Bernard MENEZ

 

aszhertyBernard Menez est un comédien et chanteur français. Rien ne prévoyait chez lui une carrière cinématographique : En 1960, il obtint son baccalauréat puis entra en classe prépa pour être admis à l’ENSET — devenue l’École normale supérieure de Cachan. Il abandonna en cours de cursus pour effectuer son service militaire. Ensuite, il devint professeur de mathématiques, de physique et de chimie dans le secondaire. Mais progressivement, il consacra sa vie aux domaines qu'il adorait, tels le cinéma, le théâtre, les studios d’enregistrement et la télévision. Les cinéphiles le connaissent pour ses prestations dans "La Nuit américaine" de François Truffaut, "Pas de problème" de Georges Lautner, "Dracula père et fils" de Edouard Molinaro ou encore "Ca fait Tilt" de André Hunebelle. Son unique rôle au côté de Louis de Funès fut celui de la Flèche, dans "L'Avare" de Jean Girault en 1980. Il nous évoque ici ses souvenirs de tournage... Bernard Menez chanta également. Son principal succès, pendant les années 80, fut "Jolie poupée". Politiquement engagé, il créa le mouvement DIVERS — Démocrates indépendants voulant ensemble le renouveau de la société — en août 2002, suite à sa candidature aux élections législatives. Ses partisans développent des idées liées à l’écologie, au handicap, au soutien des PME, à la culture française ou encore à la défense des animaux. Merci à ce comédien fort sympathique qui nous a consacré du temps pour répondre nos multiples questions...

 

 

Interview de M. Bernard Menez du 24 juillet 2007 par Franck et Jérôme

 

- M. Menez pouvez-vous nous dire quand et à quelle époque avez-vous rencontré Louis de Funès ?

- Notre rencontre remonte à un an avant "L'Avare" lorsqu'il tournait son film précédent qui devait être "Le Gendarme et les extra-terrestres" (ndlr : c'est exact, c'était en 1978). J'avais alors appris qu'il se préparait à adapter "L'Avare" au cinéma et comme j'avais déjà beaucoup jouer le rôle de La Flèche dans le cadre de la Compagnie Sganarelle dont j'étais le fondateur, j'ai eu le culot d'aller voir M. de Funès dans sa loge. Je commençais à cette époque à être asssez connu pour qu'on me laisse entrer sans problème. Je lui ai dit "Bonjour Monsieur de Funès, je ne sais pas si vous me connaissez, je m'appelle Bernard Menez et je suis acteur" et il m'a répondu "Oui, je vous connais très bien, j'ai vu les films de Pascal Thomas, je vous aime beaucoup". Je lui ai alors expliqué que j'aurais beaucoup aimé jouer ce rôle de La Flèche avec lui. L'en ayant informé, je m'apprétais à partir lorsque Louis me dit "D'accord, c'est bon, les producteurs vous contacteront". C'est la seule et unique fois que je me suis permis ce genre de choses ! Louis semblait m'aimer et m'estimer, il m'a donné sa confiance.

 

Bernard Menez et Louis de Funès

 

- Comment s'est déroulé le tournage de "L'Avare", dans quelle ambiance ?

- Louis de Funès était très à l'écoute des comédiens sur le plateau. A la cantine, il mangeait avec tout le monde. Il avait une grande responsabilité sur ce film. Il a participé aux aménagements mais n'a pas coupé le texte. Je me rappelle d'une ambiance très sérieuse et studieuse mais sans pression.

 

- Dans quel état d'esprit se place t-on pour donner la réplique à Louis de Funès ?

- Je suis parti avec l'idée d'être naturel. De toutes façons, il était impossible de pouvoir rivaliser avec lui. Tout ce qu'il faisait pouvait paraître exagéré mais c'est toujours naturel et drôle. J'ai beaucoup discuté avec lui, je voulais connaître ses débuts. J'avais une grande admiration pour Louis, c'était un acteur génial et très humain.

 

- Il était donc toujours accessible ?

- Tout à fait, mais accessible dans la mesure où il n'était pas occupé à préparer une autre scène. Il fallait y aller au bon moment.

 

- Louis a tenu à ce que pas un seul mot du dialogue original ne soit coupé, y a t-il quand même eu beaucoup d'improvisations ?

- Vous savez, je n'ai pas un grand rôle dans ce film. Mais pour vous décrire comment cela se passait avec Louis, nous répétions pour la technique et pour le jeu et quand je tournais avec lui j'avais envie de rire car il était toujours très drôle. Tellement drôle que parfois j'ai dû tourner la tête hors caméra pour ne pas être vu. D'ailleurs, si vous regardez attentivement le film, vous constaterez que pour la scène dans l'escalier où Louis me dit "Montre moi tes mains, les autres...." il y a un moment où je rigole, je n'ai pas pu m'en empêcher (rires) !

 

- Louis faisait-il beaucoup de prises pour parfaire son jeu au maximum ?

- Non, autant que je me rappelle, il devait faire peut être cinq ou six prises en se renseignant toujours auprès de l'opérateur pour savoir si tout allait techniquement. Pour le jeu, il s'en remettait bien évidemment à son intuition. Le problème est que je ne savais jamais quelle prise allait être la bonne donc il fallait toujours essayer d'être bon.

