Roger LUMONT

 

azerthgfyuytRoger Lumont est un acteur français qui a tourné dans "Le Gendarme à New-York", "Fantômas se déchaîne" et "Le Grand Restaurant", mais qui a aussi très bien connu Louis de Funès en jouant "La Grosse Valse" avec la troupe des Branquignols. Il apparait également dans "Paris brûle-t-il ?" de René Clément, "Le Cerveau" de Gérard Oury, "Le Clan des Siciliens" d'Henri Verneuil ou encore "Le Mur de l'Alantique" de Marcel Camus. Dans les années 70, il commença à participer à des séances de doublages en tant qu'acteur, en français et en anglais. Il devint en 1987 directeur artistique sur des plateaux de doublage. Il a prêté sa voix à de nombreux personnages de dessins-animés, en particulier pour la série "Astérix" et "Inspecteur Gadget". Pour finir, la voix du maître-chanteur au téléphone dans "Jo" n'est autre que la sienne. Merci à cet homme très sympathique qui nous accordé de son temps pour répondre à nos questions...

 

Roger Lumont et Louis de Funès dans "Le Gendarme à New York" de Jean Girault (1965)

 

Interview Roger Lumont par Franck et Jérôme du 27 Avril 2007

 

- M. Lumont Pouvez-vous nous décrire vos relations avec Louis de Funès ?

- Elles étaient excellentes ! J'ai eu la chance de débuter en ayant obtenu le prix Marcel Achard au Cours Simon. Il y avait Robert Dhéry dans le jury et ce dernier avait remarqué que j'apparaissais dans plusieurs scènes, par conséquent il m'a retenu. J'ai remplacé quelqu'un dans "La Grosse Valse" et j'ai donc en parallèle attaqué avec Louis de Funès puisqu'il était dans la distribution. Je l'admirais, on s'entendait bien et on bavardait souvent. Il m'a beaucoup appris, en particulier l'importance du timing. Je me trouvais des petits gags sur lesquels il pouvait monter. C'était ce que j'appelle des gags "marche-pieds" sur lesquels lui pouvait faire rire ! Je me souviens que lorsque Robert Dhéry me repprochait quelque chose, Louis me défendait en lui disant que c'était très bien (rires) !

 

- Vous avez eu beaucoup de rôles, outre "La Grosse Valse" avec Louis de Funès, notamment dans "Fantômas se déchaîne", pouvez vous nous en parler ?

- Comme Louis de Funès m'aimait beaucoup, il m'a casé dans quelques uns de ses films notamment dans celui-ci, mais c'est une apparition très courte. J'ai de plus tourné dans "Le Grand Restaurant", avec là aussi un rôle très court (rires) !

 

- Pouvez-vous nous décrire l'ambiance du plateau sur les différents films ?

- En ce qui me concerne tout c'est toujours bien passé avec Louis, il n'y a jamais eu de problèmes. Certains ont dit qu'il n'était pas gai dans la vie mais c'est faux ! Il avait véritablement la bosse de la rigolade, quand il pouvait rigoler, croyez moi il n'hésitait pas. Par contre quand Jeanne, sa femme, arrivait sur les plateaux il devenait beaucoup plus calme. Je me souviens que pendant qu'il se trouvait en scène durant "La Grosse Valse", je regardais toujours ses prestations depuis les coulisses et c'était un véritable régal.

 

- Y'avait-il beaucoup d'improvisations ?

- Oui, je me souviens d'ailleurs que certaines scènes qui, à la base, devaient durer une minute trente atteignaient parfois vingt minutes, on lui disait alors "Oh Louis, la scène fait vingt minutes maintenant !" (rires) ! Mais il ne pouvait pas s'empêcher, il adorait ça ! J'adorais répéter, chercher avec lui, tout comme Grosso et Modo.

 

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Roger Lumont et Louis de Funès dans "Le Grand Restaurant" de Jacques Besnard en 1966

 

- Et vos rapports avec la troupe des Branquignols ?

- Robert Dhéry, au tout début de la pièce, était le personnage principal, par la suite, au moment où j'ai été engagé, il fût remplacé par Jacques Balutin. Il y avait énormément de gens sympathiques tels que Robert Burnier ou Pierre Tornade, ils sont tous devenus des amis. Par la suite, la troupe est partie aux Etats-Unis et la grande erreur de Robert est de n'avoir pas pris Louis. Ils avaient besoin d'une star française comme lui et son absence a été un grand défaut je pense !

