Le dernier bain du chef Chaudard

 

AAAAdA Il est des acteurs qui passent en laissant un souvenir agréable aux spectateurs, bons professionnels dont on se rappelle la tête mais rarement le nom et d'autres qui font partie intégrante du quotidien de nombreuses personnes. Une bouille, un physique, une expression qui restent gravés dans un coin de tête et dont on retrouve parfois trace au détour d'un film, d'une anecdote, d'une réplique lancée à la rigolade.

AAAAdA Malgré son succès jamais démenti, Pierre Mondy n'avait aucune vanité concernant son statut et son succès. Homme modeste, signe des grands tels Jean Pierre Marielle ou Louis de Funès, se revendiquant comme des hommes simples souhaitant vivre à l'abri du quand dira-t-on, il ne poursuivait qu'un but, celui de "durer" afin de ne pas rouiller et de faire plaisir à son public. A André Halimi, il confiait aux débuts des années 1990 : "j'entends des amis comédiens qui répètent "vivement la retraite, pour profiter de la pêche à la ligne". Je n'envisage pas cette fin du tout, mon objectif est de tourner le plus tard possible, comme Charles Vanel qui aura bientôt 100 ans". Pierre Mondy c'est 63 ans de vie entièrement dédiée à l'art de la scène et du petit écran.

AAAAdA De ses débuts devant une caméra en 1949, pour le film de Jacques Becker "Rendez-vous de Juillet" avec Nicole Courcel et Daniel Gélin en vedettes, Louis de Funès en figurant, et où il incarnera un élève du cours d'art dramatique de Louis Seignier, on pourra retenir une rage de tous les diables de vouloir percer au plus vite. Et le signe de son talent ne se fait pas attendre puisque chaque année, les rôles se succèdent de façon très régulière, lui permettant de prendre ses repères dans un milieu encore très marqué par la guerre.

AAAAdA Homme de théâtre avant tout, il en fera son cheval de bataille et revendiquera des pièces populaires avec les fameux "Au théâtre ce soir" dont il sera coutumier durant de nombreuses années offrant ainsi aux spectateurs une proximité immédiate. Au cinéma, il est inébranlable sans toutefois être consacré star ou vedette. Artiste complet, il est tel un arbre centenaire, solidement enraciné au milieu du paysage et ne fera jamais parler de lui autrement que par son talent ou son professionnalisme. Metteur en scène de génie, collègue apprécié et reconnu par ses pairs il est trop présent pour n'être qu'un simple second rôle.

AAAAdA S'il semble réducteur de ne retenir de lui que le Napoléon d'Abel Gance, le chef Chaudard de la Septième compagnie ou le commissaire Cordier, nous nous pencherons plus volontiers sur ses apparitions aux côtés de Louis de Funès.

AAAAdA Habitués du cabaret où les deux hommes se croisent aux côtés de leurs amis Michel Serrault, Jacqueline Maillan, Jean Carmet, Darry Cowl ou Jean Poiret, Pierre Mondy et Louis de Funès furent des collègues de rigolade durant de nombreuses années. D'ailleurs plusieurs artistes nous ont confirmé qu'il était impossible de les réunir pour un film car sitôt le clap de tournage engagé, ils partaient tous deux dans un fou rire très prévisible. "Je me rappelle qu'on a eu des fous rires extraordinaires. Notamment lors du tournage d'un sketch pour une soirée de Noël à la télévision. J'étais un psychiatre qui recevait, le soir du réveillon, un homme qui se prenait pour le fils du Père Noël. Le metteur en scène était Stellio Lorenzi. On riait tellement qu'on a eu un contrôle administratif à cause de la pellicule gâchée."

AAAAdA Face à la caméra, cinq fois ils partageront la même affiche, se donnant cepedant que trop rarement la réplique : Outre " Rendez vous en juillet ", Pierre Mondy joue " Sans laisser d'adresse " de Jean-Paul Le Chanois en 1951 où il joue aux côtés de Gérard Oury, Danièle Delorme et Jacques Dynam. Puis vient en 1952 "Agence matrimoniale" du même auteur, "Capitaine Pantoufle" de Guy Lefranc en 1953 et enfin en 1957 pour "Ni vu... Ni connu..." d'Yves Robert où il est M. Bluette le directeur de la prison face au braconnier Blaireau.

