Georges LAUTNER

 

azertytrezLorsqu'on lui demande aujourd'hui de citer le film parmi les siens qui reste son préféré, Georges Lautner ne peut faire aucun choix. D'ailleurs, il n'y tient pas du tout, car chacun de ses long-métrages correspond à une période particulière de sa vie. Que le résultat soit excellent ou de qualité inférieure, il réalisait toujours un film avec détermination et sérieux au sein de la même équipe. N'éprouvant aucun regret, satisfait des quarante-trois films qu'il a signés, Georges Lautner reste aujourd'hui un réalisateur hors norme dont la carrière s'avère bien remplie. Injustement boudés et dénigrés par la critique, ses films reçurent un formidable accueil auprès du grand public. Et ce n'est certainement pas le film culte " Les Tontons flingueurs ", dont les jeunes générations connaissent les dialogues par cœur, qui infirmera ce succès.

azertytrezFils de la célèbre comédienne Renée Saint-Cyr et d'un bijoutier de Nice, Georges Lautner débuta sa carrière dans comme assistant d'opérateurs, scripts et monteurs, avant de devenir l'assistant de Claude Cariven, Robert Daréne, Norbert Carbonnaux, Henri Lepage ou encore Jean-Claude Roy. Après s'être essayé au court métrage, Georges Lautner réalise son premier film " La Mome aux boutons ", sorti en 1958. En associant les genres policier et comique qui le fascinent, le cinéaste façonne rapidement son propre style. Lors de son premier coup d'essai en 1961, il remporte un beau succès en enrôlant Paul Meurisse en agent dans " Le Monocle noir ". La réussite lui permet de tourner quelques années plus tard " L'œil du monocle " et " Le Monocle rit jaune ".

 

Affiche du film "L'Oeil du monocle" de Georges Lautner avec Paul Meurisse.

 

azertytrezC'est à cette époque qu'il commence à travailler avec Lino Ventura et le formidable dialoguiste Michel Audiard, notamment sur " Les Tontons flingueurs " (1963) et Les Barbouzes (1964). Ces deux longs-métrages, au succès d'estime à leurs sorties respectives, figurent aujourd'hui parmi les films français les plus populaires. Sur " Les Barbouzes ", Georges Lautner fait tourner pour la première fois la ravissante Mireille Darc, qui tiendra par la suite des rôles importants dans plusieurs de ses films ("Ne nous fâchons pas ", " Laissez aller, c'est une valse"), voire la tête d'affiche dans " La Grande sauterelle ". Le triomphe se présente à plusieurs occasions pour le metteur en scène, dans des genres différents.

 

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A gauche, Jean Gabin dans "Le Pacha". A droite, la formidable équipe des "Tontons flingueurs".

 

azertytrezQue ce soit avec le film drame-psychologique " Galia " (1965), avec la superproduction de " Mort d'un pourri " ou avec Jean-Paul Belmondo au tournant des années 80 (" Flic ou voyou ", " Le Guignolo " et " Le Professionnel "), Georges Lautner signe des films qui plaisent au public et qui remportent de francs succès.

azertytrezSi sa dernière œuvre cinématographique remonte à 1992 (" L'Inconnu dans la maison " avec Patrick Bruel), Georges Lautner ne reste pas pour autant inactif. Réalisant quelques téléfilms (" L'Homme de mes rêves ", " Le Comédien ", " Scénario sur la Drogue "), il se consacre désormais à l'écriture de scénarii et à sa famille. En 2005, il publie aux éditions Flammarion " On aura tout vu ".

 

Couverture de "On Aura tout vu" de Georges Lautner (Flammarion, 2005)

 

azertytrezAujourd'hui cet homme serein nous évoque ses relations avec Louis de Funès, qu'il engagea à deux reprises. En 1963, le célèbre comédien interpréta le rôle de Jacques dans " Des Pissenlits par la racine ". Deux ans plus tard, il tint la vedette dans " Les Bons vivants ", sketch issu du film " Un Grand Seigneur " co-réalisé avec Gilles Grangier. Un grand merci à Georges Lautner qui a accepté de nous livrer son témoignage, et un grand bravo pour sa formidable carrière.

 

Lobby card du film "Des Pissenlits par la racine" de Georges Lautner. L'occasion de retrouver Guy Grosso et Mireille Darc aux cotés du comédien (collection F&J).

 

 

Interview de Georges Lautner du 19 janvier 2008 par Franck et Jérôme

 

- En quelles circonstances avez vous rencontré Louis de Funès ?

