collection Les Gens du Cinéma

 

Richard BALDUCCI

 

azertyuytrezRichard Balducci a été acteur, réalisateur et scénariste principalement connu pour sa participation à l'écriture de la série du "Gendarme". Correspondant de guerre jusqu'à la Libération, il a travaillé ensuite à "France Soir" à la rubrique "Spectacles". Il devient ensuite pendant dix ans l'agent de presse de l'Olympia. Parallèlement, il obtient quelques rôles au cinéma, notamment dans "A bout de souffle" de Jean Luc Godard aux côtés de Jean Paul Belmondo. Mais c'est en attaché de presse qu'il collabore le plus avec de nombreux réalisateurs tels que Luis Bunuel, Vadim, Christian Jaque, Visconti, Melville, Lelouch, Duvivier, Demy, de Broca, Truffaut, Chabrol, Max Ophuls, Jacques Becker, André Cayatte etc... Dans les années 1960, il débute une modeste carrière de réalisateur avant d'enchaîner les mises en scène de nombreux films comiques avec Jean Lefebvre dans les années 1970 et 1980. Richard Balducci est mort en décembre 2015 à l'âge de 93 ans, alors qu'il consacrait son temps à l'écriture de romans. Un grand merci à cet homme sympathique pour le temps qu'il nous avait accordé en 2008 pour répondre à nos multiples questions.

 

Interview de M. Richard Balducci du jeudi 24 janvier 2008 par Franck et Jérôme

 

- M. Balducci comment en êtes vous arrivé à travailler dans le cinéma ?

- C'est très simple. J'ai commencé par être journaliste, notamment pour France Soir, et j'écrivais dans la rubrique cinéma. C'est comme cela que la passion m'est venue. J'ai fait quelques films en tant qu'acteur mais mon but principal était l'écriture. J'étais en fait acteur quand il fallait remplacer quelqu'un (rires) !

 

- Vous êtes à l'origine d'un grand nombre de films extrêmement populaires tels que la saga des "Gendarme" ou "Le facteur de Saint-Tropez" pour ne citer qu'eux, il est bien évidemment touchant de voir que l'accueil du public, plusieurs années après, est resté intact ?

- Oui bien sûr, cela me fait très plaisir, il y a une forme de fidélité qui est vraiment touchante notamment de la part des jeunes personnes. Il est d'ailleurs dommage que ces personnes n'aient pas pu connaître le Saint-Tropez de cette époque qui était magnifique. Aujourd'hui cela a bien changé malheureusement.

 

- Vous avez donc été acteur, scénariste, réalisateur, par conséquent vous avez exploré beaucoup de facettes de votre métier, pouvez vous nous parler des critiques que l'on peut parfois essuyer ? Comment réagit-on ? Doit-on en tenir compte et se remettre en question ou bien les ignorer ?

- Je les ai toujours ignorées. Je n'ai jamais eu de bonnes critiques de la part de la presse. A la fin, je ne les lisais même plus, cela ne sert à rien. C'était peut être une sorte de motivation. Heureusement car si nous nous étions fiés aux critiques du "Gendarme", nous aurions vite arrêté !

 

- Est-ce à l'occasion du film "Taxi, Roulotte et corrida" d'André Hunebelle, où l'on vous retrouve en tant qu'attaché de presse, que vous rencontrez Louis de Funès pour la première fois ?

- Non, j'ai connu Louis de Funès avant, quand il était pianiste dans un bar de nuit. Il était très drôle. Il était ce qu'on appelle un pianiste à la soucoupe, c'est à dire qu'il disposait d'une soucoupe posée sur le bord du piano et les gens lui déposaient des pièces lorsqu'ils s'en allaient. Par la suite, je l'ai retrouvé lorsqu'il était dans la bande des Branquignols.

 

- On vous retrouve encore attaché de presse dans "Nous irons à Deauville" en 1962 pouvez vous nous parler de vos souvenirs concernant ce film ?

- Je n'ai malheureusement pas beaucoup de souvenirs concernant ce film si ce n'est que c'est à cette occasion que j'ai découvert Deauville.

 

- Vous travailliez déjà en amont du "Gendarme" avec Jacques Vilfrid et Jean Girault sur deux films : "Pouic-Pouic" et "Faîtes sauter la Banque", c'est parce que le trio fonctionne bien que vous vous retrouvez pour créer le "Gendarme de Saint-Tropez" ?

- Oui tout à fait. L'équipe fonctionnait très bien, tout était parfait. Concernant nos apports réciproques, nous nous sommes répartis les tâches à savoir que Girault réglait la mise en scène, Vilfrid les dialogues tandis que je m'occupais du scénario.

 

- Louis de Funès est-il beaucoup intervenu sur le scénario original du "Gendarme" ?

- Non pas sur le premier, il a "laissé courir" mais par la suite il a amené de nombreuses idées qui se sont toujours révélées efficaces. Il n'intervenait pas sur le scénario lui même mais sur le tournage. Il s'adressait toujours à Jean Girault lorsqu'il avait une idée. Et neuf fois sur dix, l'idée était retenue.

 

- Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a séduit chez Louis de Funès pour lui confier le rôle de vedette ?

- Comme je vous le disais, je connaissais déjà Louis du temps des Branquignols. J'ai toujours trouvé que c'était un homme formidable, qui prenait son métier de comique avec le plus grand sérieux.

 

- Pouvez-vous nous parler de l'ambiance sur le plateau des "Gendarmes" ?