 

- Vous avez connu Louis à différents stades de sa carrière, était-il toujours le même ?

- Il n'avait pas changé, quand je le croisais, il était toujours aussi gentil. Il me disait: "Je vous ai vu dans un film récemment, vous étiez très bien !". C'était un homme vraiment charmant. Vous savez, il en avait tellement bavé pour en arriver jusque là. Il a joué du piano dans les bars jusqu'à 45 ans pour pouvoir nourrir sa famille ! Il a eu enormément de petits rôles. Par la suite, lorsqu'il est devenu célèbre, il a connu le problème que connaîssent toutes les stars : il fallait trouver de bons scénarios.

 

- On a souvent dit que les relations entre Jean Marais et Louis De Funès n'étaient pas au beau fixe, vous confirmez ?

- Vous savez, lorsque j'ai joué dans "Fantômas", je n'apparassais que dans des scènes où Jean n'était pas et donc je ne l'ai jamais côtoyé ! Mais j'ai eu de bons échos, on me l'a toujours décrit comme quelqu'un de très gentil. Gabin aussi était très gentil. Je me rappelle que lorsque j'effectuais un doublage pour "La Horse", j'avais un trac fou ; j'ai balancé ma réplique et Gabin m'a dit "Parfait, merci Monsieur !". Par la suite, j'ai joué à ses côtés dans "Le drapeau noir flotte au dessus de la marmitte" où je formais un quatuor composé d'André Pousse, Raymond Meunier et Jean Carmet. J'ai tourné neuf semaines avec Gabin et ce fût un vrai régal. J'ai eu l'occasion de discuter avec lui pendant des heures, il connaissait parfaitement son métier, c'était un grand professionnel comme de Funès d'ailleurs. L'anecdote la plus marquante à ce sujet est celle que j'ai vécue pendant la pièce "La Grosse Valse". Chaque soir, lorsque Louis sortait de sa première scène, il savait immédiatement l'ambiance de la salle et nous disait si elle était bonne ou mauvaise et même si celle-ci était mauvaise, au lieu de s'économiser comme n'importe qui l'aurait fait, il dépensait des litres de transpiration. Il considérait toujours que les gens avaient payé cher pour venir le voir et qu'ils ne pouvaient les decevoir. Et la salle, dix minutes après, lui mangeait dans les mains ! C'est vous dire l'honneteté et le professionnalisme de Louis, c'était vraiment incroyable.

 

- On a souvent dit de lui qu'il aimait tourner avec "sa famille" de cinéma, ses proches, était-ce le cas ?

- Oui, il aimait tourner avec des gens qu'il aimait et appréciait ! Il avait horreur de la médiocrité et cela est parfaitement normal. Il y avait toujours des comédiens pour lui servir la soupe, comme Grosso, Modo ou moi mais ce terme n'est pas péjoratif. Cela était parfaitement normal et on adorait le faire, on rigolait beaucoup.

 

- L'improvisation ne vous dérangeait donc pas ?

- Vous savez, l'improvisation c'est une question de personnalité. Certains sont doués d'autres pas, c'est comme ça, c'est un don. Il y a des acteurs qui ne vont pas décoller du texte et qui seront perdus si cela arrive. Par contre ils sont géniaux dans ce genre là, c'était un peu le cas de Fresnay. Pour d'autres, c'est l'inverse. En ce qui me concerne, comme je vous l'ai dit, j'adorais l'improvisation, même en anglais car je suis bilingue, cela ne m'a jamais posé problème. Parfois cela peut être plus difficile pour certains acteurs qui sont bons dès la première prise et d'autres qui auront besoin de se "chauffer".

 

Lino Ventura et Roger Lumont dans "Le Clan des Siciliens" de Henri Verneuil (1965)

 

- Comme pour Bourvil et De Funès par exemple ?