- Je l'ai rencontré en 1942 lorsqu'il était pianiste à la Madeleine. Dans un bistrot à Bagatelle, il tenait le piano à 4 mains avec l'inspecteur. Lorsque ce dernier jouait seul, de Funès montait sur le piano et chantait. Nous nous connaissions car sa sœur était la meilleure amie de ma mère et nous nous entendions bien.

 

- Votre première collaboration cinématographique est plus tardive…

- Je l'ai enrôlé en 1963 dans Des pissenlits par la racine. Ce furent des retrouvailles. Louis n'était alors pas très connu et ce ne fut pas difficile de l'engager.

 

- Comment se passait un tournage avec lui ? Improvisait-il ?

- Les tournages avec lui se passaient aussi bien qu'avec les autres acteurs. Louis savait exactement ce qu'il faisait. Je me souviens toutefois d'une improvisation : nous tournions une scène avec Mireille Darc et Raymond Meunier où il jouait un malade. Ce jour-là, Louis était arrivé en retard sur le plateau, ce qui l'avait rendu d'une humeur anxieuse. En jouant, il a fait de l'improvisation avec ces bredouillages.

 

- Comment en êtes-vous arrivé à réaliser " Un grand seigneur " ? Est-ce Gilles Grangier, vous-même ou quelqu'un d'autre qui a lancé ce projet de film à sketchs ?

- Je ne sais pas exactement. Gilles Grangier, Michel Audiard et moi-même étions de bons amis. On nous a un jour proposé de tourner sur le sujet des maisons closes. Gilles a eu deux sketchs à réaliser. Quant à moi, j'avais le scénario d'une ouverture de maison close avec Louis de Funès en vedette et de nombreux comédiens avec qui tout se passait bien.

 

- Justement, Yves Rodallec nous confirmait récemment que sur " Les Bons vivants ", les comédiens rigolaient de bon cœur entre eux et que le scénario les amusait beaucoup…

- Je ne pense pas être le mieux placé pour vous le confirmer, car j'ai toujours réalisé mes films dans une bonne ambiance. Mais il est vrai que les comédiens engagés sur ce film se connaissaient tous [ndlr : l'on retrouve notamment Mireille Darc, Bernadette Lafont, Jean Richard, Grosso et Modo, Hubert Deschamps, Philippe Castelli ou encore Louis Viret].

 

- Entre les tournages des " Pissenlits par la Racine " et " Les Bons vivants " se sont écoulées deux années. Entre temps, Louis de Funès a fait " Le gendarme de Saint-Tropez ", Le " Corniaud " et " Fantômas " et a acquis un statut de très grande vedette. Avait-il changé entre ces deux films ?

- Non, il était resté le même. Son comportement n'avait changé ni envers moi, ni envers ses partenaires.

 

- Quelle était la nature des relations entre Louis de Funès et Michel Audiard ?

- Elles ne pouvaient être que très bonnes. Michel Audiard écrivait des textes formidables que Louis récitait très bien.

 

- Aviez-vous d'autres projets avec Louis de Funès ?

- Oui, j'en avais avec lui mais mon producteur fit faillite et il n'y eut pas de suite.

 

- Quelle image gardez-vous de lui ?

- C'était un type fabuleux, qui conservait en lui de l'inquiétude. Mais sur le plateau, il savait exactement ce qu'il faisait et ce qu'il voulait faire. Lorsqu'il n'était pas satisfait de son jeu, il ne poursuivait pas la scène jusqu'au bout et rendait ainsi la prise inutilisable. Comme je ne pouvais pas m'en servir, il fallait recommencer, ce qui lui permettait de peaufiner son rôle jusqu'à ce qu'il obtienne satisfaction. Tout en restant le metteur en scène, il fallait que je sache l'écouter et utiliser son jeu au maximum. C'était d'ailleurs valable pour toutes les personnes avec qui je travaillais. Avec Michel Magne [qui a signé la musique des " Bons Vivants ", des " Tontons flingueurs " et des " Barbouzes "], nous discutions de nos différentes idées. Pour " Les Tontons flingueurs " par exemple, il m'avait proposé de baser la musique sur les quatre notes du bourdon de Notre Dame. Je me suis demandé s'il ne se payait pas ma tête ! Je l'ai laissé faire et la musique du film fut une réussite. Ainsi, j'écoutais les avis et les suggestions des gens que je côtoyais.

 

Quelques photos souvenirs du sketch "Les Bons vivants"

 

 

 

NOUVEAU

La télévision vue par Georges Lautner : ICI

 

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