(collection IRCEC)

 

Maurice FRYDLAND

 

iuyatrezzzzMaurice Frydland est un homme à la carrière bien remplie et incroyablement variée. Après avoir interrompu ses études de médecine pour devenir assistant-réalisateur, notamment auprès de Joris Ivens, Marcel Bluwal, Robert Dhéry, Michel Boisrond et Jean-Marie Drot, il commence à travailler pour la télévision comme grand reporter et documentariste. Il se tourne par la suite vers la fiction.

iuyatrezzzzIl participe à la réalisation de nombreux téléfilms tels " L'Epingle noire " (1982) avec Gérard Desarthe et Caroline Chaniolleau, " Le Mystérieux Docteur Cornélius " (1983) avec Gérard Desarthe, et Jean Bouise, Georges Géret, " La Force du destin " (1986) avec Corinne Touzet et Bernard Lecoq. Au cinéma, il est le co-adaptateur de " L'Arme au bleu " (1981) avec Pierre Arditi et Richard Anconina, " La politique est mon métier " (1984) avec Jean-Claude Bouillon ou encore " L'Homme de pouvoir " (1985) avec Pierre Arditi et Macha Méril. Il travaille aussi sur plusieurs épisodes de la série " Les Cinq dernières minutes " (" La Ballade de Ménardeau ", " La Mort aux truffes ", " Sang au soleil ").

iuyatrezzzzIl oeuvre à différents documentaires et reportages, dont " Les Encyclopédistes ", " Clausewitz ", " Munich, ville olympique ", " Les Cent livres ", " Une légende, une vie ". Enfin il est l'auteur de deux ouvrages, intitulés " Roger Vadim " (Collection Cinéastes d'aujourd'hui, Editions Seghers) et " Le Western " (Oeuvre collective, Editions 10/18). Enfin, il est président du Groupe 25 Images (Guilde des Réalisateurs de fiction TV).

iuyatrezzzzMaurice Frydland nous a quittés en mai 2016 à l'age de 82 ans. En 2007, cet homme très charmant et disponible nous a livré ses souvenirs concernant "La Belle Américaine", où il fut assistant à la mise en scène. Il côtoya à cette occasion Louis de Funès et toute la troupe des Branquignols.

 

 

Interview de M. Maurice Frydland du 18 décembre 2007 par Franck et Jérôme

 

- M. Frydland, vous avez interrompu vos études de médecine pour devenir assistant- réalisateur, comment vous est venu cette vocation ?

- J'ai toujours eu envie de faire ce métier, la médecine était une erreur de parcours, je suis revenu à mes sources rapidement. J'ai fait des études scientifiques après j 'étais trop vieux pour présenter l' IDHEC Je suis donc entré par la petite porte dans le métier, en portant les sandwiches, les boissons, en aidant un peu partout. J'ai suivi le cursus normal pour devenir assistant, j'ai gravi les échelons: stagiaire, second assistant, premier assistant...

 

- Comment en êtes vous arrivé à travailler sur "La Belle Américaine" ?

- Je crois qu'il cherchait un deuxième assistant ce qui tombait bien puisque je venais de passer second. Quelqu'un a dû donner mon nom à Robert Dhéry qui m'a appelé. A cette époque je faisais de la pub et je fus très heureux que l'on fasse appel à moi car j'étais un fan assidu de la troupe des Branquignols et de leurs spectacles tels qu "Ah les belles bacchantes !". A cette époque ils revenaient des Etats-Unis où ils avaient longtemps tournés notamment à Broadway. Ils ont par la suite écrits le scénario de "La Belle Américaine" avec Pierre Tchernia. Le premier assistant devait être Tony Aboyantz je crois et je me suis donc retrouvé à travailler à ses côtés.

 

- Comment s'est déroulée votre relation avec Robert Dhéry et sa troupe ?

- Avec Robert tout était parfait, je garde un très bon souvenir de ce film, tout s'est très bien passé. L'équipe était formidable. C'est Pierre Lhomme qui était opérateur et Ghislain Cloquet directeur de la photographie. Nous avons quasiment tout tourné au studio de Billancourt, qui n'existe plus aujourd'hui, sauf quelques scènes comme le concours de beauté. Mais en ce qui concerne le salon de coiffure, le bistrot et le quartier, tout était en studio.