- Beaucoup de personnes ont dit que Bourvil, qui était bon dès la première prise, perdait de sa fraîcheur pendant que De Funès s'essayait mais cela n'a jamais posé problème, la preuve quand vous voyez la qualité de leurs scènes. Par exemple la séquence du "Corniaud" où Bourvil clame "Elle va marcher beaucoup moins bien maintenant" est une pure improvisation de lui, ce n'était pas dans le texte. Il était tellement professionnel, tout comme Gabin.

 

- Pouvez-vous nous parler de vos relations avec des gens qui ont cotôyé eux aussi Louis de Funès ? Commençons par Jean Carmet :

- Nous avions d'excellents rapports, on s'adorait. La vie n'était pas triste avec lui, quand nous allions souvent acheter du vin ensemble ; quelle partie de rigolade et ensemble nous avons fait de grands et bons repas. C'était un acteur extraordinaire. D'ailleurs, à ce sujet, Coluche, que j'ai connu à l'époque des petites salles, à ses débuts, où il faisait 30 francs par soirée, m'avait confié que Jean et moi étions ses acteurs préférés car nous jouions vraiment naturel.

 

- D'accord, merci et concernant Jacques Dynam, proche lui aussi de Louis de Funès ?

- J'ai joué avec lui et je l'ai même dirigé en synchro. Nous étions de bons amis, il rigolait toujours et était très suceptible. Il fallait juste savoir comment le prendre et il n'y avait jamais de problèmes. C'était un très bon comédien.

 

- Philippe Dumat ?

- Nous avions d'excellente relations tous les deux. Je me rappelle avoir organisé un dîner chez moi avec où j'avais invité Philippe pour un jeune tout comme vous qui souhaitait nous rencontré. Lui aussi était un très bon comédien, professonniel et consciencieux.

 

- Bernard Lavalette ?

- J'ai du tourner avec lui une ou deux fois, notamment, je crois, dans "Les malabars sont au parfum", où il jouait encore un rôle de ministre, cette étiquette lui a toujours collé, mais vous savez c'était il y très longtemps ! Il était très gentil mais je n'ai malheureusement pas eu beaucoup de contacts avec lui. Du reste, il était un bon comédien.

 

Compilation de personnages auxquels Roger Lumont prête sa voix, puis des scènes des films "Paris brûle-t-il ?", "Le Gendarme à New York" et "Le Cerveau".

 

- Vous êtes nostalgique des fims de vedettes américaines telles que Charlie Chaplin ou Buster Keaton ?

- Oui bien sûr et vous savez nous en parlions souvent avec Louis. Je me souviens que, pendant "La Grosse Valse" nous nous croisions entre les scènes et à un moment donné je devais faire une apparition en maillot. Les premières fois le public riait de tout coeur puis cela s'est estompé au fil des représentations, le rire était encore présent mais beaucoup moins fort qu'auparavant. Je vais donc voir Louis et lui fait la remarque. Il me répond "Oui c'est excat c'est moins drôle...la prochaine fois esayez de rentrer une seconde plus tôt". Je m'executais le lendemain et rien ne changea, il me dit alors "demain rentrez deux secondes plus tard", ce que je fis et la salle hurla de rire ! A une seconde près peut être ou fantastique ou simplement drôle. C'est dans ces moments là que l'on voit tout le professionnalisme de Louis, l'importance du timing, c'est d'ailleurs Julien Carette, me disait-il, qui lui avait enseigné l'importance fondamentale du timing. Il fallait toujours rechercher le rythme.

 

- Pensez vous donc que son métier de pianiste lui a beaucoup apporté dans son travail d'acteur ?

- Oh oui bien sur, incontestablement. Au théâtre, il devait pendant la pièce éxecuter une danse espagnole et il le faisait magistralement. Je me rappelle qu'un soir, Louis est venu me voir tout catastrophé parce que le guitariste qui l'accompagnait pour cette danse s'était abîmé l'avant bras. Comme j'avais une bonne expérience de masseur et que je disposais toujours d'un tube de pommade chauffante dans ma voiture je l'ai massé et il a pu jouer. Louis m' a remercié, il m'en était très reconnaissant.

 

Merci à Roger Lumont pour ses propos...

 

Entre autres, Roger Lumont, Christian Toma, Louis de Funès, Jacques Dynam, Bob Lerick et Michel Duplaix dans "Fantômas se déchaîne" d'André Hunebelle (1965)

 

2ème interview (2011) : ICI

 

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