René WIARD

 

azeerty Pendant quarante ans, René Wiard a multiplié les prestations sur les plateaux de cinéma. Au gré des 600 films qui composent sa longue carrière, il a enchaîné les tournages en studios et surtout en décors naturels. Ainsi, en doublant Richard Burton dans Les Oies sauvages, il s'est rendu au Togo, au Nigéria, au Dahomey, en Algérie... Il a doublé les plus grands, tels Peter O'Toole dans La Nuit des Généraux ou Al Pacino dans Bobby Deerfield de Sydney Pollack. « Une ambiance formidable, un souvenir merveilleux. Pollack était son propre patron puisqu'il était à la fois réalisateur et producteur de son film. Lorsque nous tournions à Florence, nous faisions la bringue tous les soirs. » Il exécute aussi des cascades et des figurations, dans de grosses productions comme Le Jour le plus long, Paris brûle-t-il ?... Il travaille avec Bourvil à plusieurs reprises, notamment sur une cascade à bicyclette lors du tournage des Cracks et surtout sur Le Cercle rouge de Jean-Pierre Melville. « Bourvil était un homme extraordinaire, très simple. Au déjeuner, il mangeait avec toute l'équipe dans une gamelle car il suivait un régime spécial. Quand on connaissait sa gentillesse, ça faisait mal de le voir ainsi. » Quant à Melville, il garde le souvenir d'un metteur en scène exigeant, « avec qui on ne rigolait pas, il ne cessait de réclamer le silence sur le plateau. » Enfin, il retrouve Bourvil dans son ultime long-métrage : Le Mur de l'Atlantique. « Décidément, j'ai fait les derniers films des grandes vedettes, plaisante-t-il, car j'ai aussi fait le dernier de Funès, Le Gendarme et les gendarmettes. » Et c'est précisément de Louis de Funès dont il est question dans cet entretien. Merci à cet homme passionnant et charmant d'avoir répondu à nos questions.

 

Entretien de M. René Wiard du 9 août 2017 avec Franck et Jérôme

 

- M. Wiard, votre collaboration avec Gil Delamare remonte à 1964 avec le tournage de Fantomas d'André Hunebelle. Ce furent vos débuts comme motard à l'écran ?

- Absolument, j'avais commencé un peu plus tôt au cinéma comme cascadeur dans Le Capitaine fracasse ou Le Jour le plus long. Cette rencontre avec Delamare s'est faite un peu par hasard dans un bar. J'ai entendu Gil qui recherchait des hommes possédant le permis moto. A cette époque, les détenteurs de ce permis n'étaient pas nombreux. Comme je répondais à son critère, je me suis présenté à lui et il m'a engagé pour réaliser la scène finale de la poursuite.

 

- Le 1er assistant à la mise en scène Jean-Pierre Desagnat se souvient que les plans de la poursuite moto furent très difficiles à mettre en boîte et, par conséquent, ont demandé énormément de temps à tourner, vous confirmez ?

 

- Oui c'est exact. Cette scène a été tournée en plusieurs séquences avec des pilotes différents. Par exemple, c'est Rémy Julienne qui termine une sortie de route dans un talus. Gil Delamare a piloté une moto lui-aussi, ainsi que Roger Mailles, Rondel et moi. Pour filmer certains plans, les principaux comédiens Jean Marais et Louis de Funès ont également pris place sur une moto. Pour d'autres plans, ils n'étaient pas présents et furent doublés.

 

Gil DELAMARE conduit une Cadillac Fleetwood 1960, Rémy JULIENNE est grimé en motard :
tournage de Fantomas dans le Val d'Oise (1964).

 

 

- Outre la course poursuite finale, Gil Delamare a aussi conduit une Simca Présidence qui dévale le Col de l'Espigoulier, près d'Aubagne. Le policier qui poursuit la voiture, c'est vous ?

- Non, cette scène fut tournée par une équipe réduite pour une question de budget. Faire venir plus de monde aurait entraîné de coûteux défraiements. Le drame des productions françaises, c'est que ça a toujours été une question de fric. Aux Etats-Unis, les productions se déplaçaient pendant des mois en extérieurs, jusqu'en Europe ou en Afrique, avec des équipes entières. Pour eux, il n'y avait pas de problème d'argent. Fantomas était un peu inspiré des grosses productions mais s'est tourné avec de plus petits moyens que les Américains. On a réussi à faire du bon boulot malgré tout et le film a bien marché en salles. Fantomas a d'ailleurs permis à Louis de devenir une vedette !

 

- Comment s'entendaient Louis de Funès et Jean Marais ?

- Très bien ! Lorsque je les ai vus, il n'y avait aucun problème entre eux. De Funès commençait à être connu mais n'était pas la vedette du film. Bien heureux d'avoir un premier rôle aux côtés de Jean Marais, son statut ne lui donnait pas les moyens de contester, se rebeller ou faire des caprices de star. Finalement, à l'écran, c'est Louis qui a raflé la mise.

 

- Dans quel état d'esprit se trouvait Louis de Funès avant de tourner ?

- Je le trouvais toujours très inquiet. Par peur de mal faire, il se montrait professionnel en permanence, cherchant à rendre meilleure sa scène. Pour exercer ce métier, c'est une grande qualité. Il fallait gagner sa confiance. Louis de Funès était quelqu'un de sympa et d'intéressant.

 

- Discutiez-vous avec lui hors tournage ?

