Laurence BADIE

 

aaaaaqsd « Je n'aime pas faire pleurer les gens... » Ainsi, faire rire est sa vocation. Très jeune, aimant amuser ses camarades à l'école, Laurence Badie a voulu jouer des rôles comiques. Après avoir suivi quelques cours de comédie, notamment ceux de Julien Bertheau, elle croise Odette Joyeux qui lui offre son premier rôle sur les planches dans « Le Château du carrefour » (1951). Elle rencontre ensuite Georges Wilson qui la fait entrer au TNP. « Je crois que c'est là, confie-t-elle, que j'ai vraiment appris mon métier, au contact des grands acteurs ». Aussi bien chez Molière que dans des pièces de boulevard, elle privilégie les rôles comiques. Au cinéma, sa rencontre avec Claude Autant-Lara est déterminante, le metteur en scène lui confie un rôle de soubrette dans la plupart de ses films. Un rôle récurent qui se transforme très vite en étiquette : « Comme les gens manquent d'imagination, dès qu'il fallait jouer une petite bonne, j'étais engagée, j'en ai joué beaucoup ». Elle interprète d'autres types de rôles – attachée de presse, fille de joie, manucure, contractuelle et même duchesse chez Feydeau (« La Dame de chez Maxim »). Par ailleurs, le public se souvient d'elle pour ses participations régulières dans des émissions télévisées comme « L'Académie des neuf » et « Le Kiosque à musique » avec Jacques Martin.

aaaaaqsd Mais c'est précisément un nouveau rôle de bonne qui lui est confié en 1972, au théâtre du Palais Royal, pour jouer au côté de Louis de Funès qui reprend sa pièce fétiche « Oscar » dans une mise en scène de Pierre Mondy. En mai 2014, Laurence Badie était présente pour revoir le film « Oscar » projeté au théâtre de Fontainebleau. Pétillante et enjouée, entre une dédicace d'affiche et une photo souvenir, elle nous a évoqué ses souvenirs sur cette pièce. Un chaleureux merci à elle pour cet entretien.

 

Interview de Mme Laurence BADIE du 17 mai 2014 par Franck et Jérôme

 

- Madame Badie, vous venez de revoir « Oscar ». Quarante cinq ans près sa création avec Louis de Funès, la pièce fait toujours autant rire le public.

- Tant mieux, ce n'est pas étonnant vous savez, Louis de Funès est un immense comique, immortel, et les gens sont toujours très heureux de le revoir.

 

- Quels rapports aviez-vous avec lui au théâtre ?

- J'ai eu d'excellents rapports, il était très sympathique et gentil, mais pas familier. Louis de Funès était quelqu'un qui me vouvoyait et qui était très bien élevé. Il était aussi de nature inquiète, je me rappelle qu'il avait peur de la foule. Ainsi, une fois, il a pris le train et il a bien évidemment été reconnu très rapidement. Au final, tous les voyageurs étaient derrière la vitre de son compartiment. C'était le genre de chose qui l'affolait complètement. D'ailleurs, quand nous avons joué au théâtre, mon mari venait souvent me chercher en voiture à la fin de représentation. Une personne devait venir chercher Louis et l'accompagner jusqu'à la voiture qui le ramènerait chez lui. Eh bien lorsque cette personne n'était pas là, c'est mon mari qui descendait de sa voiture et qui accompagnait Louis jusqu'à la sienne. C'est vous dire sa peur de la foule et s'il était inquiet.

 

- Sur les planches, vous avez joué aussi avec son fils.

- Oui, Olivier a repris le rôle de Gérard Lartigau. Son fils était très content d'être là, il était charmant et très bien dans son rôle, mais il avait déjà en tête l'envie de devenir aviateur. Il a tenu ce rôle pour faire plaisir à son père et n'envisageait pas de faire une carrière de comédien. D'ailleurs, dès que la pièce a été finie, il est allé voir du côté d'Air France.

 

- Dès les années 50, Louis de Funès et vous êtes au même générique de plusieurs films, sans partager des scènes communes d'ailleurs, comme « Les hommes ne pensent qu'à ça ».

