Antoine CHATEAU
A la suite des hommages inédits rendus à Louis de Funès nous souhaitions mettre en avant l’œuvre et le travail d’une jeune homme passionné de graffitis et de tags. Cette forme d’expression trouve aujourd’hui une connotation sociale et urbaine très intéressante puisque l’image la concernant a totalement changée. D’abord issu des quartiers défavorisés, cet art était surtout l’expression de délinquants qui « graffaient » sauvagement dans le but de détruire et de vandaliser. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes personnes utilisent cette expression comme vecteur de cohésion sociale. A travers leurs productions, ils permettent non seulement d’embellir certains quartiers mais de sensibiliser et d’occuper les jeunes à travers un travail d’artiste offert au grand public. Antoine Château fût contacté par la ville de Saint Brieuc il y a quelque temps pour travailler sur des pans de murs laissés à l’abandon. La célébration de la disparition de Louis de Funès battant alors son plein à cette époque, ce jeune homme eut alors l’idée de lui rendre hommage au travers de son œuvre. Après avoir reçu l’aval de la collectivité, Antoine a pu s’atteler avec grand plaisir à la création d’une fresque en plusieurs panneaux que nous vous laisserons le soin de découvrir en bas de page. C’est avec grand plaisir que nous avons pu échanger avec lui à propos de ses réflexions et de la conception de cette toile grandeur nature. Vous verrez que contrairement aux idées reçues, le graffiti est un art demandant une grande préparation. Un grand merci à Antoine pour sa disponibilité et pour être le témoin vivant que toutes formes de supports peuvent être de très belles occasions de célébrer un hommage à Louis de Funès !
Entretien avec M. Antoine CHATEAU du 10 septembre 2015 par Franck et Jérôme
- M. Chateau comment est né le projet de travailler en collaboration avec la mairie de Saint Brieuc pour l'embellissement des murs de la ville ? - J’habite Saint Brieuc depuis quinze ans et je dispose d'un statut d'artiste muraliste. Beaucoup de personnes se sont appropriées des zones urbaines pour de l'affichage sauvage (affiches politiques, tags, dégradations diverses...) et la mairie souhaitait revaloriser ces zones par un moyen novateur et original.
- Pourriez définir votre style ? - Il est unique en son genre et donc très personnel. J'ai développé le concept « RURBAIN » à savoir l'utilisation d'un code urbain (expression à la bombe avec des couleurs très vivantes et des compositions dynamiques) intégré à une thématique plus rurale (emploi de paysage et de grands décors).
- Qu'en est-il de la zone ou le tag de Louis de Funès a été créé ? - Il s'agissait d'une zone intéressante à proximité immédiate d'un cinéma. La ville m'a contacté en m'expliquant son souhait d'une fresque murale en relation avec le cinéma. Comme nous étions en 2014 et que nous étions en pleine célébration du centenaire de Louis de Funès, c'est tout naturellement que nous avons opté pour ce thème qui m'a de suite enchanté. La mairie m'a laissé carte blanche pour mener à bien ce projet.
- Comment pourriez vous expliquer votre travail ? - Tout part d'une envie de valoriser la culture française. Je revendique l'utilisation de mon art graphique pour mettre en avant ce qu'on peut appeler la French Touch c'est à dire le savoir faire à la française dont je suis particulièrement fier et que je souhaite exprimer dans mon travail. Cette qualité à la française peut être mise en avant sous différents supports : Louis de Funès faisait des films de grande facture avec un jeu très travaillé. On peut transposer cette rigueur et cette opiniâtreté dans l'art graphique que j'exerce. Il existe une corrélation entre son travail et le mien que je souhaitais mettre en avant et permettre ainsi de revendiquer la qualité du travail français.
- Expliquez nous le projet de la fresque De Funès en détails... - C'est une démarche très réfléchie pour laquelle j'ai du étudier beaucoup de supports et de sources. J'ai repris des affiches de films de Louis de Funès, des photos de lui à diverses époques et me replonger dans l'ambiance de ces films et de cette époque cinématographique. Le site de la fresque se divisait en trois supports différents : une vitrine, une sortie d'un ancien lavomatic et un pignon de mur d'une maison abandonnée. J'ai donc eu l'idée de découper le site en trois parties correspondant à trois décennies. La première partie fait référence aux années 50/60, une décennie vintage que j'ai travaillé avec des couleurs grises et noires et son nom dans une typographie ancienne. La seconde rend hommage à la décennie 70/80 avec la création d'un portrait à l'américaine décliné en pop art avec des couleurs très dynamiques et vives. La dernière partie est consacrée à la fin de sa carrière qui correspond aussi à la naissance du graffiti. J'ai donc utilisé un support très visuel, avec du texte dégoulinant dans le plus pur style du tag. Je souhaitais aussi intégrer un élément culte et j'ai opté pour la 2 CV. En revanche je n'ai pas voulu peindre un second rôle car je voulais une optique directe sur De Funès.
- Louis de Funès est-il difficile à dessiner et à peindre ? - Difficile oui dans le sens où il avait un tel nombre d'expressions très caricaturales qu'en les exploitant le risque était grand de les déformer. Il a fallu les exploiter avec précaution.
- Vous aviez déjà une passion pour Louis de Funès avant ce projet ? - Non on ne peut pas parler de passion,je n'étais pas « fan » comme on peut classiquement assimiler certaines personnes. En revanche j'ai toujours apprécié ses films que je regardais à la télévision lors de leur diffusion. J'ai donc été sensible à son jeu d'acteur et son style. Ce que j'apprécie dans les films de Louis de Funès c'est les messages qu'ils véhiculent. Je pense notamment à « Rabbi Jacob » qui met en avant la tolérance, le respect des différences et des autres cultures. Ce sont aussi des messages que je souhaite transmettre via mes œuvres.
- Quel est le retour de la population ? - Il est très bon à deux niveaux. Premièrement la fresque a embelli de manière significative un endroit qui était en délabrement. Elle a donc apporté une valeur ajoutée certaine à la zone. D'une simple fresque, nous avons en réalité crée un véritable jardin éphémère composé d'un banc public, d'arbres et de sable. Ensuite, les gens ont été heureux de redécouvrir Louis de Funès sous un support original. Très peu d’initiatives ont été menées jusque là pour le dépeindre sur un mur. J'en retire une grande fierté.
- Comment situez vous cette fresque dans l'ensemble de votre œuvre ? - Elle est sans aucun doute l'une des plus abouties et en tous les cas celle qui m'a demandé le plus de réflexion. Je constate qu'elle a beaucoup d'impact puisque des touristes se font régulièrement photographier devant.
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