Michel DUPLAIX
Parfois crédité Dupleix, Michel Duplaix est un artiste français. C'est volontairement que nous écrivons "artiste" et non pas "acteur" car ce comédien, qui cotôya notre idole sur les "Fantômas", "Hibernatus" et "Les Aventures de Rabbi Jacob" est aussi un sculpteur. Depuis son enfance, il a rêvé d'en faire son métier. Aujourd'hui, il en a fait sa passion. Michel Duplaix, que les cinéphiles connaissent pour "ses petites lunettes rondes" (qu'évoque Marc Lemonnier dans son livre "Sur la piste de Fantômas") a aussi tourné dans "Les Barbouzes" de Georges Lautner et a surtout accumulé les rôles pour les séries télévisées et les téléfilms. C'est notamment avec Jean-Christophe Averty qu'il travailla énormément. Nous remercions chaleureusement cet homme très sympathique et disponible qui a aimablement répondu à nos questions...
Interview de Michel Duplaix par Franck et Jérôme du 5 mai 2007
- Monsieur Duplaix, l'Internet affirme que vous avez commencé à la télévision en 1961 avec "Egmont", est-ce exact ? Et comment en êtes vous arrivé au cinéma ? - En réalité, j'ai commencé avant. Après l'obtention de mon bac et quelques années d'études en droit, j'ai rencontré en 1954 dans le quartier latin un ami qui mettait en scène une pièce de théâtre. Elle s'appelait "La Guerre dans le Negev". Il me raconta ses projets et me dit qu'il lui manquait un dernier comédien. Mais un comédien pour un rôle se limitant à une seule phrase. Je lui fis la réplique, et fus engagé pour ce petit rôle. Mais nous nous trouvions alors quelques années après l'indépendance de l'Israël (qui remonte à 1948) et l'un des principaux acteurs se désista au dernier moment, après avoir annonçé qu'il retournait dans son Israël natale ! La personne qui le remplaça, ce fut moi. Et comme cette expérience m'avait plu, je me suis lancé au cours Simon. Ensuite, à la Sorbonne, nous jouions des textes en vieux Français. En 1960, à mes débuts, alors que j'étais aussi guide touristique, je jouai dans "Chérie Noire" au théâtre (de François Campaux avec Marpessa Dawn). On fit de nombreuses représentations en Afrique du Nord aussi...
- Qu'en est-il de vos passages à la télévision ? - Je participais à des émissions et des séries de TV. Il y eut "Le Temps de Copains" (un feuilleton télévisé français en 115 épisodes de 13 minutes et un épisode de 26 minutes, en noir et blanc réalisé par Robert Guez sur un scénario de Jean Canolle) ou encore "Ame et Conscience" (une série tenue par Jean Prat, Claude Barma, Pierre Nivollet et Jean Bertho qui dura entre 1954 et 1969). J'ai fait "Egmont", en 1961, avec Michel Piccoli . Et puis le premier 7 d'Or pour "Gori-le-Diable" avec D.Evenov.
- A présent, parlons un peu des "Fantômas"... - "Fantômas" est aujourd'hui le film dont on me parle le plus aujourd'hui avec "Les Barbouzes". Je connaissais Jean Marais depuis 1960. Nous nous étions rencontrés lors d'une représentation aux "Trétaux de France" de "l'Antigone" d'Anouillh avec Jean Davy. Nous jouions à Marnes-la-Coquette pour les 70 ans de Maurice Chevalier. Et nous nous sommes retrouvés sur le tournage de "Fantômas" en 1964. J'en ai tourné deux, les inspecteurs n'étant pas présents dans le troisième volet de la série (l'autre inspecteur étant Christian Toma). Quant à Louis De Funès, je l'avais rencontré dans un film de Georges Lautner l'année précédent "Fantômas" et qui s'appelait "Des Pissenlits par la Racine". Peu après "Fantômas", j'ai reçu un coup de fil de Belgique par des producteurs qui avait vu le film et qui s'apprétait à faire une adaptation de la BD "Rick Hochet contre le Caméléon". Lorsque je reçus le scénario, je me rendis compte qu'il n'y avait aucune adaptation de dialogues... Ils avaient simplement laissé les bulles de la BD, nous allions à la catastrophe ! Le film s'est finalement fait...
