Le 26 août 2014, la ville se Saint-Tropez fêtait l'inauguration de son exposition « 100 ans pour Louis de Funès, 50 ans pour Le Gendarme de Saint-Tropez et la Ford Mustang ». Pour l'événement, trois des quatre gendarmettes étaient invitées pour livrer leurs souvenirs au public. A cette occasion, nous avons pu échanger quelques instants avec Babeth, Nicaise Jean-Louis et Catherine Serre, qui ont répondu avec plaisir à nos questions. Merci à ces trois actrices pour l'agréable moment passé à bavarder du « Gendarme et les gendarmettes » à deux pas de la place des Lices.
Interview des gendarmettes du 26 août 2014 par Franck et Jérôme
- Mesdames Serre et Jean-Louis, vous avez travaillé ensemble sur « Moonraker » puis sur « Le Gendarme et les gendarmettes ». Trente-deux ans après le tournage du film, c'est la première fois que vous vous revoyez ? Nicaise Jean-Louis – Justement non ! C'est amusant, nous nous sommes retrouvées l'an dernier au château de Vaux-le-Vicomte pour une commémoration de « Moonraker ». Nous étions invitées pour répondre aux questions, raconter des anecdotes de tournage, signer des autographes... Catherine Serre – Oui et c'est très sympa de se revoir, c'est à cette occasion que plein de souvenirs ressurgissent. Ces retrouvailles donnent une impression assez étrange, c'est un sentiment plutôt doux mais aussi nostalgique et joyeux à la fois. Au final, on se dit « quelle belle époque on a vécue ! »
- A voir vos sourires, nous devinons que vous conservez toutes les trois un agréable souvenir du tournage de ce « Gendarme et les gendarmettes »... Babeth – Oui, ce sont des souvenirs extraordinaires avec des personnages formidables et qui, pour ceux qui ont disparu depuis, nous manquent. Ces mois de tournage furent une belle aventure, un vrai moment de grâce. Catherine Serre – C'était formidable ! A cette époque, nous prenions notre temps pour tourner. Une journée entière pouvait être consacrée au tournage d'une scène ou de quelques plans qui, au final, ne durent pas plus d'une minute à l'écran. L'équipe n'hésitait pas à prendre du temps pour mettre les choses en place, diriger les comédiens, se déplacer si nécessaire, corriger etc... Ce type de travail est devenu impossible aujourd'hui, tout va plus vite. Nicaise Jean-Louis – Absolument et, le reste du temps, lorsque nous ne tournions pas, nous pouvions faire ce que nous voulions. C'était à la fois très ludique et très décontracté.
De gauche à droite : Catherine Serre, Michel Galabru, Sophie Michaud, Louis de Funès et Babeth (collection F&J)
- Comment avez-vous été engagées ? Nicaise Jean-Louis – Gérard Beytout était le producteur et c'est lui qui nous a engagées mais, dans mon cas, c'est de Funès qui m'a choisie. Il m'avait déjà repérée dans « Moonraker » et surtout, comme il n'était pas très grand et que je mesure 1,76 mètre, l'écart de taille créait un effet comique. Plusieurs grandes filles avaient été contactées, notamment des mannequins, mais j'ai finalement été choisie. Catherine Serre – C'est un peu la même chose pour moi. J'avais fait le Conservatoire et la production m'a contactée en passant par mon agence. A dire vrai, une comédienne qui était sortie de la Comédie Française avait d'abord été pressentie et, pour une raison que j'ignore, elle n'a pas eu le rôle. J'ai eu la chance d'être alors engagée dans ce film qui est depuis devenu culte. Babeth – Quant à moi, j'avais fait un disque à l'époque et j'avais dû être repérée lors d'un passage à la télévision. La production m'a ensuite contactée.
- Babeth, vous connaissiez déjà la région tropézienne à cette époque, c'est exact ? Babeth – Effectivement, je la connaissais mais pas à la saison où nous avons tourné les extérieurs, c'est à dire en mai et juin. Je louais une maison à Ramatuelle où Johnny Hallyday venait me rejoindre.
- Est-il exact que Louis de Funès et Johnny se sont rencontrés ? Babeth – Oui, j'avais organisé une soirée dans la villa que j'avais louée dans les parcs, en présence de Louis de Funès, Michel Galabru et leurs épouses, Johnny Hallyday et moi-même. Et je peux vous dire que ce fut un repas de grosses rigolades !
- Catherine Serre, vous fréquentiez Louis de Funès hors tournage ? Catherine Serre – Oui, de Funès était quelqu'un de vraiment très, très drôle. Je me rappelle d'une soirée à l'hôtel où il improvisait avec Galabru. L'un imitait un moustique et l'autre jouait celui qui cherche à l'écraser. Là, tel que je vous le raconte, ça ne rend rien bien sûr, mais une scène pareille jouée par ces deux grands acteurs comiques, ça devenait toute une épopée. C'était inénarrable, tout était magnifique avec eux.
Babeth avec Patrick Préjean (collection F&J).