 

 

- Et cela n'handicapait pas votre jeu ?

- Je ne me suis jamais posé la question mais avec Louis nous ne jouions pas dans la même catégorie. Lui était dans le burlesque, moi dans le naturel. En fait je n'ai même pas pensé à être drôle, je voulais surtout paraître naturel. Je provoquais sa réaction, j'essayais de lire dans ses yeux pour savoir si ce que je faisais lui semblait bon ou pas.

 

- Louis a t-il trouvé beaucoup de gags sur le plateau ?

- Je pense que oui mais je n'ai malheureusement pas de scènes à ses côtés où il y a des gags donc je n'ai pas trop assisté aux scènes où il aurait pu en trouver.

 

- Avez vous personnellement participé à l'écriture de gags ?

- Non pas du tout.

 

- Pouvez-vous nous décrire Louis en train de vous frapper dans la scène de l'escalier ? Il y va franco, non ?

- Il me frappait vraiment mais tout en faisant attention de ne pas me faire mal, c'est pour cela que j'avais l'impression d'être frappé par un ami comédien en fait. Si bien que je crois me rappeller que Louis s'est parfois excusé en me disant "Excuses moi je te tape peut-être trop fort" ou quelque chose comme ça !

 

- Comment perceviez vous les relations du tandem De Funès-Girault ?

- Ils avaient déjà pas mal tourné ensemble donc il y avait une grande complicité entre eux. Le travail entre eux était réparti de manière très stable à savoir que le côté technique, son et caméras relevait de la compétence de Girault et le côté artistique tels que la direction des artistes, le rythme des scènes, les reprises et les coupures était pour Louis.

 

- De ce fait, est-ce que Louis passait quand même de temps en temps derrière la caméra ?

- Il me semble que oui mais je le comprends tout à fait. Cela est pleinement justifié du fait de sa position, il co-réalisait le film.

 

- Sur le plateau, on retrouve Grosso et Modo, Henri Génès, Michel Galabru, Max Montavon.....une fois de plus, Louis de Funès était entouré par sa famille de cinéma...

- Il avait sa famille de cinéma qu'il s'est créée au départ avec la série des "Gendarmes". J'ai beaucoup eu l'occasion de discuter avec Henri Génès sur le plateau notamment parce que celui ci avait fait beaucoup d'opérettes dont "La Route Fleurie" qu'on m'avait proposée de reprendre au théâtre. J'ai d'ailleurs retrouvé au théâtre Michel Modo et j'ai même remplacé Guy Grosso à la Comédie Française dans une pièce de Georges Feydeau qui s'appelait "On Purge bébé".

 

- Est-ce que les horaires de tournage étaient organisés en fonction de Louis qui était malade ?

- Nous avions l'impression d'un tournage normal, avec des horaires normaux, mais il y avait une unité de soin toujours présente sur le plateau au cas où Louis se sentirait mal. Ils avaient prévu cette éventualité mais il n'y a jamais eu de problèmes sur ce tournage.

 

- Pour votre rôle, combien de jours à duré le tournage ?

- Je ne saurais plus trop vous dire, cela devait tourner aux alentours de deux semaines.

 

- Louis était à l'aise avec les jeunes acteurs du film ?

- Oh oui mais à mon goût ils étaient un peu en retrait, ce qui n'est en aucun cas de leur faute. Ils avaient des scènes explicatives, un peu rébarbatives qu'il aurait peut être fallu couper un peu. On sent tout de même que ce sont de très bons acteurs mais il y a un contraste entre eux qui sont assez classiques face à d'autres personnes telles que de Funès ou Galabru qui ont plus de caractère.

 

 

- Quelles fûrent les relations entre Louis de Funès et les techniciens ?

- C'était un homme très respectueux des techniciens. Il avait déjà une grande carrière derrière lui, il connaisait très bien le métier. Il savait qu'ils travaillaient plus et gagnaient moins que lui et pour ça il avait un immense respect, il s'est toujours conduit de manière exemplaire.

 

- Aviez-vous d'autres projets par la suite avec lui ?

- Je sais que lorsqu'ils ont réalisé "L'Aile ou la Cuisse", où Coluche donnait la réplique à Louis, Claude Zidi m'a dit plus tard que si Coluche ne l'avait pas accepté, ce rôle aurait été pour moi. Cela aurait été une merveilleuse aventure.

 

- Lorsque vous discutiez avec Louis, quels étaient vos sujets de conversation ?

- Nous discutions surtout lorsque nous déjeunions à la cantine, seuls ou avec les autres. Lorsque je lui posais une question, il me répondait toujours très gentiment, très franchement. Il m'a expliqué que, lorsqu'il était pianiste, il avait aussi en parallèle de petits rôles au cinéma et qu'il avait compris, dès ses premières apparitions, qu'il avait une vraie "vis comica", une vraie force comique. Il s'arrangeait toujours pour proposer de petits trucs, des détails, mais qui au final étaient toujours retenus pour son plus grand plaisir. Il savait déjà que tout serait conservé au montage. Il s'est forgé progressivement une grosse réputation sur les plateaux. Il était une valeur sûre même pour les petits rôles car il en tirait toujours le maximum.

 

 

Page créée le 9 novembre 2007, modifiée le 31 janvier 2010

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