et c'est dommage. De Funès a osé traiter un sujet à connotation fortement politique, idem pour "La Zizanie" où l'un des sujets principaux reste la place de la femme dans la société.

 


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- Etes-vous marquée par le contraste entre l'homme public et privé ?

- Pour moi cela n'est pas si étonnant de le voir très discret dans le privé puis capable de se transcender devant la caméra. A mon sens les meilleurs artistes sont ceux qui ne laissent rien transparaître de la préparation de leur art. Ils s'attachent avant tout à l'amour de leur métier. Pour de Funès, le comique était du sérieux, il l'envisageait comme du travail et cela l'emmenait donc très loin.

 

- Quels sont les premiers retours de votre livre ?

- C'est seulement le début car je suis encore en pleine promotion mais les premiers retours sont bons et j'en suis très contente. Beaucoup m'ont écrit pour me dire qu'ils avaient pu apprendre des choses nouvelles concernant sa carrière et qu'ils avaient à présent envie de se pencher plus en détails sur sa filmographie. Et rien ne peut me faire davantage plaisir que d'amener des lecteurs à découvrir de nouveaux films avec Louis de Funès !

 

- Le format est en tout cas original et permet une lecture fractionnée…

- C'est exact et beaucoup de personnes m'ont même avoué avoir lu le livre dans le désordre, un peu au coup de cœur.

 

- Avez-vous d'autres projets le concernant ?

- Je dois vous avouer qu'après avoir achevé l'écriture de ce livre, je me suis rendu compte qu'il était important pour moi de me mettre dans sa tête afin de valider que j'avais bien compris son mode de fonctionnement. J'ai donc commencé l'écriture de nouvelles où j'imagine son état d'esprit lors de certains instants de sa carrière. Je pense notamment au "Tatoué" où Gabin le traître de clown. Comment l'a-t-il vécu ? J'ai essayé de me mettre dans sa peau et il en résulte une courte nouvelle. Peut-être vais-je poursuivre ce travail original mais le problème majeur est que la vérité est forcément faussée. En tout cas, Louis de Funès va m'accompagner encore !

 

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