collection F&J

 

Colette ROBIN

 

 

Nous sommes fiers de publier les propos de Madame Colette ROBIN, scripte qui connaissait très bien Louis De Funès depuis la réalisation du "Capitaine Fracasse" par Pierre Gaspard-Huit en 1961. Personne de confiance et amie du comédien, elle tint le rôle de scripte sur plusieurs films signés par Jean Girault : "Le Gendarme se marie", "Le Gendarme en balade", "Jo", "La Soupe aux choux" et enfin "Le Gendarme et les Gendarmettes". De plus, en 1968, elle fut la scripte de Robert Dhéry sur le tournage de son film "Le Petit baigneur". Nous la remercions pour sa sympathie et le temps qu'elle nous a aimablement accordé.

 

Interview de Mme Colette ROBIN du 18 mars 2007 par Franck et Jérôme

 

 

- Madame Robin, pouvez vous nous décrire vos relations avec Louis de Funès ?

- Je m'entendais très bien avec lui. Je l'ai rencontré en 1960 dans "Le Capitaine Fracasse" qui était un film d'époque où Louis avait un rôle de valet. A cette époque, il n'était pas énormément connu et par conséquent il n'avait pas de costumier personnel. Je me suis occupé un peu de lui car j'étais couturière et par la suite, il s'est souvenu de moi et nous avons tourné plusieurs films ensemble. Je me suis toujours très bien entendu avec lui. Nous avions remarqué que nous aimions tous deux le champagne et on en buvait parfois ensemble dans sa loge. C'était toujours très agréable. J'ai pris beaucoup de plaisir à tourner avec lui. Vous savez pour les "Gendarmes" c'était un peu la même famille, on était toujours heureux de retravailler ensemble.

 

- Comment était Louis sur un plateau ?

- Très sérieux, il était perfectionniste, il aimait travailler. Quand je répetais avec lui, il n'y avait jamais de problèmes. Sur le dernier film cela était un peu plus difficile car Jean Girault était mal et après son décès, c'est Tony Aboyantz qui a achevé le tournage. Je les ai aidés un peu mais c'est toujours difficile de concilier un film dont certaines parties ne sont pas du même réalisateur.

 

- Avant une scène, quel était l'état d'esprit de Louis de Funès ? Tendu, décontracté ?

- Lorsque l'on tournait en extérieur, Louis avait une loge. Je suppose qu'il travaillait dedans, a répéter son texte. Vous savez quand il jouait, il était surexcité, c'était un nerveux.

 

- Comment se déroulait votre travail de script, vous assistiez à toutes les scènes ?

- La script est présente du matin au soir sur un plateau. C'est un peu la secrétaire du plateau. Il faut veiller à tout : la préparation des plans, le réglage des lumières avec la doublure, les répetitions avec les comédiens, on assiste à chaque étape. On ne s'arrête que pour déjeuner. Ensuite il y a la projections en fin de journée.

 

- Et Louis de Funès proposait-il beaucoup de modifications ?

- Oui bien sûr, et parfois c'était difficile car il changeait beaucoup et parfois au tout dernier moment donc ce n'était pas toujours évident ! Mais ça ne posait pas vraiment de problèmes car on avait la possibilité de réécouter le son. Souvent, donc, il changeait et Girault le laissait faire.

 

AAA

Photographies de tournage du "Petit Baigneur" en 1967 (collection F&J).

 

- Avez vous un souvenir particulier de votre relation avec Louis ?

- Vous savez, j'ai tourné beaucoup de films avec lui et il m'est difficile de pouvoir évoquer un souvenir particulier. On était une grande famille avec Jean Girault et on se retrouvait toujours avec beaucoup de plaisir. Ma soeur a tourné avec lui en 1946 dans un film qui s'appelait "Six heures à perdre".

 

- Vous qui l'avez connu à beaucoup de stades de sa carrière, avait-il changé ?

- Jamais je n'ai eu d'accrochages avec lui. On me pose parfois la question et je réponds toujours "non, il n'y avait jamais de problèmes". C'est vrai, à l'époque, il était soucieux de sa carrière. Il a débuté très tard car il a commencé comme pianiste. J'ai d'ailleurs une amie dont le mari jouait avec Louis de Funès dans un bar de la Madeleine qui s'appelait "L'Horizon" et il alternait les morceaux au piano avec lui.

 

- Dès son retour de maladie, en 1976, le rythme du tournage avait-il changé ?

Il y avait toujours un docteur qui prenait sa tension avant et après le tournage de chaque prise. On faiasait beaucoup attention à lui, il avait beaucoup maigri, je me demandais d'ailleurs comment il arrivait à tenir un rythme pareil !