 

 

AAAAdA Au théâtre, ils jouent ensemble la pièce de Feydeau, "La Puce à l'Oreille", l'une des meilleures adaptations à ce jour. Metteur en scène extrêmement professionnel et renommé, il en profite d'ailleurs pour signer la mise en scène d' "Oscar", dans laquelle Louis de Funès triomphe sur les planches du Palais Royal en 1972, puis de surfer sur le succès en poursuivant avec "La Cage aux folles", pièce désormais passée à la postérité. "Oscar" il l'avait jouée en 1959 aux côtés de Maria Pacôme et Jean Paul Belmondo. " Cela fût un très beau succès qu'on a joué une saison entière. On l'a joué avec tout notre cœur et la pièce porta vraiment très fort. Par la suite, Louis a signé avec les galas Karsenty pour 120 représentations de "L'Avare". II a flippé et la pièce a été remplacée par "Oscar" où il a fait un malheur. Il a apporté une fantastique puissance d'expression. Jean Jacques Vital l'a vu en tournée et l'a ramené à Paris et là encore ce fût un triomphe. J'étais moi aussi sur les planches dans le théâtre voisin et lorsqu'il jouait et que je sortais de pièce je me précipitais pour aller voir un morceau de la pièce. Louis n'avait jamais joué avec Maria Pacôme et ce fut une découverte pour lui. Maria l'a quitté rapidement car le duo n'a pas très bien fonctionné. Quand Louis mimait, sans parole, le personnage de Madame Barnier se retrouvait spectatrice et n'était plus dans l'action. Ses mimiques collaient admirablement bien au personnage. Cela faisait hurler de rire. Il a donné une énorme proportion à la pièce."

 

AAAAdA De ses nombreux témoignages consacrés à son ami, Pierre Mondy ne sera jamais avare de paroles et lui rendra hommage de façon tout à fait amicale. Il adorait De Funès et c'était réciproque. A ce titre, il aurait même pu passer à la postérité à ses côtés dans le rôle de l'adjudant Gerber de la brigade de Saint-Tropez, le poste échouant finalement à Michel Galabru. Il confiait à Eric Leguèbe : "Louis de Funès était pour moi l'exemple type de l'acteur, car c'était un acteur avant d'être un comique. Un acteur qui avait en lui tout un potentiel bien avant que la chance ne lui sourit. Je l'ai mis en scène trois fois, la première dans une pièce de Vilfrid et Girault, puis dans une pièce des mêmes auteurs, "Sans Cérémonie" qui, transposée à l'écran est devenue "Pouic Pouic", le premier vrai succès de Louis. Dans la pièce il jouait le rôle que Christian Marin a repris dans le film, bien qu'on lui ait proposé le rôle principal mais, à ce moment-là, il a craint et ne l'a pas accepté […]. Il était un homme prodigieusement observateur. C'était quelqu'un qui enregistrait de façon indélébile les choses de la vie et qui les retransformait dans une sorte de Tex Avery ou de Walt Disney. Il avait la rapidité du dessin animé et en plus l'authenticité d'un être de chair et de sang."

AAAAdA Les admirateurs funésiens retiendront de Pierre Mondy sa bonhommie, son sourire gentil et ses répliques devenues cultes face au braconnier Blaireau. Il y aurait bien plus à dire sur l'homme mais ce dernier n'apprécierait pas que l'on vante ses qualités. A ce titre, il ne parla notamment que très peu de son action très engagée dans la résistance française durant la seconde Guerre Mondiale. Alors que dire de plus si ce n'est le remercier pour sa gentillesse, son élégance et sa disponibilité ? Nous aurions aimé pouvoir publier une interview complète dans laquelle il nous aurait relatés ses souvenirs, hélas l'occasion ne s'est jamais présentée. Nous gardons dans un coin de tête nos brefs échanges avec lui, par téléphone ou lors du tournage d'un film à Paris. Entre deux prises, il venait gentiment nous parler de Louis et nous dédicacer quelques photos, ce qui pouvait déconcerter le metteur en scène. Ce modeste billet vous est chaleureusement adressé M. Mondy.

 

Un article paru dans Paris-Match : ICI

 

Crédits :
- Eric Leguèbe, "Louis de Funès", Interview Pierre Mondy.
- Article internet paru sur www.leparisien.fr
- Extrait d'interview à la radio en 2009 avec Laurent Boyer paru sur le site de Christian Petit www.defunes.org

 

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