- Bien sûr, il m'arrivait de manger à sa table, notamment sur son dernier film, Le Gendarme et les gendarmettes. Nous bavardions de choses et d'autres car il n'aimait pas parler que de cinéma. Je crois que ma présence le coupait de l'univers des comédiens. Il avait une tête nouvelle à sa table et, avec ma bonne humeur et mes déconnages, je le faisais rire. J'avais en face de moi une personne marquée par une timidité propre aux grands comiques, souvent enclins à l'angoisse. Pas du tout le genre à vous coller une tape dans le dos. Ce n'était pas Aldo Maccione qui vous mettait une main aux fesses (rires) ! Galabru était aussi très drôle, notamment dans Le Petit baigneur.

 

- Vous avez travaillé sur Le Petit baigneur ?

- Oui, j'étais engagé comme doublure lumière, notamment pour Pierre Tornade. Un jour, l'équipe tournait un plan où il devait figurer mais il n'était pas là. Alors j'ai remplacé Tornade en me mettant de dos dans le cadre. C'était un tournage joyeux, vraiment chouette, avec toute l'équipe des Branquignols. On s'amusait tout le temps avec Dhéry, Legras, Tornade, Galabru... Ce ne sont que des bons souvenirs !

 

- Après Fantomas, vous avez été beaucoup engagé pour des rôles de motards. C'est devenu votre spécialité ?

- C'est à dire qu'à cette époque, pour interpréter des motards, flics ou civils, la production devait se rendre chez plusieurs fournisseurs pour louer des motos et des uniformes. Je me suis dit que je pourrais proposer directement mes services en apportant à la fois mes propres motos et mes propres costumes, ainsi que des véhicules que je louais comme camions loges ou habillements. Des régisseurs ou des directeurs de production ont commencé à me solliciter, parfois pour un jour de tournage, parfois pour des séquences plus longues. Alain Delon et Rémy Julienne me sollicitaient aussi. A l'heure et à l'endroit convenus, je venais avec mon équipe – autant de motards que réclamait la scène à mettre en boîte – qui se tenait très vite prête à tourner. Comme la mode des films à moto commençait à pointer dans les années 1960, mon affaire a bien marché.

 

- Après Fantomas, quand avez-vous retrouvé Louis de Funès ?

- Sur Hibernatus d'Edouard Molinaro, j'ai été appelé par le régisseur Roger Boulais que j'avais croisé sur Fantomas. Pour une scène où des CRS encerclent l'Abbaye de Royaumont, j'ai apporté quatre motards. Et surtout, on a tourné des séquences avec une Citroën ID ambulance. Rémy Julienne conduisait la voiture lorsqu'elle heurte un tas de sable. Et puis sur l'aérodrome au nord de Pontoise, le motard qui passe sous le train d'atterrissage d'un avion, c'est moi ! Sur ce film, on s'est bien marrés à faire ces acrobaties (rires). Louis tournait sur cet aérodrome. A la fin de la journée, il est venu me voir pour me demander un service : "René, je suis pressé, je dois vite rentrer à Paris. Pourrais-tu m'ouvrir la route avec ta moto et ton costume de gendarme ?". J'ai accepté et on en a bien ri !

 

Motards aperçus dans Hibernatus d'Edouard Molinaro (1969)

 

- N'avez-vous pas travaillé sur « La Grande vadrouille » ?

- Si, j'ai fourni un side-car que je conduis dans la scène de la Kommandantur. Et je me rappelle surtout la scène des citrouilles avec Rémy Julienne. Avec Gérard Oury, les choses étaient simples, il accordait toute sa confiance à Rémy pour régler la séquence. D'ailleurs, nous l'avons tournée assez vite, en trois prises me semble-t-il. Un nuage qui passait par là a gâché la lumière sur une prise mais ça s'est bien passé. Nous pouvons aussi relever un détail amusant : le side-car avait été modifié pour les besoins du film. Normalement, un side-car ne possède que trois roues mais celui coupé en deux par le piquet en possédait en réalité cinq car deux roues de secours se trouvaient sur le panier pour protéger son occupant. Et lorsque le panier se retrouve détaché de la moto, il avance sur trois roues et non sur une seule. Ces techniques des accessoiristes font partie de la magie du cinéma.

 

- Avez-vous participé aux Aventures de Rabbi Jacob ?

- Autant que je me souvienne, j'ai apporté une équipe de quatre motards mais je n'ai pas tourné dedans. Il en fut de même sur le tournage des Grandes Vacances.

 

René WIARD, Michel GALABRU et LOUIS DE FUNES à Saint-Tropez en 1982

 

- Vous avez retrouvé Louis de Funès sur son dernier film, Le Gendarme et les Gendarmettes. Ce fut un tournage agréable ?

- Oui, comme tous les films que j'ai faits avec Louis de Funès. Il faisait beau, nous étions bien logés, nourris et le budget nous permettait de faire notre travail dans des conditions confortables. Tous les films avec de Funès n'étaient jamais tristes ! Pour ce film, c'est encore une fois Rémy Julienne qui m'a appelé et nous avons tourné pendant quinze jours à Saint-Tropez avec la deuxième équipe dirigée par Jacques Santi. Nous avons réalisé les prises de vue aériennes du générique, la scène finale avec Jacques François devant la gendarmerie et la course poursuite moto. Quant à Rémy, il a réglé la scène de la 2CV qui se coupe en deux et termine sa course dans une Méhari. C'est lui qui pilotait la voiture. Sur les Gendarmettes, j'ai retrouvé un de Funès amaigri et très fatigué. Son épouse l'accompagnait en permanence.

 

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