Bernard MUSSON

 

Louis de Funès et Bernard Musson dans "Ah ! Les belles Bacchantes" (Jean Loubignac, 1954)

 

Interview Bernard Musson du 3 février 2007 par Franck et Jérôme

 

AAAAA Bernard Musson a été l'un des acteurs fétiches de Luis Bunuel, qui l'appela à 6 reprises entre 1963 ("Le Journal d'une femme de chambre") et 1977 ("Cet Obscur objet du désir"), mais il a surtout marqué les cinéphiles pour son interprétation dans "La Vache et le prisonnier" d'Henri Verneuil et pour le feuilleton "Rouletabille" (1966).
AAAAA Bernard Musson a joué dans beaucoup de films où apparait Louis de Funès : "Mam'zelle Nitouche" (Yves Allegret), "Ah ! les belles bacchantes" (Jean Loubignac), "Escalier de service" (Carlo Rim), "Papa, maman, la bonne et moi" (Jean-Paul Le Chanois), "L'impossible M. Pipelet" (André Hunebelle), "Bonjour sourire" (Claude Sautet), "Papa, maman, ma femme et moi" (Jean-Paul Le Chanois), "Courte tête" (Norbert Carbonnaux), "Taxi, roulotte et corrida" (André Hunebelle), "Fantômas" (André Hunebelle) et "Une souris chez les hommes" (Jack Poitrenaud). Il a également cotôyé les autres grands acteurs comme Bernard Blier, Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo, et aussi Michelle Morgan et Arletty.
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Dans cette interview accordée en 2007, il s'était montré très disponible et agréable avec nous. Après 50 ans de carrière et 250 films tournés, Bernard Musson nous a quittés le 29 octobre 2010 à l'âge de 85 ans.

 

- Bernard Musson, vous avez débuté en 1951 dans "Le Vrai Coupable" avec Raymond Souplex, pouvez vous me dire comment vous en êtes venu au cinéma ?

- J'ai fait comme la plupart des gens: c'est à dire que j'ai commencé au théâtre, j'ai toujours eu envie d'en faire, c'était pendant la guerre. L'inconvénient était que j'habitais en Province et qu'il n'y avait pas de centre pour être formé, cela n'existait que sur Paris et mes parents ne voulaient pas que je monte là-bas, car cela aurait été très dur pour se loger et aussi pour se nourrir. Je n'avais que 17 ans, et en 42 ou 43 mes parents m'ont demandé quel métier je souhaitais faire. J'ai débuté comme apprenti photographe puis, peu après la guerre, je me suis retrouvé étudiant en photo à L'Ecole Technique Photo Cinéma (ETPC), Rue de Vaugirard. Par la suite, fin 48, les circonstances économiques n'étaient pas excellentes car il y avait encore un grand nombre de restrictions, on pouvait tout juste s'alimenter normalement. Concernant mon métier, j'ai commencé à travailler des rôles et on m'a proposé de jouer une pièce au Vieux Colombier le 17 février 1950. La pièce a été un triomphe, j'ai eu du succès et des critiques m'ont remarqué. Au cinéma, les silhouettes sont devenues des petits rôles puis des rôles plus importants et ainsi de suite. J'ai aussi fait beaucoup de théâtre... en gros j'ai un peu tournicoté dans tous les domaines (rires) !

 

- Pouvez-vous nous donner vos impressions d'avoir côtoyé des personnalités tels que Fernandel, Gerard Philippe, Louis de Funès ?

- Gérard Philippe était admirable. Il était très beau et il était aussi d'une grande courtoisie, très agréable. Il se décarcassait pour défendre la profession.

 

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Jean Gabin, Jacqueline Maillan et Bernard Musson dans "Archimède le Clochard " en 1959.

 

- Et Fernandel ?

- Je l'ai côtoyé dans "La Vache et le Prisonnier", on m'en parle encore aujourd'hui de ce film ! Je le traîne avec moi mais ce n'est pas pour me déplaire ! Fernandel était un comédien formé au cabaret, au Music Hall. Je vais vous raconter une anecdote sur lui: quand il tournait un plan, toute l'équipe se taisait, et lui, il ménageait aussi le silence entre ses répliques car il savait quand le spectateur allait rire, il avait une formidable efficacité. Il était remarquable, avec un physique extraordinaire! Et quelle humanité il donnait à ses rôles, c'était vraiment un grand monsieur !

 

- Et concernant Louis de Funès ?