 

- Est-ce à cette époque que vous avez rencontré Louis de Funès ?

- A cette époque Louis de Funès n'était pas une grosse vedette, c'était un second plan mais il avait beaucoup d'amis tels que Dhéry ou Tchernia qui le faisait tourner. J'ai beaucoup discuté avec lui, il était très ouvert et me faisait beaucoup rire. Il avait fait beaucoup de théâtre avant. Il était toujours accessible car il n'était pas encore la star qu'il allait devenir, mais de toutes façons sur ce plateau il n'y avait pas de stars. Que ce soit Jacques Fabbri, Robert Dhéry, Collette Brosset, Alfred Adam ou encore Christian Duvaleix, tous venaient du cabaret, ils n'étaient pas très connus. A cette époque les stars étaient des personnes comme Jean Marais.

 

- Le fait que ces personnes soient toutes issues du cabaret a t-il contribué à un grand nombre d'improvisations sur le plateau ?

- Oui tout à fait, l'impro marchait à fond dans ce film, tout le monde proposait des choses et Dhéry écoutait toujours. De Funès faisait beaucoup d'impro et Robert était vraiment preneur de tous ses gags. Tout le monde avait un petit rôle dans ce film, c'était très sympa, même les techniciens avaient droit à une petite panouille. C'était un réel bonheur, une vraie complicité et une ambiance très familiale.

 

- Il paraît que Robert Dhéry n'était pas un réalisateur très exigeant, est-ce vrai ?

- Oui il ne demandait pas de refaire beaucoup de prises, il se contentait de trois ou quatre. En revanche je me promenais beaucoup dans les studios et j'allais voir un peu les autres films qui se tournaient. Sur le plateau d'à côté il y avait un homme qui avait très souvent les honneurs du "Cahier du Cinéma" qui s'appelle Alexandre Astruc et qui tournait un film en noir et blanc. Je le regardais faire, il exigeait 38, 40 prises, c'était énorme ! Et dès qu'il avait achevé toutes ces prises il disait "je garde la 3ème, la 24ème et la 36ème". Je me demandais comment il parvenait à se souvenir de celles-ci précisément.

 


Maurice Frydland en 2002 (collection Le Monde)

 

- Quelles furent les critiques à la sortie du film ?

- Alors j'ai une anecdote à propos de cela qui me permettra de vous illustrer ce que différentes personnes pouvaient en penser. Le film était co-produit par Henri Diamant-Berger et un américain richissime marié à Patachou. Diamant-Berger avait vraiment le style du producteur avec une grosse chaîne en or C'était l'image du producteur traditionnel. Un jour des gars traînaient dans le couloir et Diamant-Berger se lamentait devant les techniciens en disant "Le film est une catastrophe, on perd de l'argent, ça ne marchera jamais". L'américain lui dit alors "Arrête de pleurer, si tu veux je te rachète tes parts". Diamant Berger lui a dit "tu plaisantes ?" et ils sont allés dans son bureau. Or, du jour au lendemain, il a revendu 50% de ses parts. Le film sort et j'assiste à une projection privée avec des amis techniciens et on était écroulés de rire pendant tout le film. Dhéry était inquiet, il me disait "tu crois que ça va marcher, je ne suis pas sûr", j'essayais de le rassurer en lui disant que le film était formidable et qu'il n'y aurait aucun problème. A sa sortie le film a eu de très bonnes critiques et a réuni 600 000 personnes à Paris en premier exclusivité je crois, ce qui était phénoménal. A l'époque un film sortait dans deux cinémas principaux puis dans les salles de quartier et "La Belle Américaine" a merveilleusement bien fonctionné partout.

 

- Comment expliquez vous ce succès, est-ce parce que la trame est originale ?