 

- Sur le tournage du "Petit Baigneur", pouvez vous nous décrire la complicité avec la troupe des Branquignols ?

- Il connaissait la troupe depuis longtemps car ils avaient joué ensemble dans "La Belle Américaine" et "Ah les belles bacchantes". Il y avait Robert Dhéry, Colette Brosset, Jacques Legras, ils étaient tous adorables. C'était très gai, ils aimaient la rigolade. J'ai toujours travaillé dans des films comiques puisque ça a commencé avec Fernand Raynaud, j'ai fait six films avec lui et où Jean Girault était scénariste.

 

- Il y avait donc une grande complicité entre Jean Girault et Louis de Funès ?

Oui ils s'entendaient très bien, ils se comprenaient.

 

- Pouvez vous nous décrire l'état d'esprit de l'équipe de tournage à la mort de Jean Girault ?

- Tout le monde était navré. C'était quelqu'un d'adorable, de charmant, il avait un vrai sens du gag, capable de préparer une scène à l'improviste. Beaucoup de gens ont dit de lui qu'il faisait des films faciles mais c'est faux il avait la notion du comique et du gag qui est drôle sans être lourd.

 

- Quelles étaient vos discussions avec lui ?

- On parlait beaucoup de ses fleurs. On lui fétait ses anniversaires, notamment sur "La Soupe aux Choux" ou nous lui avions organisé une grande fête. Il était tout content, c'était vraiment familial. nous lui avions offert un coffret de films de Laurel et Hardy en super 8. Pour un anniversaire lors d'un tournage d'un des "Gendarmes", j'avais trouvé des livres anciens sur les plantes, écrits en vieux rançais et je les lui avais offerts, il avait beaucoup apprécié, il adorait tout ce qui se rapportait au jardin.

 

Louis de Funès et Jean Carmet, photographie d'exploitation allemande de "La Soupe aux choux" (Jean Girault, 1981)

 

- Etait-il proche de ses fans ?

- Vous savez, à Saint Tropez, il y avait beaucoup de monde, alors il fallait que l'on fasse le vide. Bien sûr il signait des autographes, notamment quand il gagnait sa loge après une prise. Mais c'était très encadré, il y avait des policiers et des gendarmes.

 

- Et quelles étaient ses relations avec les techniciens ?

- Je ne l'ai jamais vu enervé, en colère. Quand quelque chose n'était pas bien, il en parlait au caméraman ou au chef opérateur et ils changeaient si ça ne convenait pas.

 

- Et avec les autres comédiens ?

Ca se passait très bien aussi. Ils étaient tous charmants, il y avait Guy Grosso, Christian Marin, Michel Modo, Michel Galabru tous adorables et Claude Gensac qui étaient vraiment charmante. C'était très familial, on se retouvait toujours avec plaisir.

 

- Etait-ce difficile pour eux de suivre les improvisations de Louis ?

- Oui, ils étaient habitués, ils venaient tous du comique, ils étaient préparés à ce style de tournage. C'était pareil avec Fernand Raynaud, ça changeait tout le temps.

 

- Des rumeurs disent que pour une scène de "Jo", Louis a trouvé un gag et a prévenu qu'il allait le réaliser en voulant telle caméra à tel endroit est-ce vrai ?

- Oui c'est excat. Il a eu une idée mais comme rien n'était préparé pour cette idée sur le moment cela a posé problème. Il changeait l'histoire parfois et il demandait à Jean. Pour JO je ne me souviens plus exactement pour qu'elle scène c'était peut être pour celle où il devait cacher le cadavre sous la gloriette, il avait dit "je creuserai une fois, mais pas deux" peut être quelque chose de ce genre.

 

Photographie d'exploitation allemande de "Jo" de Jean Girault, 1971

 

- Etait-ce lui qui vous imposait pour les films ?

- C'est Christiane Suzuki qui a commencé a tourner dans les premiers "Gendarmes" puis je suis arrivé lorsqu'elle n'a pu faire "Le Gendarme Se Marie". Par la suite, en revenant de sa maladie, Louis et Jean m'ont appelé pour "La Soupe Aux Choux" et "Les Gendarmettes" en me disant qu'ils voulaient retravailler avec moi.

 

- Y'avait-il d'autres projets en cours après le "Gendarme et les Gendarmettes" ?

- Oui il y en avait de prévu. Louis voulait être metteur en scène, il l'avait d'ailleurs déjà fait dans "L'Avare", il voulait diriger.

 

- Quelle image gardez vous de lui ?

- C'était presque quelqu'un de la famille. J'avais beaucoup d'affection pour lui, j'étais toujours très heureuse de le voir avec Girault, c'était toujours très agréable !

 

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