- Ah oui, j'avais oublié ce film, c'est exact, j'ai tourné dedans, sous la direction d'Yves Robert. Je jouais une folle sur un manège qui répétait toujours la même chose, c'était donc un texte facile à retenir. [Nous parlons alors du début de carrière de Louis de Funès, du film « Les Impures » de Pierre Chevalier, dans lequel Louis de Funès et elle jouent, mais dont elle a un souvenir lointain]

 

- Revenons à la pièce « Oscar », elle est mise en scène par Pierre Mondy.

- Oui, Mondy a été formidable, il était un très bon metteur en scène. Les répétitions se sont bien passées, nous avons travaillé avec tous les acteurs pendant un mois pour monter la pièce. Il y avait notamment Mario David, qui était un amour. J'avais une scène à jouer avec lui. Tous les soirs, je venais annoncer à Louis que j'allais devenir baronne alors qu'il se faisait masser par Mario. Louis était sur sa table de massage. Lorsque je me présentais devant lui, Louis me faisait alors des grimaces horribles, que le public ne voyait pas, mais c'était intenable et Mario et moi rigolions comme des malades. Et de Funès, qui était quand même content d'avoir réussi à nous faire rire, moralisait : « tout de même, tout de même...» Je vous assure que de Funès qui vous faisait rire, c'était irrésistible, Mario et moi étions comme deux couillons qui nous laissions prendre à chaque fois, on ne pouvait pas s'en empêcher.

 

Un extrait de la pièce "Oscar" en 1971, avec Mario David et Laurence Badie.

 

- Y avait-il de l'improvisation ?

- Non aucune, le texte était suivi. Nous avons joué cette pièce pendant deux saisons mais il y a eu très peu changements. Les principaux changements ont été le remplacement de Gérard Lartigau par Olivier et Annick Alane a repris le rôle de Maria Pacôme avec le talent qu'on lui connaît.

 

- Et vous jouiez dans l'un des plus beaux théâtres de Paris...

- Oh oui il est magnifique avec les fleurs qui le décorent à l'intérieur, et surtout il n'est pas trop grand, c'est important car tout passe, même la moindre grimace faite par un comédien.

 

- Vous parle-t-on encore de ce rôle de la bonne qui épouse le baron ?

- Non, mais j'aime bien ce genre de réunion comme aujourd'hui, avec des professionnels, car c'est l'occasion de revoir les films, de discuter, de revoir à l'écran des comédiens aujourd'hui un peu oubliés. Vous savez, pour la majorité des gens dans notre métier, la vie est faite ainsi : lorsqu'ils disparaissent de la scène, ils s'effacent petit à petit de la mémoire des gens. Ce qui n'est pas le cas de Louis de Funès, car ses films sont encore vus à la télévision et de nouvelles générations le découvrent. Voyez que je suis philosophe et pas gaie du tout du tout (rires).

 

- Etes vous nostalgique de cette période ?

- Non je n'ai pas de nostalgie, je me fous complètement du temps qui passe. Je trouve pourtant que l'époque est aujourd'hui moins bien qu'elle ne l'a été, quand j'ai débuté. A cette époque, la télévision n'existait pas et on parlait de la « famille du théâtre ». Et c'était vrai, car on connaissait tout le monde et tout le monde vous connaissait. Maintenant, il y a tellement de monde avec l'arrivée de nombreuses chaînes de télévision, c'est comme ça, on peut dire que le métier change.

 

- On vous revoit encore dans des films avec Gabin et Fernandel qui sont rediffusés à la télévision.

- J'ai tourné deux fois avec Fernandel, des petits rôles pas extraordinaires dont je ne me souviens plus très bien. Mais j'ai gardé un souvenir merveilleux de lui, il a été un type adorable avec moi, qui était une jeune débutante avec des petits rôles. C'est l'un des plus grands que j'ai rencontrés, tout comme Gabin [ndlr : ils ont tourné ensemble dans « Razzia sur la schnouf », « La Traversée de Paris » et « Maigret voit rouge »] J'avais un petit rôle dans « Razzia sur la schnouf » et Gabin qui était la vedette du film répétait toujours « avantage à la petite », c'était mignon et peu de comédiens l'auraient fait. A cette époque, les plus grands étaient les plus humbles.

 

- Merci pour ces quelques mots.

- Merci à vous et à bientôt !

 

Laurence Badie avec les auteurs après l'entretien, au théâtre de Fontainebleau.

 

Haut de page / Retour au sommaire des interviews / Retour au sommaire principal