- Non, tout simplement parce que le film est drôle et que nous rions beaucoup aux gags. Vous savez à cette époque, aucun technicien ne se posait la question de savoir si le film allait marcher ou pas, on faisait notre travail. C'est d'ailleurs ce film qui a lancé la carrière de Dhéry car ses précédents films n'étaient pas très bons. C'est difficile de savoir si un film marchera ou non, c'est très aléatoire. Prenez l'exemple d'Yves Robert et de son film "La Guerre des boutons", personne n'en voulait et il s'est "trimballé" ses bobines pendant un bout de temps avant qu'une petite distribution les accepte. A cette époque il avait de grandes difficultés pour manger et vivre et il avait presque totalement réalisé le film avec ses propres deniers. Ce film a été un énorme succès qui lui a permis de vivre confortablement pendant plusieurs années. C'est un peu pareil pour Oury, qui, avant de se lancer dans le comique avec "Le Corniaud, "La Grande Vadrouille", "La Folie des Grandeurs", "Les Aventures de Rabbi Jacob" a fait énormément de films tristes et dramatiques qui n'ont pas remporté un franc succès. Vous voyez à quel point tout cela est complexe, la preuve en est que même les producteurs, qui avaient investi leur argent, ne croyaient pas en ce film. Dhéry, lui, n'était pas suicidaire, évidemment il y croyait. Mais il était surtout une star au théâtre, il y était successful mais beaucoup moins au cinéma d'où ses petits doutes. Mais au théâtre, il a toujours été une immense vedette, très américanisé tout comme Colette Brosset. Un spectacle des Branquignols faisait toujours un nombre impressionnant d'entrées. Robert Dhéry était très simple sur le plateau, je mangeais souvent avec lui et par la suite je l'ai beaucoup revu. Il avait toujours un mot gentil, il me disait "je suis ta carrière, tu fais de très bonnes choses".

 

- Robert Dhéry souhaitait-il que le film soit tourné en couleur ?

- Non pas spécialement, mais il avait tout de même imaginé la dernière scène sur le champ de courses tournée en couleur car cela symbolisait le bonheur et le triomphe.

 

- Y' t-il eu des projets émis pour tourner une suite, une "Belle Américaine 2" ?

- Non il n'a jamais été question d'une suite. Mais cela ne l'a pas empêché d'enchaîner sur de gros succès. J'ai par la suite beaucoup plus travaillé pour la télé, j'ai abandonné ma carrière d'assistant pour commencer celle de réalisateur à la télévision. Ce qui ne m'a pas empêché de rester très souvent en contact avec Robert Dhéry et Pierre Tchernia.

 

 

- Justement, quel était le rôle et l'apport de Tchernia pour ce film ?

- Il était là tous les jours. Il travaillait en tant que co-scénariste et non pas co-réalisateur. Il était très proche de Dhéry et je le voyais souvent derrière la caméra quand Dhéry ne pouvait pas l'être.

 

- Quels souvenirs gardez vous donc de ce film ?

- C'est un de mes plus beaux souvenirs. Je n'ai malheureusement pas eu de projets avec eux par la suite.

 

- Et concernant Louis de Funès ?

- Il m'a beaucoup fait rire, il racontait sans cesse des blagues et il était très gentil. Je me souviens qu'il avait un double rôle dans ce film celui d'un commissaire de police et d'un contremaître d'usine.

 

- Il paraît d'ailleurs que vous avez un rôle dans ce film ?

- Oui, comme la majorité des techniciens nous avons tous participé en faisant des panouilles. Effectivement j'ai un petit rôle, je fais le gardien de l'usine qui ouvre le portail à Robert Dhéry et Bernard Lavalette quand ils arrivent dans la Cadillac pour l'inauguration.

 

- Vous avez été assistant réalisateur, documentariste, producteur télé, vous avez travaillé dans la fiction...c'est un besoin pour vous de changer ?

- Oui, c'est très plaisant de toucher à tout et c'est un peu ce que je reproche maintenant, on vous colle trop facilement une étiquette alors qu'avant, tout était diversifié. Je partais en Alaska, en Ethiopie puis six semaines aux Etats Unis... J'aime changer, je n'aime pas me cantonner au même travail.

 

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