"Fantômas" d'André Hunebelle (1964), où l'on voit Jacques Dynam, Louis De Funès, Michel Duplaix et Christian Toma
- Comment Louis De Funès était-il, vous qui l'avez connu au moment où sa carrière explosait ? - Je mangeais à sa table au restaurant de Boulogne Billancourt lorsque nous tournions "Fantômas". Un jour, il prit pour blaguer un ton désagréable, jouant l'air du type qui commande et lança "bon, le vedettariat arrive, faut en profiter". Il était travailleur, mais timide et discret, c'est à dire l'inverse de ce qu'il paraissait à l'écran. Vous savez, il était généreux mais ne voulait pas que cela se sache. Chez lui, dans son château, il faisait souvent des dons pour l'église mais restait discret et pudique. En 1973, alors que ma carrière était au plus bas à la suite d'ennuis familliaux, c'est lui qui me proposa le rôle du directeur d'Orly dans "Les Aventures de Rabbi Jacob" et me présenta à Gérard Oury. Je lui suis donc très reconnaissant pour ça. Lors de mon premier jour de tournage, je me suis approché de lui pour le remercier, mais m'a interrompu : "allez on travaille, on travaille !". Il était comme ça, il ne voulait pas que les autres apprennent qu'il m'avait aidé. Il me reste aujourd'hui de lui des petits mots de remerciements qu'il m'avait écrits, car je l'avais félicité pour son interprétation dans "Rabbi Jacob" où il était exceptionnel. C'était un grand acteur, un monstre avec Gabin, Raimu et Fernandel...
- Et vous avez aussi tourné dans "Hibernatus" d'Edouard Molinaro... - Ah oui c'est vrai ! J'y jouais avec Mickael Lonsdale qui est un homme charmant...
- On a souvent raconté que le tournage était tendu, l'avez vous ressenti ? - Pour moi le tournage fut rapide. Mais c'est vrai que les rapports entre De Funès et Molinaro n'étaient pas toujours faciles. Ensemble, ils avaient déja adapté au cinéma la pièce "Oscar". Dans ce film, il y a la fameuse scène du nez, que Louis n'arrivait à réaliser car il lui manquait le public. Il demanda à ce que les techniciens assistent à la scène. Tout le monde sait cela, y compris moi... qui faisait partie du film, je précise ! Mais pour moi, tout c'est toujours bien passé avec Edouard Molinaro. J'ai aussi tourné "Quand Passent les Faisans" (en 1965 avec Paul Meurisse, Bernard Blier et Jean Lefebvre), "Le Gang des Otages" (en 1972 avec Bulle Ogier et Daniel Cauchy), "La Ravissante Idiote" (avec Brigitte Bardot et Anthony Perkins)... Louis De Funès était un acteur fabuleux. Un monstre avec Gabin, Raimu et Fernandel...
Christian Toma, Louis de Funès, Michel duplaix, Jacques Dynam et Antoine Baud dans "Fantômas se déchaîne", d'André Hunebelle (1965).
- Vous avez bien connu Jean Gabin ? - On tourna ensemble dans "L'année Sainte" de Jean Girault, où Gabin interprétait un tolard sortant de prison. A sa sortie, 3 journalistes l'interviewaient. Et j'étais un de ces 3 journalistes. Jean Girault m'avait décrit de quelle manière je devais m'approcher de Gabin, qui estima que mon apparition était trop longue devant la caméra. Il rouspeta : "Trop long !". Je lui expliquai que c'était Girault qui m'avait donné des consignes. En souriant, il me répondit qu'on ne devait plus "s'emmerder" avec cette histoire.
- Vous connaissiez bien Jean Girault ? - Non, j'ai tourné avec lui dans ce film et c'est tout.
- Vous connaissiez mieux Georges Lautner alors ? - Ah oui, il est adorable ! C'était toute une bande, avec Mireille Darc, Michel Audiard, Lino Ventura... Lino m'aimait bien, quel acteur ! Il a voulu que j'ai un bon rôle dans "Les Tontons Flingueurs". Il voulait me voir dans le rôle de l'Allemand. Hélas, comme il s'agissait d'une production franco-allemande, il ne put empêcher la production d'engager Horst Frank. Au final, j'ai été engagé pour doubler Tomate, joué par Charles Reigner. Ainsi va la vie ! J'ai retrouvé Ventura dans "Le Silencieux" de Claude Pinoteau.
- Comment s'est terminée votre carrière ? Pour m'occuper de mes enfants que j'ai eu très tardivement, j'ai mis un terme à ma carrière en 1991. J'ai joué pour les dernières fois à la télévision dans les séries historiques d'Henri Spade et Marion Sarraut. Au théâtre, ma dernière représentation date du 25 juin 1989, à Albi. Nous jouions "Antigone" d'Anouilh. c'est une pièce que nous avons joué partout, même en Afrique, à la Réunion, à Madagascar, aux Séchelles, à l'ïle Maurice...