- C'était une ambiance très familiale. Tout se passait très bien, il n'y a jamais eu de heurts avec qui que ce soit. Il y avait un grand respect entre tous les membres, que ce soit acteurs ou techniciens. Louis donnait d'ailleurs son avis sur les personnes qu'il souhaitait avoir à ses côtés dans la distribution, sans jamais les imposer ! Il avait par exemple une grande tendresse pour Galabru, Marin, Grosso ou Modo....Ils étaient tous des élèves dociles avec lui.

 

La fine équipe à New York en 1965 (collection F&J)

 

 

- Qu'en était-il des relations entre Jean Girault et Louis de Funès ?

- Jean Girault était une personne extrêmement souple. Il ne faut pas oublier qu'il était une des personnes qui le connaissaient le plus puisqu'ils avaient déjà souvent collaboré ensemble. Il y avait donc un grand respect entre eux. Jean Girault écoutait toujours les propositions de Louis qui a amené beaucoup dans le sens où, lorsqu'il sentait que quelque chose n'était pas forcément très bon, on se rendait compte qu'il avait toujours raison.

 

- Pouvez vous nous expliquer les raisons d'une première séquence en noir et blanc dans le film ?

- La raison en est très simple. Au début du film, Louis est gendarme dans un petit village de montagne avant d'être muté dans le Var, à Saint-Tropez. Le passage du noir et blanc à la couleur marque justement la découverte de Saint-Tropez. Nous trouvions l'idée originale. C'est d'ailleurs le tout premier film couleur dans lequel Louis de Funès a tourné.

 

- A l'époque était-ce un film à gros ou petit budget ?

- C'était un budget moyen. Il y avait beaucoup de défraiements car toutes les personnes, acteurs et techniciens étant de Paris et travaillant à Saint-Tropez, des frais importants étaient engagés ; pour le transport notamment. Mais à l'arrivée, le film n'a pas coûté cher puisque les dépenses ont été plus qu'amorties par les bénéfices !

 

- Quelles furent les critiques dès la sortie du film ?

- Comme tous les films comiques, elles ne furent pas très bonnes. Si nous leur avions dit qu'il y en aurait eu cinq de plus, ils ne nous auraient pas crus.

 

- Au départ, il ne devait pas y avoir de suite, comment est venu l'idée d'un deuxième "Gendarme" ?

- Le deuxième "Gendarme" est quand même apparu huit ans après le premier [sic]. Il faut savoir que Louis de Funès disposait d'un contrat pour trois films avec Beythout et Pignières, c'est pourquoi pour le second, nous avons proposé de refaire un "Gendarme" puisque les chiffres du premier avaient été excellents. Louis de Funès a été d'accord mais a souhaité, pour qu'une suite se justifie, que les gendarmes quittent la France. Ils se sont donc par conséquent retrouvés à New York.

 

- Quels souvenirs gardez-vous du tournage de ce deuxième gendarme ?

- L'ambiance était comme d'habitude merveilleuse. Sur le France, nous avons profité des décors somptueux que le paquebot offrait pour tourner une séquence improvisée qui n'était pas prévue dans le scénario original.

 

- Pouvez vous nous parler de Jacques Vilfrid ?

- C'était le compère permanent de Jean Girault, ils avaient déjà travaillé ensemble sur "Faîtes sauter la banque" et "Pouic-Pouic", il était donc logique qu'il participe au "Gendarme". Mais il n'était pas toujours présent sur le plateau, il venait de temps en temps notamment quand il y avait des raccords de dialogues à effectuer.

 

- On peut noter une évolution naturelle du "Gendarme", il se marie, part à la retraite....c'est une nécessité que les gens puissent s'identifier à lui par un parcours similaire au leur ?

- Non, le "Gendarme" évolue tout simplement parce que beaucoup de personnes nous disaient "Et maintenant, que va t-il se passer ?" Il a donc quelque part évolué en fonction de l'attente des gens.

 

- Vous ne participez pas au dernier "Gendarme", pouvez vous nous expliquer les raisons de cette absence ?

- C'est pour moi le "Gendarme" de trop. A mon avis il n'était pas à faire. Si vous voulez je me suis pleinement investi dans les deux premiers, je n'étais pas contre les deux suivants ("Le Gendarme se Marie" et "Le Gendarme en balade") mais je n'étais pas pour les deux derniers qui ne sont pas très bons, il faut bien le reconnaître. Pourtant, ces deux films ont fait des recettes formidables, rien qu'avec le nom "Gendarme" dans le titre.

 

- Y a t-il eu d'autres projets par la suite ?

- Nous avions commencé à travailler sur un scénario qui tournait autour de l'histoire du gendarme perdu dans le triangle des Bermudes. Le travail avançait bien mais malheureusement Louis nous a quittés avant que nous ayons pu le concrétiser.

 

- Le film se serait donc réalisé sans le décès de Louis de Funès ?

- Oui bien sûr, sans aucun problème.

 

La chasse aux nudistes dans le premier "Gendarme", en 1964 (collection F&J)

 

 

- Comment se passait le travail entre les acteurs et les techniciens sur le plateau ?

- Tout se passait à merveille, il y avait un grand respect. Louis de Funès respectait énormément les techniciens. Pour lui, chaque personne était indispensable, il a toujours eu de très bons rapports avec tout le monde. Il trouvait même que les techniciens ne gagnaient pas assez. Louis avait besoin de sa famille de cinéma, d'être entouré de son équipe. Il y avait un esprit véritablement familial. Quand il ne tournait pas, il venait tout de même sur le plateau pour donner des répliques en off ou simplement pour jeter un oeil. Il avait par contre une doublure lumière car cela le fatiguait un peu. C'était une personne formidable avec laquelle je n'ai que de bons souvenirs [ndlr : il s'agissait de Georges Fabre]. Louis était très professionnel et aimait avoir une sécurité financière.

 

Page créée en février 2008, dernière modification le 12 décembre 2015.

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