- Vous arrivait-il d'improviser ? Nicaise Jean-Louis – Non, avec de Funès, tout était bien cadré, bien étudié à l'avance. C'était du sur mesure pour lui. J'ai pas mal tourné car, si vous vous rappelez le film, je suis la dernière à être enlevée. La scène de mon enlèvement, nous l'avons tournée sur le port. Je me rappelle que, ce jour là, Louis et moi étions tous les deux assis dans la Méhari. Je lui ai avoué que j'avais le trac. Alors, il m'a répondu « regardez mes mains...» – il avait les mains posées sur le volant et elles tremblaient d'angoisse ! – avant d'ajouter « mais il faut faire avec ». Et là-dessus on a tourné ! D'ailleurs, la scène où il montre le chemin à des touristes anglais, juste avant l'enlèvement, a été assez éprouvante à tourner, on a fait au moins trente prises ! Catherine Serre – Je n'ai pas fait autant de prises sur une scène. Mais je me rappelle la scène où de Funès et Babeth sont à côté de la Méhari, lorsque elle lui montre un petit mot, il l'a recommencée un très grand nombre de fois. Babeth – Sur ce tournage, je n'ai pas fait beaucoup de prises. Mais il est exact que Louis de Funès faisait preuve d'une très grande conscience professionnelle et, tant qu'il estimait que ça n'allait pas, une prise supplémentaire était décidée. Ce qui demandait évidemment beaucoup de temps.
- Babeth, vous avez tourné une scène techniquement compliquée montrant un carambolage à l'entrée de Ramatuelle... Babeth – Ah oui ce fut une scène mythique avec les voitures et les camions qui se percutent. J'ai surtout le souvenir d'une grosse préparation de Rémy Julienne. Avec son équipe, il avait commencé très tôt le travail, effectuant de nombreuses cascades. Et là de Funès arrivait, furieux, m'engueulant car je dansais un tango avec Grosso. Je garde d'ailleurs de Grosso un excellent souvenir ; pendant une semaine on a appris à danser ensemble puis on a tourné cette scène. C'était impressionnant mais je n'avais pas peur d'être au milieu des voitures qui vont et qui viennent car j'avais une confiance totale en Rémy Julienne qui savait très bien ce qu'il faisait.
Babeth, Grosso et Louis de Funès sur le tournage du film l'entrée de Ramatuelle (collection F&J).
- Vous n'étiez pas importunés par les badauds ? Nicaise Jean-Louis – Non, nous avons tourné deux mois et demi mais le tournage a eu lieu aux mois de mai et juin. Certes il y avait déjà beaucoup de monde mais ce n'était pas non plus juillet-août. C'était super bien ! Si je reviens à Saint-Tropez, ce sera hors saison (rires). A propos des lieux de tournage en extérieurs, nous en avons reconnu certains lorsque nous sommes arrivées à Saint-Tropez. On se disait : « Tiens, là, tu te rappelles ? On avait tourné cette scène ici... ». Babeth – Exact, y compris sur de petites routes ! Je suis passée cette après-midi au petit carrefour où je suis enlevée dans le film et j'ai constaté qu'il n'avait pas changé ! Catherine Serre – Pour les extérieurs, je dirais que la nature n'a pas trop changé, les autorités ont su bien préserver les espaces. C'est aussi pour ça qu'on reconnaît assez bien les lieux et, quand on passe devant, on retrouve cette même ambiance. On a tourné ici pas mal de scènes en extérieurs, mais aussi d'autres en studio, comme celles supposées sur le yacht Albacora.
- Entre extérieurs et studios, combien de temps a finalement duré le tournage ? Réponse collective - Nous avons d'abord tourné deux mois ici pour les extérieurs, en mai-juin, puis deux mois environ à partir de septembre pour les studios à Paris.
Nicaise Jean-Louis, Maurice Risch et Louis de Funès dans le film (collection F&J).
- Justement, le tournage a été endeuillé pendant l'été par la disparition de Jean Girault... Catherine Serre – Oui et Tony Aboyantz a assuré la mise en scène sur toute la fin du tournage. Tout s'est bien passé, Tony Aboyantz s'en est très bien sorti. Il faut dire que tout était déjà bien découpé à l'avance. Nicaise Jean-Louis – A la mort de Jean Girault, nous avons tous été en quarantaine et nous avons passé des radios car il se racontait que le réalisateur était mort de la tuberculose. Babeth – Et après le tournage a eu lieu la promo du film, en France chez Michel Drucker, mais nous avons aussi présenté le film en Allemagne, en Italie...
- C'est un film qu'il vous arrive de revoir ? Babeth – Je le revois chaque année avec un grand plaisir à chaque fois mais j'ai manqué sa dernière diffusion car je n'étais pas en France à ce moment-là. Aujourd'hui, ce film a 32 ans mais il garde toujours son public et je pense qu'il aura du succès pendant de nombreuses années. Brigitte Bardot et Louis de Funès ont marqué l'histoire de Saint-Tropez pour un long moment je crois... Nicaise Jean-Louis – Je l'ai revu récemment, en compagnie de mes petits enfants qui l'ont découvert. J'en profitais pour raconter des anecdotes de tournage. L'un de mes petits fils a sept ans et il était scotché devant l'écran. C'est fou de constater que de nouvelles générations découvrent le film. Catherine Serre – Lorsque mon fils apprend que le film est programmé, il me passe un coup de téléphone pour m'avertir. Beaucoup d'amis me préviennent aussi : « Catherine, le Gendarme et les gendarmettes passe ce soir à la télé ! » Et comme pour « Moonraker », des gens qui aiment les « Gendarme » viennent avec des photos d'époque pour demander un autographe. Cet enthousiasme a un côté très familial et très sincère. Je trouve que le contact avec les gens est vraiment très agréable car c'est finalement cet amour commun pour Louis de Funès qui fait qu'on se réunit et qu'on en reparle avec plaisir...
Le maire de Saint-Tropez entouré de Nicaise Jean-Louis, Catherine Serre, Babeth et Rémy Julienne, à Saint-Tropez, en août 2014 (collection F&J)
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