- Vous avez des regrets dans votre carrière ? - Des regrets parce que je n'ai pas fait tout ce que j'aurais voulu faire ou parce que j'ai arrêté le cinéma ? Vous savez, au final, j'ai joué dans 85 films, j'ai fait pas mal de théâtre et j'ai beaucoup travaillé avec Jean-Christophe Averty. Il y a un film où j'avais un rôle sympa qui s'appelait "Le Blé en liasse" d'Alain Brunet. C'était un film dramatique avec Dalio et Jean Richard en homme d'affaires. Mais il ne fit que 2000 entrées. Pourquoi ? Car à la 1ère représentation, il y avait Melville, Molinaro et... Simone Signoret qui jugea ce film raciste pour une pécadille. Avec Brunet, j'ai quand même tourné plus tard dans "Le Solitaire", avec Hardy Kruger, Raymond Pellegrin et Jean Lefebvre.
Avec Lino Ventura dans "Les Barbouzes" de Georges Lautner (1964)
- Parlons à présent de votre autre grande passion, la sculpture, que vous pratiquez aujourd'hui. C'est une passion très ancienne ? - Oh oui ! Lorsque j'étais jeune, je me passionnais déja pour la sculpture. J'hésitais : suivre des cours de beaux arts ou d'art dramatique ? Dieu merci, j'ai choisi la deuxième option, et j'ai réussi à vivre du théâtre et du cinéma. Parce que, vous savez, vivre de la scuplture n'est pas du tout chose facile !
- Sur votre ex-site internet, vous avez écrit : "Quand j'étais comédien, Jean Marais me dédicaçant un dessin - puis plus tard un deuxième - me demanda : " T'as jamais dessiné ou peint ? " - "Non, mais j'ai toujours adoré la sculpture, à vingt ans - lui répondis-je - j'ai sculpté une tête en calcaire très tendre avec une pièce de cinq francs, ça ressemblait à Toutankhamon" - "Ah bon", Là dessus on nous appela pour tourner... ". Vous avez conservé ces dessins ? - Bien sur ! Je les ai toujours !
- Parlons un peu de votre actualité. En tant que Sociétaire du Salon des Artistes Français et membre du comité, vos oeuvres sont souvent sujet à des expositions. - Oui, la Société m'a d'ailleurs attribué la médaille de bronze des Artistes Français pour mon travail. Mais ce qui est formidable, c'est que je le fais vraiment par plaisir, que je ne cherche pas à gagner de l'argent dessus, bien que je vende parfois mes réalisations. Je travaille sur du bronze mais cela coûte cher, je travaille aussi sur le fer... J'ai récemment réalisé une tête avec une main, un doigt au bord de l'oeil, un autre au coin de la lèvre. Le tout figé dans l'ahurissement. La main est posée sur le poignet, sans bras. Réfléchir au non-être est ahurissant ! L'oeuvre s'appelle "Or not to be". C'est ce genre d'oeuvres que je veux faire, mais mon travail ne fut pas considéré comme acédémique et fut refusé. C'est dingue, pour que cela marche, il faut dessiner des femmes nues ! Un ami me conseille même d'en faire autant ! Mais il y en a marre des femmes nues !!! Et ce n'est pas ce que je souhaite, je veux faire ce que j'aime et mon travail "Or Not to be", je finirai bien par le faire accepter par le jury (rires) !
- Quelques expositions prochainement ? - Oui, j'en ai une du 5 au 19 août à l'Hôtel de Ville de Montcuq, village que Daniel Prévost a rendu célèbre. D'ailleurs, j'ai une anecdote à ce sujet. Il n'y a pas longtemps, le maire du village a décidé de remplacer la Rue de La Mairie par la Rue du Petit Rapporteur. J'étais alors à Montcuq et un ami photographe - qui devait faire un article avec Pierre Bonte - m'a demandé de jouer avec mon épouse deux touristes devant le panneau de Montcuq et nous a photographiés pour l'événement. Ceci fit la page d'ouverture d'Orange. Voilà, parler de Monsieur De Funès m'a rajeuni, c'est toujours cela de pris !
L'actualité de Michel Duplaix Michel Duplaix est sculpteur et expose régulièrement dans des manifestations artistiques, où il a obtenu des prix : médaille de bronze puis d'argent à Art en Capital au Grand Palais 2008, Prix animalier Michel Dimon 2009, Prix Crédit Lyonnais de la sculpture au salon de Chatillon 2011. Pour en savoir plus : http://www.michelduplaix.com/
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