- Oh Louis était le plus tourmenté des comiques ! Je n'ai pas eu beaucoup de relations avec lui. Vous savez après le studio, chacun rentre chez soi, et Louis je le voyais uniquement sur les plateaux! En fait, les acteurs ont très peu de relations les uns avec les autres. Au théâtre par exemple, j'ai joué entre 35 et 40 pièces : jouer une pièce, c'est des semaines de répétitions et des heures passées ensemble, on est près les uns des autres, on joue ensemble, on mange ensemble, on est ensemble à l'hotel et dès qu'arrive le jour de la dernière, on se promet de s'appeler en échangeant les numéros de portables et on ne le fait jamais! Par contre lorsque l'on se rencontre de nouveau on se prend dans les bras "Bonjour, Comment ça va, que devenez-vous ?". On est sincère, on a partagé beaucoup de choses ensemble par le passé. Si le hasard veut que l'on se retrouve c'est toujours un plaisir et avec Louis de Funès c'était la même chose. Que vous dire de plus... il cherchait sans arrêt, c'était un grand comique.

 

- Comment était l'ambiance sur le plateau ?

- Angoissée, grand sérieux ! Vous savez un film c'est un budget énorme, tout le monde pense que l'on fait les rigolos et que l'on s'amuse mais ce n'est pas le cas du tout...pas du tout! C'est vrai qu'on a l'air de rire, mais ce n'est pas vrai ! C'est un boulot sérieux. Louis de Funès était très professionnel, par contre De Broca, lui, était très détendu. De Funès en tant qu'interprète, lui, était angoissé.

 

Louis de Funès et Bernard Musson dans "Fantômas" d'André Hunebelle en 1964

 

- Vous qui l'avez connu à tous les stades de sa carrière, avait-il changé au fil des ans ?

Plus son importance s'agrandit, plus son angoisse s'agrandit aussi. Vous savez il a fait beaucoup de figuration, notamment dans "Au revoir M. Grock" où il y avait un grand nombre de figurants dont Louis de Funès qui était parmi eux car il avait comme tout le monde besoin de bouffer ! Guitry l'a remarqué car il avait du talent ! De Funès, à ses débuts, ne faisait pas ce qu'il voulait sur un plateau. A l'époque je le voyais souvent c'était "Bonjour, Bonjour". Quand la célébrité est venue, il est devenu plus difficile à fréquenter ! Mais bon moi je suis un solitaire, je ne colle pas aux gens. J'ai de très bons amis tels que Jean Rochefort avec qui je suis très libre, on se tutoie et on s'apprécie beaucoup mais sinon je suis plutôt solitaire oui !

 

- Etes-vous satisfait de votre carrière ?

- Oh ! On ne peut pas être satisfait de tout ce que l'on a fait ! Oui, j'aurais voulu modifier certaines choses comme par exemple le fait que j'ai toujours fui les cocktails et les soirées, et je me suis dit que tout ça aurait pu me permettre de me faire des relations. Vous savez je ne sors pas, je ne bois pas, je ne danse pas, je me concentre uniquement sur la comédie donc j'ai quand même beaucoup plus joué la comédie grâce à mon physique qu'à mes relations ! Vous savez on dépend de beaucoup de gens au cinéma: Scénariste, metteur en scène, cadreurs, mais aussi du sujet, des partenaires, du montage, du mixage alors qu'au théâtre on est tout de même un peu plus libre ! J'ai par exemple beaucoup travaillé avec Polanski qui était un très grand metteur en scène, très doué, avec lui on avait intérêt à obéir et j'aime ce côté discipline. Chacun a ses responsabilités, on est à la fois assisté et protégé !

 

- Revenons à "La vache et le prisonnier", que pouvez vous me dire sur ce film ?

- Il y a une chose très triste à propos de ce film, c'est que je suis le dernier qui soit encore en vie ! Tout le monde est mort, que ce soit les acteurs ou les techniciens ! C'est vrai que ce n'est pas gai quand soi même on se dit "mon tour viendra" ! Ce film on l'a tourné dans un studio à Munich et les exterieurs près d'un lac en Bavière. J'ai tourné cinq jours et figurez vous que Dora est en fait le vrai nom de Marguerite ! A ce propos sur certains plans on peut voir les fils qui la guidaient ! Le film a très bien marché et je dois beaucoup au dialoguiste Henri Jeanson. Ce qui est formidable, c'est que l'on tournait beaucoup de films sur les prisonniers de guerre dans les camps... Il fallait un abruti pour faire un prisonnier et c'était moi (rires) !

 

AI

Fernandel et Bernard Musson dans La Vache et le prisonnier (Henri Verneuil, 1959)

 

- Que pensez-vous du cinéma actuel ?

- Je suis un peu nostalgique de mon passé bien sûr. Je fais parti de l'Académie des Césars. Je vote et j'assisterai au Gala, d'ailleurs j'ai chez moi un coffret contenant 72 films à voir ! Aujourd'hui plus personne ne me connaît ! Tous les gens qui me connaissaient sont morts. Ceci dit, il y a des acteurs remarquables aujourd'hui qui ont 25 ans, et donc le cinéma et le théâtre vivront encore longtemps !

 

page créée le 25 mai 2007, modifiée le 30 octobre 2010

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